Peu connus des internes en médecine générale, les ex-hôpitaux locaux luttent pour leur survie. Après une disparition juridique en 2009, des mesures publiques visent à créer un label, celui des hôpitaux de proximité qui ne répondent pourtant pas aux mêmes critères. Quels sont les enjeux ?

 

En 2009, la loi Hôpital, patients, santé et territoires (Hpst) a supprimé le statut juridique des hôpitaux locaux en les soumettant au droit commun des établissements publics de santé. “Avec la loi Hpst, notre modèle a été généralisé pour faire de nous des hôpitaux comme les autres, souligne le Dr Pascal Gendry, président de l’Association nationale des médecins généralistes des hôpitaux locaux (Aghl). L’intention est très bonne, sauf que nous ne sommes pas des hôpitaux comme les autres !”

 

11,6 millions d’euros supplémentaires demandés aux ex-hôpitaux locaux

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 a quant à elle introduit la notion d’hôpitaux de proximité qui comprend des centres hospitaliers travaillant de façon traditionnelle, c’est-à-dire de manière hospitalocentrée, avec des praticiens hospitaliers, et certains ex-hôpitaux locaux. L’objectif des pouvoirs publics via cette mesure est de déterminer, d’une part, les critères permettant à des établissements ayant les mêmes caractéristiques d’activité pour la médecine d’être qualifiés d’hôpitaux de proximité et, d’autre part, de définir un financement dérogatoire applicable à l’activité de médecine de ces établissements. Car actuellement les ex-hôpitaux locaux sont financés avec dotation annuelle, alors que les centres hospitaliers publics ou privés ont un financement qui repose sur la tarification à l’activité.

Le nouveau modèle de financement serait ainsi composé d’une part fixe, destinée à assurer la viabilité de l’établissement, et d’une part variable, liée à l’activité. Mais en attendant 2016, année de mise en place du nouveau modèle de financement de ces hôpitaux pas comme les autres, ces derniers sont inquiets. L’ANCHL vient d’annoncer que 11,6 millions d’euros supplémentaires seront demandés aux ex-hôpitaux locaux, à la faveur de la réforme de la tarification de 2016, et du plan triennal d’économies touchant les établissements hospitaliers.Selon les calculs du ministère de la Santé, le niveau de sur-dotation de ces établissements par rapport à une application du modèle T2A classique, a été évalué à 34,8 millions d’euros. Pour la seule année 2015, les économies s’élèveront donc à un tiers de cette somme, à l’exception d’une dotation d’un million, “sanctuarisée”, pour financer les consultations externes (ACE).

Regrouper des structures au sein du même label “hôpital de proximité” surprend les défenseurs des ex-hôpitaux locaux, car elles n’ont pas les mêmes caractéristiques d’activité. Alors que les centres hospitaliers travaillent avec des praticiens hospitaliers, les ex-hôpitaux locaux ont pour particularité d’avoir dans leurs équipes des médecins généralistes libéraux ayant une activité mixte ou salariée et libérale, donc tournée vers la ville, vers le premier recours. Ces hôpitaux ont en effet une forte implication du secteur ambulatoire et affichent une volonté d’assurer une continuité des soins entre la ville et l’hôpital. Ils sont dans une logique de parcours au plus près des patients, facilitant le retour à domicile.

 

“Nous sommes attachés à notre fonctionnement particulier”

“C’est un mode de fonctionnement particulier, avec un ancrage territorial très fort du fait de cette pratique mixte”, fait savoir Dominique Colas, président de l’Association nationale des centres hospitaliers locaux (Anchl). Les ex-hôpitaux locaux sont généralement strictement des espaces de soins de premiers recours. “La notion d’hôpital de proximité englobe donc des structures ayant des fonctionnements qui ne sont pas du tout similaires, ajoute-t-il. Il y a une confusion dans le genre car la vocation n’est pas la même.”

“Nous sommes attachés à notre fonctionnement particulier, soutient le Dr Gendry. Nous voulons continuer à soigner nos patients de cette manière.” Si la Direction générale de l’offre de soins (Dgos) affiche un certain soutien aux ex-hôpitaux locaux, “dans les faits, entre 2004 et 2011, au moins 60 ex-hôpitaux locaux ont disparu, et les hôpitaux visés par la catégorie hôpitaux de proximité sont passés de 252 en 2004 à 156 en 2014”, rapporte Dominique Colas. Dans certaines régions, des regroupements ont même été imposés. De plus en plus d’agences régionales de santé (ARS) tendent à ce qu’il y ait des directions communes entre les centres hospitaliers au niveau notamment du management, “ce qui implique, pour les directeurs, d’avoir des fonctions identiques, s’inquiète le Dr Gendry. Cela peut conduire à des fusions et à des disparitions de services de médecine au sein des exhôpitaux locaux.”

“Nous ne sommes pas contre une modification de l’offre de soins”, souligne Dominique Colas. Mais le président de l’Anchl regrette l’absence de projet et d’analyse de la situation, car les établissements ferment “sans qu’on ne se préoccupe des patients qui viennent chez nous. Il n’y a pas d’analyse systémique de la situation. On ne mesure pas les coûts sociaux, humains et financiers pour la société”. L’autre risque pour les ex-hôpitaux locaux, d’après Dominique Colas, est de connaître tardivement les modalités de fixation de leurs budgets car, pour le moment, la limite entre la part fixe et la part variable n’est pas encore déterminée.

Les ex-hôpitaux locaux sont par ailleurs directement concernés par les groupements hospitaliers de territoire (GHT) prévus dans le projet de loi santé. Un groupe de travail a d’ailleurs été formé avec la Fédération hospitalière de France (FHF) pour prévoir, dans les futurs GHT, un cahier des charges pour respecter le fonctionnement de toutes les structures, même des plus petites, voire de les promouvoir. “Nous avons demandé un groupe de travail car nous avons des craintes sur le développement de ces GHT, souligne le Dr Gendry. Cela nous pose des problèmes de représentativité en raison de notre vocation qui n’est pas comme les autres.”

 

“Faire connaître cette possibilité d’exercice aux internes en médecine générale”

“Dans les GHT, numériquement, nous n’allons pas peser grand-chose, signale Dominique Colas. Et la gériatrie n’est pas la priorité des centres hospitaliers généraux, qui sont plus centrés sur la chirurgie, les urgences, les plateaux techniques. On souhaite que ces GHT nous prennent en considération, qu’il y ait une garantie, une charte pour que nos points de vue soient reconnus. On doit chercher l’efficience dans ces GHT et appliquer un principe de subsidiarité dans les soins.” Ils regrettent également que les GHT aient des “frontières” alors que les hôpitaux accueillent des patients venant de plusieurs territoires. “Cela ne correspond pas au parcours du patient”, déplore Dominique Colas.

Les ex-hôpitaux locaux souhaitent néanmoins défendre coûte que coûte leur existence. “L’idée est de faire connaître cette possibilité d’exercice aux internes en médecine générale et de faire savoir que ces structures s’inscrivent dans cette continuité de l’offre de soins”, souligne le Dr Gendry. L’accueil des stagiaires est fondamental en raison d’une méconnaissance de cette activité. “C’est un enjeu fort pour consolider la présence médicale, ajoute-t-il. Pour un interne, il est plus intéressant d’être dans un hôpital local que dans un CHU car c’est plus formateur par rapport aux pathologies et à l’organisation pluriprofessionnelle.”

Cependant, si les CHU ont les moyens de financer des internes, ce n’est pas forcément le cas des ex-hôpitaux locaux, qui n’ont pas de ligne budgétaire dédiée. “On doit se faire connaître mais aussi faire comprendre aux ARS l’intérêt à faire financer l’accueil d’un interne”, souligne le Dr Gendry. Car l’ARS et le département de médecine générale (DMG) ont un rôle à jouer dans la mise en place de ces stages, qui sont pour le moment relativement rares.

 

“Les petits hôpitaux de proximité nous paraissent plus pertinents pédagogiquement.”

L’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) est la première à plaider pour des stages au sein des ex-hôpitaux locaux. “La réforme du 3e cycle médical est en cours, rapporte Pierre-Antoine Moinard, le président de l’Isnar-IMG. Le but est de faire en sorte que demain les internes soient formés au plus près de leur exercice futur, donc le moins possible en CHU et davantage en ambulatoire. Les petits hôpitaux de proximité nous paraissent plus pertinents pédagogiquement.”

Le problème tient au fait que dans les centres hospitaliers locaux les médecins libéraux ne sont pas chefs de service ; se pose donc la question de savoir qui est le responsable pédagogique des internes. Il s’agit d’un modèle auquel les DMG ne sont pas habitués même s’il commence à se développer.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Laure Martin