Consultations CMU ou ALD rejetées, forfaits personnes âgées non honorés, erreurs dans les relevés ROSP : les performances de l’assurance maladie en matière de tiers payant servent déjà de repoussoir. Et mobilisent les médecins contre le tiers payant généralisé.

 

Contre le tiers npayant généralisé, la CSMF, et ses branches UNOF (généralistes) et Umespe (Spécialistes), appellent à la désobéissance civile, en dehors du tiers payant social, dont ils ont toujours défendu le bien-fondé. Idem pour MG France, qui lance un mot d’ordre de boycott. Les autres syndicats, qui demandent le retrait pur et simple de la loi de santé, jugée “inamendable”, sont évidemment sur la même stratégie de refus. Toutes ces structures considèrent que le tiers payant les entrainera dans un puits sans fond de perte de temps, de vérifications, de réclamations couteuses, avec ses près de 600 organismes de protection complémentaire sur le marché.

Déjà, alors que le tiers payant ne concerne que les patients en CMU-C et AME, 2,4 % des actes sont rejetés, pour des problèmes d’ouverture de droits… Ce qui représente déjà, pour un médecin qui a 30 % de sa clientèle en tiers-payant, près de 2 500 euros de pertes annuelles, soulignait le Dr Ortiz, le président de la CSMF. “Pour toute une patientèle, la perte avoisine 8 000 euros. On n’est plus à la marge”, soulignait-il lors d’une conférence de presse.

 

J’ai reçu 500€ au lieu de 1 300€

“Moi, c’est bien simple, si le tiers payant est instauré, je change de métier ou je pars au Canada. Si j’étais plus jeune, je partirai au Canada, ils ont besoin de médecins là-bas”. Le Dr Jean-Yves Savidan, qui exerce à Evron en Mayenne, est très en colère. N’ayant aucune confiance dans le système de comptage des caisses, se doutant qu’il y aurait des bugs, le sexagénaire a tout comptabilisé, méthodiquement, chaque jour, notamment le nombre de majorations personnes âgées de 5 euros pour les patients de plus de 80 ans, supplément en vigueur depuis juillet dernier, viré directement sur le compte du praticien par l’assurance maladie.

Et les bras lui sont tombés lorsque le généraliste mayennais a reçu son dernier relevé trimestriel, tant la discordance entre son comptage et le virement des caisses était important. “Pour moi, les suppléments se montaient à 1 300 euros, et j’ai reçu royalement 500 euros. En plus, tout est mélangé, PDS, accidents du travail, majorations… On ne peut presque rien vérifier, souvent, le contrôle est impossible. La plupart des collègues laissent tomber, ils n’ont pas le temps. Ils disent que, de toutes manières, ils n’arriveront jamais à récupérer leur dû”.

 

“S’il me faut une secrétaire à plein temps, je ferme boutique”

Le Dr Savidan a actuellement une secrétaire à mi-temps, il exerce seul. “S’il me faut une secrétaire à plein temps pour tout vérifier avec le tiers payant généralisé, je ferme boutique. Je vais m’installer comme coiffeur. C’est indécent, humiliant. Il s’agit d’une situation qui participe sans doute beaucoup du burn out des confrères”, souffle-t-il.

Dans le Centre, à Amboise (37), le Dr Jean-Michel Lemaître est lui aussi très sceptique vis-à-vis des comptages des caisses. C’est surtout sur la rémunération ROSP que ce généraliste féru d’informatique médicale s’est penché, et lui aussi n’en est pas revenu. “Je fais mes propres relevés. Pour le dépistage du cancer du sein, notamment, j’avais calculé que je me trouvais à 77 % de l’objectif”. Or, le relevé ROSP lui accorde royalement un taux de 57 %.

Cette discordance a plusieurs conséquences : à 57 %, pas de rémunération ad hoc, et le Dr Lemaître prend un coup sur l’ego… “Je me retrouve subitement en position d’être mauvais pour le dépistage, alors que je me pensais très bon”, raconte-t-il. Il a signalé cette “anomalie” à sa caisse, qui “fait des recherches”. Mais en cas d’erreur, il faudra qu’il passe son tour pour la rémunération, car sur son dernier relevé, les indicateurs sont toujours au même niveau….

Autre dossier, la prescription d’antibiotique. Sur ce dernier relevé, on note une baisse de sa prescription dans le répertoire des génériques, ce qui ne laisse de l’étonner. “Je suis un très faible prescripteur d’antibiotiques, je ne vois pas pourquoi j’aurais changé pour me mettre à prescrire en dehors du répertoire. Or, il s’agit-là d’un point extrêmement difficile à vérifier pour un médecin en cabinet”. Se définissant lui-même comme un homme “très rigoureux, pour qui la valeur des données informatiques est très importantes”, le Dr Lemaître note que les données “ne sont pas consolidées” et que le risque est grand dans ce contexte, de faire pour l’avenir, une confiance aveugle à la Sécu.

 

Les médecins ne pourront plus rien vérifier avec le tiers payant généralisé

“C’est un comble, c’est à moi d’apporter la preuve que j’ai raison. On nous dit de faire confiance, qu’avec le tiers payant il n’y aura aucun problème… Mais j’ai d’énormes doutes sur les chiffres de l’assurance maladie ! Les médecins ne pourront plus rien vérifier avec le tiers payant généralisé”.

Le Dr Luc Duquesnel soutien ces revendications. Lui, dans sa patientèle, “pas une seule date de naissance de ses patients âgés n’est bonne, confie-t-il. Nous sommes obligés de nous fier aux chiffres de l’assurance maladie. Mais elle spolie des médecins sur la ROSP ou les forfaits. On n’imagine pas ce qui va se passer avec le tiers payant généralisé”, s’agace-t-il. Il conclut en certifiant que pour les médecins libéraux “la seule rémunération qui vaille, c’est celle qui nous est donnée de la main à la main par le patient”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne