Le ministère de l’Enseignement supérieur a fait savoir que seuls 16 enseignants associés allaient être nommés, sur les 36 reconnus aptes. Compte tenu des départs, il y aura une diminution du nombre de profs l’année prochaine. Matthieu Calafiore, président du Syndicat national des enseignants de médecine générale, est consterné. A l’heure où Marisol Touraine veut placer la médecine générale au centre du système de santé, l’Enseignement supérieur méprise encore les généralistes.

 

Egora.fr : Vous avez appris que 16 enseignants associés allaient être nommés en médecine générale. Quelle est votre réaction ?

Matthieu Calafiore : Nous sommes consternés parce que le Conseil National des Universités (CNU) a étudié les dossiers des postulants pour un poste d’enseignant associé. 36 dossiers ont été reconnus aptes, avec toutes les qualifications et les compétences requises. Et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche a décidé de nommer 16 personnes.

Sauf qu’entre les départs à la retraite, les personnes qui souhaitent arrêter… on aura 20 départs en tout. 20 postes en moins. Donc 16 nommés pour 20 départs, ça fait un solde négatif. C’est vraiment inédit, c’est la première fois que ça arrive depuis la création de la filière universitaire de médecine générale.

 

A l’heure où on met en avant la place de la médecine générale, ça paraît contradictoire. Malgré ça, vous avez l’air de garder votre calme…

C’est certainement dû à mes origines siciliennes. C’est le volcan qui va rentrer en éruption. Ça reste calme en apparence, mais on interprète la décision du Ministère comme un casus belli. Clairement. Il faut reconnaître que partout, lors des débats sur la loi de Santé, il a été dit que la médecine ambulatoire devait être au centre, que le médecin généraliste avait un rôle de pivot… On nous brosse dans le sens du poil. Mais quand il s’agit de mettre les moyens sur la table pour former ces futurs médecins généraliste, il n’y a plus personne.

C’est quand même assez hallucinant de se dire qu’on a un ratio enseignant/enseigné d’un enseignant pour plus de 100 internes. Alors que les autres spécialités sont en moyenne à 1/10. Je suppose que le ministère de l’Enseignement supérieur a dû trouver que c’était encore trop, et donc va diminuer le nombre d’enseignants.

 

Quels sont vos recours aujourd’hui ?

Le ministère de l’Enseignement supérieur peut décider d’augmenter le nombre de postes, jusqu’à arriver à 36 s’il le souhaite. C’est juste une décision d’ouverture de ligne budgétaire, point. Pas besoin d’organiser de nouvelle réunion…

Mais si rien n’est fait, on sonnera la fin de la récréation. Tous les départements de médecine générale, jusqu’à présent, font énormément. Beaucoup plus que ce qu’ils devraient faire humainement. On veut former les internes, on ne veut pas leur mettre des bâtons dans les roues, on fait en sorte qu’ils puissent avoir leur DES en trois ans, avec leur soutenance de thèse… Si le ministère n’y met pas du sien, nous on n’y mettra plus du notre non plus. Il faudra s’attendre à des validations de DES quand ce sera possible. Pour l’instant les choses se passent bien parce que les enseignants y mettent beaucoup du leur, parfois au détriment de leur activité de soins ou de leur vie familiale. Mais si on n’a pas de réponse, on arrêtera de s’impliquer autant et on fera le strict minimum. On fera un dixième de ce que font les autres spécialités, puisqu’on a un dixième de leurs enseignants. Il faudra s’attendre à des retards de soutenance de thèse, des retards de validation de DES, donc des retards dans l’arrivée sur le marché des nouveaux médecins généralistes, donc à une aggravation du problème de la désertification médicale.

 

Envisagez-vous des actions plus radicales ?

On se veut très négociateurs depuis le début. On a essayé de contacter le ministère, de dialoguer. On a averti que la situation était catastrophique, qu’on allait considérer ça comme un casus belli si rien n’était fait. C’était vendredi. Depuis, aucun retour. Aujourd’hui nous n’avons plus aucun dialogue avec le ministère de l’Enseignement supérieur.

Les enseignants en médecine générale, qu’ils soient universitaires, associés ou maîtres de stage lambda, commencent à en avoir assez du mépris. Donc, lors de notre prochaine assemblée générale, nous pourrions voter la grève du stage chez le praticien, donc plus de DES du tout. Cette assemblée est prévue fin novembre, au Congrès de Dijon, mais on se réserve la possibilité de l’organiser plus tôt si on continue à recevoir des signes très négatifs. Sans réévaluation du nombre d’enseignants, sans augmentation des possibilités de recrutement des maîtres de stage, et sans revalorisation de la maîtrise de stage dans la ROSP, ce sera définitivement la déclaration de guerre. L’escalade est encore évitable. Le ministère a les cartes en main.

 

Pourquoi ce blocage récurrent sur le nombre d’enseignants en médecine générale ? Le coût ?

Le coût n’est pas le problème. Par rapport à un poste hospitalo-universitaire, c’est dérisoire. Mais encore une fois, on se retrouve entre deux feux. Le ministère de la Santé serait plutôt favorable au développement de la médecine générale, à son essor. Et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche fait la sourde oreille. J’ai l’impression que pour eux, la spécialité de médecine générale, n’existe pas encore vraiment. C’est eux qui font blocage.

On avait eu une période un peu d’accalmie avec le conseiller précédent, le Pr Dubois Randé. Il avait mené toute la réforme sur la considération de la filière universitaire avec la création d’une sous-section à la CNU. On était la seule spécialité à ne pas avoir de sous-section. C’était une avancée majeure, qu’on avait saluée. Malheureusement, il n’a pas eu beaucoup de temps. Il avait fait du forcing pour avoir des postes d’associés en plus. Il avait eu la démarche de dire : budgétairement, je pourrai avoir un nombre de poste limité, mais je vais essayer d’en obtenir plus. Il avait effectivement quatre postes supplémentaires, de mémoire.

Mais début décembre, le conseiller a changé. Est-ce qu’il est le seul à faire la pluie et le beau temps ? Est-ce que les directives ont changé ? Depuis, les relations avec les enseignants de médecine générale ont complètement changé. Là on a franchement l’impression de faire machine arrière. On nous a donné un signal fort avec la sous-section, et là, on a le signal complètement inverse. C’est la douche écossaise.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier