Un médecin disponible 24h sur 24 et 7 jours sur 7… Certains patients en rêvaient ? Un assureur s’apprête à le faire. En réalité, il s’agira de téléconsultations proposées aux salariés dont l’entreprise a souscrit un contrat collectif auprès d’Axa, l’assureur-mutualiste qui a mis en place ce dispositif, opérationnel dès le mois de juin prochain.

 

“Clairement, c’est un produit d’appel qui pose un certain nombre de questions”, fait remarquer Claude Leicher, président de MG France. “Il ne faut pas donner l’illusion aux patients qu’ils seront bien soignés de cette manière.”

Ce qui est en jeu derrière cette offre, c’est la conquête de la plus large part des 24 millions de salariés qui seront, dès janvier 2016, obligatoirement couverts par le contrat d’assurance santé collectif qu’aura choisi leur entreprise. Pour le moment, Axa en compte 2,2 millions. “Nous avons commencé à réfléchir à cette idée dès la parution du décret autorisant la télémédecine, en 2010, indique Hervé Franck, directeur coordination santé chez Axa France. C’est une demande qui remontait dans les enquêtes faites auprès de nos assurés. Leur médecin traitant n’est pas joignable, ils ne veulent pas déranger le 15 pour un petit bobo… On s’est demandé quels services nous pouvions mettre en place pour assurer cette continuité d’un accès au médecin.”

 

Ordonnance télétransmise à la pharmacie

Concrètement, c’est une équipe de 29 médecins urgentistes, salariés d’Axa assistance qui se relaieront jour et nuit pour répondre aux appels téléphoniques. “Les urgentistes sont rôdés à la téléconsultation, ils savent poser un diagnostic par téléphone”, poursuit Hervé Franck. Ce sont d’ailleurs les mêmes médecins qui assurent déjà l’assistance médicale téléphonique quand vous avez un pépin à l’autre bout de la planète. “Comme pour toutes les activités d’assistance médicale à distance, ces médecins ont l’obligation de garder une activité en cabinet, ou à l’hôpital. En plus, ils devront suivre une formation mensuelle, régulière, par un organisme agréé de formation continue”, assure-t-on chez Axa. Pour se protéger de tout mélange des genres indésirable, l’assureur garantit qu’il n’aura à aucun moment accès aux dossiers des patients, que les activités d’assistance médicale et de téléconsultation sont distinctes de leurs activités d’assurance, et que les données personnelles des usagers seront protégées chez un hébergeur agréé. Soit.

Un diagnostic à distance, donc, qui pourra donner lieu à prescription si le médecin l’estime nécessaire. Dans ce cas, il transmet l’ordonnance à la pharmacie indiquée par le patient. Si le praticien estime n’avoir pas assez d’éléments, il peut renvoyer le patient vers son médecin traitant, ou vers les urgences le cas échéant. “Mais nous insistons bien auprès de nos assurés sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un service d’urgence. Nous n’avons pas vocation à remplacer le 15”, assure le responsable.

 

“Nous voulons rester le plus près possible de la logique du parcours de soins”

Par ailleurs, trois cas de figures ne seront pas pris en charge : les renouvellements d’ordonnance, les consultations psychologiques, et les arrêts de travail ou certificats médicaux. Ensuite, un compte rendu de la téléconsultation sera transmis au médecin-traitant, avec l’accord du patient. “Notre objectif n’est pas de prendre la place du médecin traitant. Avec ces téléconsultations, nous voulons rester le plus près possible de la logique du parcours de soins”, se défend Hervé Franck.

Sauf que l’idée même de téléconsultation a du mal à passer auprès des généralistes. “Une consultation, c’est un interrogatoire, un examen physique, un diagnostic et un traitement. Or dans ce cas, un examen physique est évidemment impossible, lâche Claude Leicher, président de MG France.Ce qui est vrai c’est qu’en tant que médecin traitant, je peux donner des avis téléphoniques aux patients que je connais, mais c’est parce que je connais leurs antécédents.” Téléconsultations de patients connus qui ne donnent d’ailleurs lieu à aucune forme de rémunération.

Pour le généraliste, il faut limiter cette pratique à du conseil ou de la régulation. Il met en garde ceux qui s’aventurent à aller plus loin. “Ce n’est pas sans risque, à la fois pour le médecin et pour le patient, assure Claude Leicher.Je dis aux médecins de faire attention au défaut de moyen. Il faut savoir que les procédures pour défaut de moyen aboutissent à des condamnations dans 100% des cas. Et les patients vont voir le bénéfice apparent d’un avis rapide, mais ce sera par un médecin qui ne le connaît pas.” Un avis rapide, et surtout sans frais supplémentaire pour l’assuré. En effet, l’appel ne sera pas facturé au patient. Le service est inclus dans le contrat et financé par les cotisations. Une apparente gratuité pour le patient, donc, qui peut être un atout de plus pour séduire l’assuré ? Chez Axa, on fait mine de ne pas y croire. “Aujourd’hui, pour tous les patients qui ont une complémentaire, la consultation est déjà gratuite puisqu’elle est remboursée en totalité”, répond Hervé Franck.

 

“Ces téléconsultations marquent-elles un retrait de la Sécurité sociale ?”

Du côté du Conseil de l’Ordre, on joue la carte de la prudence. “Le premier point, c’est que ces téléconsultations sont conformes à la loi, tient à souligner le Dr Jacques Lucas, vice-président du CNOM. Mais cela pose quand même des interrogations sur plusieurs aspects.” Et notamment sur la logique du parcours de soins et du médecin traitant. “Est-on en train de créer une double entrée dans le système de soins ? L’une organisée par le médecin traitant et le parcours de soins, et l’autre par un assureur complémentaire ? Cette offre n’interfère-t-elle pas avec la mission de service public de la permanence des soins ambulatoires ?”, s’interroge le Dr Lucas, qui se défend de tout procès d’intention et rappelle que le CNOM est engagé dans la télémédecine. “Nous posons seulement un certain nombre de questions, car cela soulève des interrogations politiques sur l’organisation du système de soins. Ces téléconsultations marquent-elles un retrait de la Sécurité sociale ?” Si c’est le cas, le CNOM demande à ce que ces évolutions soient clairement exprimées. D’ailleurs ces interrogations ont été adressées à Marisol Touraine et à la majorité parlementaire le 19 mars dernier. Un vœu pieux jusqu’à présent. “On peut comprendre qu’ils aient eu d’autres préoccupations ces derniers temps, mais aujourd’hui nous attendons des réponses.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier