Hier, ils étaient biologistes, pédiatres ou dans l’industrie pharmaceutique. Demain, ils seront généralistes. Une formation offre une qualification en médecine générale à ces médecins qui veulent changer de vie. Au menu, stages et cours théoriques dans un programme très adapté à ces profils hétéroclites.

 

“Un jour, un homme d’une cinquantaine d’années est venu me voir à l’université. Il travaillait dans une entreprise de matériel médical, et venait de se faire licencier. Comme il était diplômé de médecine, il avait trouvé un confrère qui voulait bien le prendre. Mais il n’avait pas exercé depuis un moment et avait besoin de se remettre à niveau.” C’est comme ça que le professeur Pierre Girier, de l’université de Lyon a commencé à réfléchir, au début des années 2000, à la possibilité d’offrir une formation de remise à niveau en médecine générale.

 

A la rentrée, chaque interégion devrait proposer ce diplôme

Pour répondre à cette demande particulière, il crée alors une Attestation d’études universitaires (AEU), qui permet de valider des compétences en médecine générale et de pouvoir demander une autorisation d’exercice auprès de l’Ordre. Rapidement, l’idée fait mouche auprès d’autres départements de médecine générale. Rennes, Poitiers, Rouen mettent en place le même type de formation. “Mais ça ne concernait à l’époque que des généralistes qui étaient restés plus de trois ans sans exercer, explique le Pr Pierre Girier. Jusqu’à ce qu’un diplômé en biologie, branche qui connaît des difficultés de recrutement, demande à suivre la formation pour devenir médecin généraliste.”

Sous l’impulsion du Conseil national de l’Ordre, et sur la base du référentiel métier définissant les compétences du médecin généraliste élaboré par le conseil national des généralistes enseignants (CNGE), un Diplôme interuniversitaire est créé. “Et s’est répandu au niveau national”. Au tel point que dès la rentrée prochaine, chaque interrégion devrait proposer ce DIU, destiné aux généralistes restés sans exercer, aux généralistes faisant l’objet d’une insuffisance professionnelle, aux spécialistes voulant se réorienter ainsi qu’aux médecins étrangers.

Parmi les candidats à la qualification, les profils sont extrêmement variés. “J’ai des gériatres, des pédiatres, des néphrologues, des gens qui ont travaillé pour l’industrie pharmaceutique. J’ai une maman qui a été généraliste et qui a arrêté pour s’occuper de ses trois enfants. A 40, 50 ans, ce sont de vrais changements de vie”, témoigne le Pr Girier.

Yoann Chevalier est diplômé de biologie médicale. Après trois ans en tant qu’assistant des hôpitaux, et toujours pas de poste en vue, il a reconsidéré son avenir. “J’avais déjà envisagé la médecine générale pendant mes études, j’avais fait un stage qui m’avait plu. Je me suis rendu compte que j’aimais la consultation.”

 

“Je me suis inscrit pour me réimprégner de la médecine ambulatoire”

Un collègue lui parle du DIU de qualification en médecine générale, il se laisse convaincre et s’inscrit à Lyon. “Depuis le 1er novembre, je suis un jour par semaine en stage chez un généraliste libéral et un jour en cours, avec les internes. Ensuite, à nous de trouver d’autres stages pour compléter notre formation en fonction du profil et du projet d’installation de chacun. Moi, je suis à l’hôpital de Bourgoin-Jallieu. Je voudrais m’installer là-bas, idéalement en groupe. Je suis les consultations. Ça me remet dans le bain et ça me permet de faire mon réseau, de connaître les spécialistes. Il y a un réel intérêt pratique”, assure le médecin de 35 ans.

La dimension concrète et adapté aux besoins de chacun, c’est ce qui séduit aussi Benoît Gallet. Il a exercé une dizaine d’années dans une maison médicale d’un village de montagne avant de travailler pour l’industrie pharmaceutique pendant plus de 25 ans. Il suit depuis le mois de novembre la formation proposée par l’université Paris Descartes, avec un statut un peu particulier toutefois. “A 62 ans, je ne me suis pas inscrit pour m’installer, mais pour me réimprégner de la médecine ambulatoire.” A trois ans de la retraite, il entend désormais se consacrer à trois ONG. “J’ai une super tutrice, explique Benoît Gallet. Je la vois une fois par mois, je choisis avec elle les cours qui correspondent à mon projet, très orienté soins primaires et précarité.”

Les cours ont lieu à Bichat et à Cochin, assurés conjointement par un universitaire et un médecin généraliste.”A Bichat, les professeurs font un effort remarquable pour être pratiques, simples, réalistes”, tient-il à faire remarquer.

Il s’étonne, en revanche, de la pression que l’on fait peser sur les épaules de ceux qui comptent sur la validation de cette année pour pouvoir exercer.

 

“N’importe qui ne peut pas être médecin généraliste”

“On demande un boulot colossal, des dossiers volumineux à rendre, avec les compétences en médecine générale du référentiel. On leur dit qu’ils n’auront peut-être pas leur année, qu’ils devront en faire une deuxième. Et on leur tient un discours étonnant comme quoi n’importe qui ne peut pas être médecin généraliste… C’est choquant quand on sait qu’on manque de médecins généralistes, que ces gens sont compétents et sont parfois même attendus dans des cabinets…” Un stress et une charge de travail démesurés, estime-t-il. D’autant que, pour financer cette formation à plusieurs milliers d’euros l’année, beaucoup doivent continuer de travailler en parallèle, souvent à l’hôpital.

Pour offrir une réponse à cet obstacle financier, l’ARS de Haute-Normandie propose depuis quelques années un accompagnement financier en contrepartie d’une installation en zone déficitaire pendant au moins deux ans.”Nous prenons en charge un ou deux candidats par an. La première moitié de la formation doit être autofinancée, ensuite ils reçoivent l’équivalent du salaire d’un interne”, explique Bruno Anquetil, responsable du département qualité et appui à la performance à l’ARS de Haute-Normandie. Une stratégie qui semble porter ses fruits, puisque deux médecins se sont déjà installés dans le cadre de ce dispositif. Un troisième est en cours d’installation.”Ce n’est pas parce que nous les aidons que c’est une formation low-cost. C’est une vraie formation, validée par l’UFR de médecine générale, tient à souligner Bruno Anquetil.Le CNOM suit notre initiative de près, mais à ma connaissance c’est pour l’instant la seule de ce type au niveau national.”

A l’automne, les médecins en formation devront présenter les travaux réalisés pendant l’année lors d’une soutenance devant un jury d’enseignants. Une commission de qualification évaluera ensuite les dossiers, et les candidats pourront obtenir le précieux sésame autorisant l’installation. Dès janvier prochain, ils viendront grossir les rangs des médecins généralistes.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier