Depuis le 1er mars, les cliniques ne peuvent plus facturer de soins à l’assurance maladie. La nouvelle grille de tarifs qui devait être arbitrée au plus tard dimanche a été repoussée à une date inconnue. La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) s’alarme des difficultés financières que va engendrer cette décision. Elles ne pourront pas tenir plus d’une semaine.
 
 

 

Egora.fr : Depuis le 1er mars, vous ne pouvez plus facturer de soins à l’Assurance maladie, que se passe-t-il ?

Lamine Gharbi, président de la FHP : Nos tarifs sont valables un an. Chaque année, ils évoluent en hausse ou en baisse, bien que depuis 5 ans, cela soit plutôt en baisse. Au-delà de cette baisse des tarifs, il y a aussi, au sein des différents actes, notamment l’appendicite, le canal carpien, la prothèse de hanche… des évolutions ou des baisses en fonction des résultats de l’étude de coût. Au 1er mars, nous recevons normalement notre nouvelle grille tarifaire, car ceux de l’année précédente sont caducs au 28 février. Cette année, nous attendions comme d’habitude une position du cabinet de la ministre. Il se trouve que sur une décision politique et arbitraire, le ministère n’a pas communiqué les tarifs.

 

Comment vous-ont-ils prévenu ?

Nous avons reçu un coup de fil de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) qui nous a demandé d’arrêter de facturer car les tarifs ne sont pas arbitrés. Nous leur avons donc fait part de notre étonnement. Nous avons appelé le ministère qui nous a dit que les arbitrages sur les évolutions des tarifs n’étaient pas faits. Nous ne sommes donc plus autorisés à facturer. D’autant que nos tarifs sont devenus caducs au 28 février 2015, nous sommes donc dans l’impossibilité technique de facturer.

 

Quelles vont être les répercussions pour les cliniques ?

Nous ne pouvons pas tenir plus d’une semaine. Les patients hospitalisés sont facturés trois à quatre jours après la sortie. Nous sommes donc en train de traiter les factures de la dernière semaine de février, mais nous allons avoir un trou la semaine prochaine. A partir de demain, mes services de facturation vont fonctionner à la moitié de leurs capacités. Nous n’aurons aucun versement la semaine prochaine. La réponse de la DGOS est d’imaginer un système d’avance.

 

C’est-à-dire ?

Imaginons que nous avons un chiffre d’affaire de 100 000 euros par semaine, l’Assurance maladie va nous envoyer un montant de 80% de notre CA, soit 80 000 euros. Tout cela est d’une absurde complexité. La caisse va nous avancer de l’argent que nous allons devoir rendre sur des factures à établir… C’est n’importe quoi ! On leur a demandé de nous autoriser à facturer avec des tarifs anciens. Ils ont dit non. C’est de l’amateurisme le plus total. C’est absolument scandaleux.

Tous les ans, nous avons des négociations annuelles obligatoires pour les réévaluer les salaires de nos collaborateurs. Nous négocions chaque année avec les organisations syndicales. C’est comme si je leur disais, je suis en train de négocier mais nous n’avons pas abouti donc je ne vous paye pas. Les salariés me pendraient !

 

Selon vous cette attente est un moyen de faire pression avant la manifestation du 15 mars ?

Je pense qu’ils vont nous annoncer une mauvaise nouvelle et ils n’ont pas le courage de le faire avant la manif. Mais ce que je ne comprends pas, c’est que la ministre offre un argument aux médecins dans leur combat contre le tiers-payant. Outre le fait de dire que la gratuité des soins n’est pas acceptable, les arguments des médecins consistent à dire que l’assurance maladie peut décider de ne plus les payer ou de bloquer les versements. C’est exactement ce qui est en train de se passer.

C’est une décision politique et non une décision technique. Je pourrais comprendre un problème d’informatique au sein de l’assurance maladie mais ce n’est pas le cas.

 

Avez-vous une échéance pour la fixation des nouveaux tarifs ?

Nous n’avons rien ! Nous sommes le 5 mars et nous n’avons pas d’information, c’est du mépris pour la fédération que je représente, pour les 200 000 collaborateurs qui travaillent avec nous et surtout pour les médecins dont les honoraires ne sont pas non plus facturés. Certains bruits de couloir disent que nous n’aurons rien avant la fin du mois…

Nous avons un petit matelas de trésorerie qui permet de tenir quelques jours mais les médecins qui sont en entreprise individuelle n’ont pas de sécurité. Je trouve cela indécent de la part de la République de nous tenir en otage. Nos fournisseurs s’inquiètent déjà de ne pas être payés.

 

Vous n’aviez pas prévu de le faire et pourtant vous venez d’annoncer votre participation à la manifestation du 15 mars. Qu’est-ce qui vous a décidé ?

Nous avions levé le mouvement de grève de janvier parce que nous avions des engagements du ministère sur l’article de loi et certaines avancées. Il se trouve que ces avancées n’ont pas eu lieu. Les médecins ont quitté la table des négociations, à juste titre, parce qu’il n’y avait pas de réponse. Le gouvernement s’est mis en situation d’échec. Il porte la responsabilité de l’absence de concertation. Nous sommes toujours au même point qu’en décembre. Ce qui est d’autant plus ubuesque, c’est que le 17 mars, la commission des affaires sociales va examiner le projet de loi sur un texte qu’ils n’ont pas. Les députés eux-mêmes nous disent n’être au courant de rien et ne pas comprendre ce qu’il se passe.

L’autre élément déclencheur a été l’absence de tarif et le blocage de la facturation. J’avais imaginé tous les scénarios possibles, mais je n’avais pas pensé à celui-là. Nous sommes complétement pris en otage.

 

Concrètement que comptez-vous faire face à cette absence de tarifs ?

Nous avons demandé à avoir des avances. Nous n’avons pas encore de réponse. Je trouve que nous sommes relativement patients et gentils. Tout cela est incroyable. Cette situation est un marqueur fort de la lutte contre le tiers-payant généralisé. Elle donne l’occasion aux médecins d’expliquer qu’il ne faut absolument pas qu’il y ait de tiers-payant. J’en suis la victime collatérale.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin