Salaire garanti, couverture maladie, congés payés… Le contrat de praticien territorial de médecine générale présentait bien. Séduite par le congé maternité, le Dr Desgrez a signé en novembre. Mais après trois mois d’activité, elle apprend qu’elle n’a finalement droit à rien. En cause : les petites lignes du contrat…

 

“On nous a vanté le contrat de PTMG avec des avantages dont je ne peux pas bénéficier aujourd’hui”, s’indigne le Dr Virginie Desgrez. Jeune généraliste, elle avait cru voir dans le contrat de praticien territorial de médecine générale (PTMG) la bonne opportunité pour s’installer, dans un cabinet de groupe dans une petite ville de Haute-Savoie. Mais c’était sans compter les surprises que cache ce contrat. Et elles ne sont pas bonnes pour tout le monde.

 

165 actes mensuels et un trimestre civil pour bénéficier du congé

“J’envisageais une grossesse. Je me suis dit que le contrat de PTMG était le bon choix puisqu’il assure un congé maternité.” C’est donc en novembre dernier que les trois généralistes lancent leur activité, dans une zone déficitaire. Sur les trois praticiens, deux signent un contrat de PTMG. “Ces contrats ont été prévus pour offrir une prévoyance aux médecins, leur proposer des conditions rassurantes pour oser une première installation.” Effectivement, le contrat prévoit que si le généraliste assure au moins 165 actes dans le mois, l’ARS verse un complément de salaire pour le porter à 6900 euros bruts mensuels. Par ailleurs, il offre une couverture maladie de 1 300 euros bruts et de 3 100 euros bruts en cas de congés maternité. Il faut juste avoir effectué les 165 actes mensuels requis et un trimestre civil pour en bénéficier. Mais le diable se cache dans les détails. Comme l’a découvert à ses dépens le Dr Desgrez, un trimestre civil ne correspond pas nécessairement à trois mois de travail.

“Je ne pensais pas devoir m’arrêter si vite. J’ai eu une grossesse très éprouvante, avec des complications graves. C’était compliqué, j’ai dû m’arrêter en février.” Pour bien faire les choses, la généraliste prend contact avec l’ARS Rhône Alpes pour confirmer qu’elle pourra bien toucher une allocation d’arrêt maladie. Comme le Dr Desgrez exerce depuis plus de trois mois, personne n’y voit d’inconvénients. “Deux semaines après, j’ai reçu un courrier m’expliquant que comme je n’avais pas fait un trimestre civil, je n’aurais droit à rien”. Dans son explication de texte, l’ARS traduit la nuance à la généraliste : un trimestre civil commence en janvier, avril, juillet ou octobre. Puisqu’elle a signé son contrat en novembre, son trimestre civil ne pouvait commencer qu’en janvier et donc être accompli au 1er avril. “C’est incroyable. Si j’avais signé quelques jours après le 1er octobre, j’aurais pu avoir presque six mois de délai de carence puisque j’aurais dû attendre le 1er avril !”

 

En congé sans aucune allocation

“J’ai demandé de l’aide autour de moi. J’ai vu un avocat qui m’a dit qu’on ne pouvait pas attaquer sur les termes du contrat, puisque c’est bien écrit ‘trimestre civil’. J’ai sollicité l’Ordre, qui m’a dit la même chose. Ils vont quand même vérifier le caractère déontologique du contrat”, assure le Dr Desgrez. Dans les conditions actuelles, la généraliste se retrouve donc en congé maladie sans aucune allocation malgré les belles promesses du contrat de PTMG. “Heureusement, j’ai eu l’idée de souscrire une prévoyance privée. Aujourd’hui ce sont mes seuls revenus. Mais ce n’est pas suffisant, je vais probablement devoir demander un prêt”, confie la jeune installée.

Pourtant, les choses semblent bouger. Cette faille incongrue du texte a été remontée auprès des hautes instances. “Nous sommes au courant du problème, indique l’ARS Rhône Alpes. Il y a eu plusieurs cas de ce type.” Tous liés à une mauvaise interprétation du “trimestre civil”, et qui touche particulièrement les femmes qui attendent un congé maternité. “C’est vrai que ce n’est pas clair. A notre niveau, nous devrions préciser plus clairement le terme de “civil” pour éviter les mauvaises surprises”, explique-t-on à l’Agence régionale de santé. Pourtant, même si elle semble consciente du problème l’ARS indique ne pas avoir le pouvoir de changer cette subtilité du texte. “Maintenant, il faut faire remonter le problème à la DGOS, qui est à l’initiative des textes, car c’est vrai que c’est problématique.”

Même son de cloche du côté du syndicat RéAGJIR (Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants), alerté par le Dr Virginie Desgrez. “Cette jeune généraliste n’est pas la seule dans ce cas. Deux ou trois autres cas nous ont été signalés, c’est inadmissible. Il est impératif de régler ce problème, sinon c’est le contrat même de PTMG qui devient incohérent”, souligne le Dr Jacques-Olivier Dauberton, président de RéAGJIR.

 

PTMG 2

De quoi laisser un espoir au Dr Desgrez et aux autres médecins dans la même situation. D’autant que le président de RéAGJIR précise qu’il est prévu que ces contrats de PTMG puissent être modifiés. Pour y inclure un congé de paternité, par exemple. “Une version PTMG 2 devrait être discutée bientôt, et il est prévu qu’elle soit rétroactive, précise le Dr Dauberton. Les erreurs seront donc pointées et les médecins qui en font les frais pourront bénéficier de la nouvelle version.”

Précisément ce que demande la généraliste en congé maladie. “Il faudrait juste un avenant pour transformer le trimestre civil en trimestre normal et nous permettre de toucher une indemnité. A titre personnel, je ne sais pas ce que je peux attendre. Mais je voudrais au moins que cela serve et que les choses évoluent.”

Une évolution en bonne voie, à en croire le président du syndicat des jeunes généralistes. “Nous sommes en contact avec la DGOS, assure le Dr Jacques-Olivier Dauberton. Officieusement, le ministère nous dit que le délai de carence est de trois mois après signature du contrat. Et non pas après un trimestre civil. Mais pour le moment nous n’avons aucune confirmation par écrit. Nous attendons une réponse officielle dans la semaine.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier