Sorti d’une tourmente judiciaire de 15 années, innocenté des accusations de viol sur son petit-fils, qui a avoué avoir menti, l’ancien maire de Vence et radiologue se tourne maintenant vers l’Ordre. Il veut savoir si les experts médicaux qui l’ont accusé ont eu une attitude éthique.

 

“J’ai tellement souffert depuis quinze ans. Il faut que cela serve à quelque chose. Dans mon cas, des choses anormales se sont passées au niveau des expertises médicales. Je ne veux pas en dire plus, avant de m’être entretenu avec l’Ordre des médecins, à qui j’ai envoyé un courrier, et dont j’attends la réponse.”

La voix du Dr Christian Iacono est claire et déterminée. Le 25 mars dernier, l’ancien maire UMP de Vence et radiologue de formation a été définitivement lavé des soupçons de viols sur son petit-fils Gabriel par la cour d’Assises du Rhône. Des faits commis en 2000, qui lui ont valu deux condamnations à neuf années d’emprisonnement en 2009 et 2011. Condamnations qui ont volé en éclat après la rétractation de Gabriel en 2011, aujourd’hui âgé de 22 ans qui a reconnu avoir menti durant toutes ces années. Un procès en révision a conclu en mars dernier à l’innocence du Dr Iacono. “J’ai pu réparer une bonne partie de ma connerie (…) Je suis heureux à pleurer de joie” a soufflé Gabriel à l’issue du procès.

 

“On ne peut pas prendre parti à l’issu d’un simple examen clinique”

Aujourd’hui octogénaire, l’ancien maire n’en a pourtant pas fini avec cette affaire. Car il demande désormais à l’Ordre des médecins de s’intéresser au déroulé de la procédure et particulièrement à l’attitude des experts. “Il y a eu des choses anormales, affirme Christian Iacono. D’autres médecins se sont exprimés en ce sens. On ne peut prendre parti à l’issu d’un simple examen clinique, sans une échographie notamment. On ne peut affirmer quoi que ce soit dans une affaire où c’est parole contre parole. Or, des médecins ont manqué de prudence, ont pris parti, ont déclaré qu’ils étaient ’certains que’…. Même si l’on doit respecter sa parole, on sait aujourd’hui que l’on ne peut pas dire tout de suite que l’enfant a raison.”

En juillet 2000, une pédiatre de la cellule de maltraitance de l’hôpital de Reims, lieu de résidence de l’enfant, avait attesté du viol allégué par Gabriel Iacono, confortant ainsi les soupçons de la PJ de Nice, relate nicematin.com dans son édition du 23 mars dernier. Lors du procès, le Dr Ohayon, médecin légiste membre d’une cellule de maltraitance, largement cité par la défense, avait rédigé un rapport à charge contre cette expertise médicale.

“Le Dr D. a manqué de rigueur médico-légale, en concluant de manière hâtive au viol. Elle n’a pas recherché d’éventuelles causes accidentelles aux lésions révélées, n’a pas interrogé l’enfant sur les suites, nécessairement très douloureuses. Elle aurait dû solliciter un avis spécialisé, des examens complémentaires”, accusait le Dr Ohayon.

 

Les médecins peuvent se mettre en situation de dénonciation calomnieuse

Des examens complémentaires ont bien été réalisés, mais en 2005, et n’ont pas montré de lésions. “Avec le délai de cinq ans, on ne peut cependant exclure une parfaite cicatrisation des lésions”, a estimé l’auteur de ces examens, le Pr Robert Benamouzig, gastro-entérologue. “Mais si celles-ci avaient été importantes, elles auraient persisté”, ajoute-t-il. Le spécialiste reconnaît toutefois qu’il était très difficile à sa consoeur de prescrire en 2000, de tels examens “à un enfant en situation psychologique très difficile”, d’autant que ces explorations “intrusives et douloureuses ne pouvaient être effectuées, dans le cadre judiciaire, sous anesthésie générale”.

L’Ordre des médecins sera donc amené à se prononcer sur l’attitude des experts dont les conclusions ont nourri le dossier. Et dicté l’intime conviction de l’avocat général lors du procès en révision. Selon Jean-Paul Gandolière, “Gabriel a bien été victime d’abus sexuels, l’auteur en est son grand père Christian Iacono. C’est la seule explication rationnelle”, avait-il asséné, sans pour autant requérir de peine et laissant aux jurés le soin de forger leur conviction. Une attitude qui avait troublé le Dr Paul Bensussan, psychiatre, expert agréé par la Cour de cassation et par la Cour pénale internationale, qui l’avait relaté dans une tribune au Figaro.

“L’Ordre jugera si l’éthique médicale n’a pas été respectée. Il faut que les médecins fassent très attention, ils peuvent se mettre en situation de dénonciation calomnieuse s’ils ne savent pas comment faire correctement un signalement”, rappelle le Dr Iacono.

Au Conseil national de l’ordre des médecins, on suit l’affaire avec attention. A défaut d’avoir pu consulter le dossier, le Dr Kahn-Bensaude, vice-président du conseil national, pédiatre et co-rédactrice d’un rapport ordinal sur les maltraitances à enfant, rappelle qu’il est du “droit et du devoir” des médecins de faire un signalement au procureur de la République lorsqu’ils suspectent une maltraitance, mais en respectant plusieurs règles, car ce sera “parole contre parole, comme dans le cas de dénonciation d’attouchements sexuels présumés lors d’une consultation médicale”.

 

“Les psychiatres sont de piètres détecteurs de mensonges”

Constater, rapporter les propos de la victime et de la personne qui l’accompagne dans le cas d’un enfant. Après examen clinique, réalisé ou non en présence de la personne accompagnatrice (le préciser), décrire le comportement de l’enfant pendant la consultation, procéder à la description des lésions “ne jamais mentionner l’auteur présumé des faits”, ajoute le Dr Kahn Bensaude (un modèle de signalement est disponible sur le site de l’Ordre national des médecins).

“Si ces règles sont suivies, les médecins qui signalent n’ont rien à craindre. Le procureur fera ensuite son enquête”, insiste-t-elle.

“Les psychiatres sont de piètres détecteurs de mensonges”, ajoutait Paul Bensussan, interrogé par leparisien.fr. “Cette affaire illustre le poids excessif accordé aux expertises psychiatriques et psychologiques dans ces affaires d’abus sexuel ou la preuve scientifique (véritable ou réfutable) étant rare, c’est souvent “parole contre parole” (…) Le danger est d’avoir des victimes convaincantes et des experts convaincus, donc péremptoires, ce qui laisse une marge de manœuvre très étroite à la défense du mis en cause.’”

Dans l’affaire Iacono, poursuit-il, les experts ont été “trop péremptoires”, l’un d’eux ayant ajouté, après la rétractation de l’enfant, que ce dernier avait pu “mentir inconsciemment”. “Le parti de ne croire l’enfant que lorsqu’il accuse est simpliste et idéologique” poursuit le Dr Bensussan, qui rapporte que la révélation par l’enfant à l’âge de 9 ans, de faits survenus lorsqu’il avait 5 ans, s’est produite “dans un contexte de haine familiale, dont les experts ont trop peu tenu compte, se focalisant sur le récit de l’enfant”.

Lors du verdict l’innocentant, en mars dernier, le Dr Christian Iacono avait enlacé Gabriel, tous deux en larmes. “On considère un enfant comme détruit lorsqu’il s’est enferré aussi longtemps dans le mensonge, ajoute l’ancien maire pour Egora. Je veux défendre les enfants, l’enfant qui a menti est victime, mes autres petits enfants sont aussi victimes. Il faut faire les choses sérieusement. Donc, respecter la parole, mais avec prudence et sérieux”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne

 

Avec nicematin.com, Le Figaro et Le Parisien.