Plus de 10 après la découverte impromptue d’Alexander Flemming, c’est un autre chercheur, Howard Walter Florey qui a pour la première fois tenté de soigner un patient avec de la pénicilline. Le patient n°1 est un policier anglais, qui a attrapé une infection en taillant ses rosiers. Les effets du traitement sont spectaculaires. Sauf que la pénicilline manque…

 

Début 1941, en pleine seconde guerre mondiale, Albert Alexander devient le tout premier homme à recevoir une injection de pénicilline. Son histoire commence quelques mois plus tôt, en décembre 1940. Alors qu’il est tranquillement en train de tailler les rosiers de son jardin d’Oxford, il se griffe le visage avec une épine. Le policier se retrouve avec une coupure au niveau de la bouche, mais ne s’inquiète pas plus que cela. Quelques jours plus tard, pourtant, les staphylocoques et les streptocoques ont envahi la plaie et Alexander est au plus mal. Il est alors conduit à l’hôpital Radcliffe à Oxford.

Là, on le traite aux sulfamides, seule substance antibactérienne alors à la disposition des médecins. Sans succès, l’infection est de plus en plus forte. Un œil est particulièrement touché, les médecins se décident à énucléer le policier, à qui il ne reste alors que quelques jours à vivre.

 

Flemming n’avait pas poursuivi ses recherches sur l’homme

C’est alors que le dossier du malade atterri entre les mains d’un certain Howard Walter Florey. Celui-ci s’intéresse depuis plusieurs années aux travaux d’Alexander Flemming, qui a découvert, par hasard, qu’un champignon microscopique, le Penicillium notatum, avait stoppé la pousse de staphylocoque dans son laboratoire. La découverte était incroyable. Seulement, Flemming n’a pas poursuivi les recherches sur l’homme. En effet, il était persuadé qu’il serait difficile de produire de la pénicilline en grande quantité. Surtout, il était selon lui impossible d’en dégager une forme stable qui serait efficace après une injection. Flemming s’était contenté de préconiser d’utiliser sa trouvaille comme désinfectant extérieur.

Ce n’était pas l’avis d’Ernst Boris Chain, un biochimiste allemand, qui s’est installé à Oxford après avoir fui le nazisme. Il réussit à convaincre son professeur de pathologie, Howard Walter Florey, de poursuivre les recherches sur la pénicilline. Les deux hommes installent dans leur labo une culture de penicillium. Mais les quantités produites sont minimes. Et il faut encore l’extraire et la purifier. Après de longs mois d’attente, les chercheurs pensent avoir enfin une récolte assez importante pour lancer un premier essai. Ils n’ont que quelques milligrammes de traitement, mais, en mai 1940, ils font un test sur des souris contaminées avec des streptocoques. Elles survivent toutes. Les deux hommes publient leurs résultats dans le Lancet, mais en pleine guerre mondiale la découverte passe inaperçue.

 

Le premier patient sauvé est un garçon de 15 ans

Quand ils prennent connaissance du cas d’Albert Alexander, Florey et son assistant sont persuadés que c’est le bon moment pour tenter un essai sur l’homme. Le 12 février 1941, le policier reçoit une première injection de 160 mg de pénicilline. Les résultats sont visibles dès le lendemain. La fièvre chute, le malade retrouve l’appétit. Albert Alexander reçoit une deuxième dose de traitement, puis une troisième, puis une quatrième. Mais si son état s’améliore de jours en jours, l’infection est bel est bien toujours là. Problème, Florey n’a plus dans son laboratoire la moindre dose de pénicilline. L’état du policier se dégrade à nouveau et il décède un mois plus tard.

Pour Howard Walter Florey et Ernst Chain, ce n’est qu’un demi-échec. Le traitement est efficace sur l’homme. Les deux chercheurs continuent donc à soigner des malades. Ils se concentrent sur les enfants, qui ont besoin de quantité moins importante de pénicilline. Ainsi, le premier patient sauvé grâce à la découverte d’Alexander Flemming est un garçon de 15 ans.

 

De la pénicilline en plus grande quantité

Florey ne s’arrête pas là. Il se met en tête de trouver le moyen de produire de la pénicilline en plus grande quantité. Il émigre aux Etats-Unis, et installe son laboratoire près d’une usine chimique spécialisée dans l’épuration des eaux usées à partir de bactérie, à Peoria, en Illinois. Après des mois de tentatives plus ou moins fructueuses, il se rend à l’évidence : il lui faut une nouvelle souche de moisissure capable de produire plus rapidement la fameuse pénicilline. Il fait venir des échantillons du monde entier. Et c’est encore une fois en partie grâce au hasard que viendra la solution. Une secrétaire du laboratoire remarque un melon moisi au marché aux fruits. Sachant l’intérêt des chercheurs pour les moisissures, elle le ramène au laboratoire. La moisissure est identifiée comme étant du penicillium chrysogenum. Et les chercheurs découvrent qu’elle a la faculté de produire 200 fois plus de pénicilline que le penicillium notatum. À la suite de sa découverte, les chercheurs baptisent la secrétaire, Mary Hunt, “Moldy Mary” (Mary la moisissure).

La pénicilline peut enfin être produite à l’échelle industrielle. En l’espace de quelques années, la production de pénicilline passe de bouteilles individuelles d’un litre et à des rendements de 0,0001% à des cuves de 50 000 litres et à des rendements de 90%. D’abord réservée à l’effort militaire, la pénicilline devient disponible à grande échelle à la fin des années 1940.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

[Avec Lepoint.fr et Sciencepresse.qc.ca]