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Agressions en visite dans le 93 : A bout, la MG renonce

En sortant d’une visite, le Dr Joselyne Rousseau a trouvé sa voiture vandalisée. Une fois de plus. Une fois de trop. Elle ne remettra plus les pieds dans cette cité de Seine-Saint-Denis où elle travaille pourtant depuis 33 ans. Désabusée, elle déplore aussi le mépris ambiant à l’égard des professionnels de santé libéraux.

 

“Quand j’ai annoncé à mon patient handicapé que j’arrêtais les visites à domicile, il était en larmes. Mais je ne peux pas continuer à me mettre en péril.” Pour le Dr Joselyne Rousseau, généraliste installée depuis 33 ans dans un cabinet de Pierrefitte (Seine-Saint-Denis), la dernière agression a été celle de trop.

Lundi en milieu de journée, alors qu’elle sort de chez un patient du quartier de la Cité des Poètes, elle retrouve sa voiture avec le capot rayé, les rétroviseurs cassés, une jante en moins. “J’en ai marre. J’ai déjà subi 20 cambriolages et deux agressions, dont une à main armée en sortant du cabinet.” C’était en octobre 2009, en pleine journée. “Depuis, j’avais levé le pied sur les visites. Je ne me déplaçais que chez les personnes handicapées ou en fin de vie.”

Mais surtout, elle a tenté de faire réagir les pouvoirs publics. En vain. Présidente de l’association des professionnels de santé de Pierrefitte, elle se bat depuis dix ans contre la violence et la désertification. Il y a encore quelques années, le petit pavillon du Dr Rousseau accueillait trois médecins et une orthophoniste. Le dernier médecin est parti en 2008. Depuis la généraliste travaille seule, et aujourd’hui elle est particulièrement amère.

 

“Il est trop tard pour pleurer”

“On s’est vraiment démenés. On a rencontré les ARS, les préfets. Du temps de Xavier Bertrand, on avait même rencontré une conseillère du ministère. Vous savez ce qu’elle avait trouvé à nous dire ? Partez, mesdames, partez. On vous remplacera par des médecins étrangers !”, confie le Dr Rousseau, du désespoir dans la voix. “On ne cesse de nous dire que nous, libéraux, on ne sert à rien. D’accord, on ne va plus faire ce que personne ne veut faire ! On nous a ri au nez pendant des années ? Et bien il est trop tard pour pleurer.”

A 60 ans, la généraliste a même pensé à raccrocher pour de bon. “Je ne vais pas attendre qu’on m’égorge. Mon compagnon a la trouille, mes enfants sont sur le qui-vive.” Un jour alors qu’elle avait oublié son portable à la maison, son mari qui n’arrivait pas à la joindre a fait 70 kilomètres pour débouler en trombe dans son cabinet. Pris de panique, il n’avait même pas songé à l’appeler sur le fixe. “C’est dur, mais mon attachement à mes patients me fait tenir. Ce qui est sûr c’est que j’envisage de prendre ma retraite bien plus tôt que je ne le pensais.”

 

“Tout le monde s’en fout des libéraux”

Car l’insécurité n’est qu’une partie du problème. “Le climat est délétère pour les libéraux. On est largement méprisés. Aujourd’hui Marisol Touraine se fout carrément de nous. Je n’ai jamais vu une ministre faire autant de mal à la médecine libérale”, regrette Joselyne Rousseau. Loi sur l’accessibilité imposant des travaux exorbitants “qu’on ne fera pas”, généralisation du tiers payant… c’en est trop. “Quand j’entends qu’il n’y avait que 35 députés lors du vote sur le tiers payant… Tout le monde s’en fout des libéraux.”

Sans compter le “dogme de la maison de santé” au détriment des autres formes d’exercice. “Il n’y en a que pour les maisons de santé. Pour les libéraux en cabinet, c’est niet. Les maisons de santé, c’est un des aspects, mais la lutte contre la désertification passe avant tout par un maillage territorial des professionnels de santé dans les quartiers, assure la généraliste qui ne décolère pas. Je ne sais pas ce que c’est que cette politique dogmatique”.

 

Désabusée

Un mépris que la généraliste ne constate pas uniquement dans les politiques ministérielles, mais bien dans son quotidien, sur le terrain, à l’échelon local. “J’ai eu des problèmes de santé, j’ai été hospitalisée, je viens de me faire agresser… Vous croyez que le maire m’a appelée pour me demander si ça allait, si je tenais le coup ? Il n’a pas levé le petit doigt.”

Aujourd’hui, la généraliste ne croit franchement plus à une amélioration. Désabusée, elle refuse pourtant de baisser les bras. Pour ses patients. Elle sait déjà qu’elle finira par reprendre les visites. “Je ne retournerai pas dans la Cité des Poètes, où j’ai subi ma dernière agression. Mais je retournerai ailleurs. Je ne peux pas laisser mes patients. Vous savez, quand je vais chez eux, les gens ont préparé le thé, des gâteaux pour que je reste et qu’on parle un peu. Si je n’y vais plus, qui va aller les voir ?”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier