A partir de ce lundi et jusqu’à jeudi matin, 98% des cabinets de médecins généralistes de Roanne et son agglomération seront fermés pour protester contre la loi de santé. Les instigateurs de la grève, qui se disent en dehors de tout syndicat aimeraient que par un effet boule de neige, la protestation passe d’un niveau local à national. Dans une lettre ouverte, ils font part de leur inquiétude quant à l’avenir de la médecine générale. Le Dr Philippe Mottet est l’un des signataires de la lettre. Il revient pour Egora sur les causes de cette grève.

 

Egora.fr : Comment est née l’idée de lancer ce mouvement malgré le vote de la loi à l’Assemblée nationale ?

Dr Phippe Mottet : Ce mouvement a été initié par le Dr Michel Seraille. Alors qu’il était en vacances à l’étranger, il a appris que l’article sur la généralisation du tiers-payant avait été voté en nocturne par moins de 50 députés. Il a été révolté et a lancé à la boutade un mail à des médecins généralistes roannais en leur proposant de se manifester contre cette attitude des autorités. Il y a une dizaine de jours, nous avons donc engagé une réunion entre plusieurs médecins. C’est là que nous avons réalisé que nous étions très nombreux à être révoltés devant la manière dont nous sommes considérés. Nous avons donc décidé de lancer un grand mouvement de grève à Roanne et dans sa région.

 

Concrètement, en quoi consiste ce mouvement ?

Nous voulons dire aux autorités que le médecin généraliste est quelqu’un qui est présent sur le terrain. Nous souhaitons aussi leur rappeler que la profession de généraliste va disparaître progressivement vu que le nombre de jeunes qui choisissent ce métier décline. Nous voulons montrer aux patients qu’il va être de plus en plus difficile d’avoir un médecin généraliste attitré. Ce qui se profile est très dangereux pour la santé de nos patients.

Le nombre de médecins ayant suivi ce mouvement est impressionnant. Sur Roanne et la région roannaise, on comptabilise 98% de cabinets fermés. Il y a une grande solidarité des médecins généralistes sur le bassin roannais. Nous avons lancé cette grève en accord avec les hôpitaux et les cliniques que nous avons bien évidemment prévenus. Nous assurons aussi la permence des soins, ce qui signifie qu’aucun médecin n’a été réquisitionné par l’ARS. Nous sommes des gens responsables.

 

Quelle est la suite que vous pourriez donner à ce mouvement ?

C’est très simple, nous aimerions qu’il fasse boule de neige. Il y a, en ce moment, beaucoup de régions qui nous contactent. La région de Saône-et-Loire, qui compte 200 médecins veut poursuivre notre mouvement. Nous recevons des mails de Moselle, Paris, Lyon… Il faut que les politiques réalisent que le médecin généraliste n’est pas un chiffre ni une statistique. Le médecin généraliste n’est pas non plus un coût. Les politiques vivent dans leur bulle à Paris et n’ont pas les échos des villes moyennes. Notre grève leur fera peut-être comprendre que les généralistes sont seuls.

 

Avez-vous été épaulés par les syndicats dans la création de votre mouvement ?

Ce mouvement s’est créé de façon spontanée en dehors de syndicats. Les syndicats sont toujours importants parce qu’ils ont des moyens logistiques qui leur permettent de parler avec les autorités. Mais dans le cadre de notre mouvement, nous avons refusé que les syndicats interviennent.

 

Vous sentez-vous soutenus par les patients ?

Notre mouvement débute mais nous nous sentons effectivement soutenus par les gens. Nous allons tout de même nous réunir avec les médecins grévistes pour engager un dialogue avec les Roannais. Nous imaginons par exemple aller dans les pharmacies et expliquer aux patients les raisons de notre mouvement. Nous voulons que la population participe.

Il y aura toujours une minorité de personnes qui nous considèrent comme des nantis et des fainéants mais tant pis. Il faut savoir s’engager.

 

Le taux de participation à votre grève dépasse de loin ceux des syndicats. Ont-ils été utiles dans cette bataille contre la loi de santé ?

Les syndicats sont un peu surpris par notre mouvement, ils ne pensaient pas que des médecins non syndiqués se lancent dans cette affaire ! Ils vont essayer de prendre la balle au bond et de faire monter la sauce. On ne pourra pas les en empêcher mais ça n’est pas ce que nous souhaitons.

 

Quelle serait la solution idéale que pourraient apporter les autorités ?

Nous aimerions que toute la paperasserie liée à la généralisation du tiers payant soit supprimée. Il est difficile de faire comprendre à un étudiant qu’au bout de 10 années d’étude, sa consultation sera réglée par la sécurité sociale et qu’il aura des contraintes papier quotidiennes pour gagner sa vie.

Nous demandons donc des aménagements de la loi et non son abrogation. Nous savons très bien que les politiques auront toujours le dernier mot.

Retrouvez la lettre ouverte des médecins

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi Bonin