Proposer des locaux à loyer modéré, aux normes, dans Paris intra-muros pour faire revenir les généralistes. C’est ce que prévoit la Mairie de Paris pour lutter contre la désertification de la ville. En échange, un engagement de trois ans et des équipes pluridisciplinaires. De quoi séduire les jeunes médecins, qui sont déjà dans les starting-blocks pour postuler.

 

“Cherche jeunes médecins généralistes dynamiques et amateurs de travail en équipe pour occuper des locaux aux normes et à bas prix en plein Paris.” Voilà en substance l’offre séduisante que fait la Mairie de Paris pour remédier à sa désertification. Car les déserts médicaux ne sont pas l’apanage des campagnes. Dans la capitale, les généralistes fondent comme neige au soleil. C’est même le département qui enregistre la plus grande diminution ces dernières années.

 

Un quartier déficitaire dans le XVIè

“Il faut redonner envie aux médecins généralistes de s’installer dans Paris. Aujourd’hui tout le système d’accès aux soins primaires est menacé, car il se construit autour des généralistes. Et l’un des principaux verrous, c’est le prix du mètre carré”, analyse le Dr Bernard Jomier, médecin généraliste dans le XIXème arrondissement et adjoint à la Maire de Paris chargé de la santé. Pour contrer la tendance, il a élaboré un plan. Quelque 80 quartiers parisiens particulièrement nécessiteux ont été identifiés, en collaboration avec l’ARS. “Presque toute la ville est touchée. Il y a même un quartier déficitaire dans le XVIème arrondissement !”, assure le Dr Jomier.

Dans ces zones, la ville va proposer des locaux à loyer modéré,”30 à 50% en dessous du tarif du marché”, en bon état, aux normes en terme d’accessibilité et pouvant accueillir plusieurs cabinets. En plus de ces loyers minorés, la mairie accordera une aide à l’installation de 15 000 à 30 000 euros selon le quartier. “Ce sera pour acheter des équipements, du matériel et pour financer de petits travaux puisque les cabinets seront déjà aux normes”, explique l’adjoint municipal. La liste des locaux disponibles sera connue courant avril, et l’appel à candidature pourra commencer pour une installation à l’automne.

En échange, quelques conditions : une équipe pluridisciplinaire, des tarifs secteur 1, des actions de santé publique, une participation à la PDSa. Et un engagement sur trois ans. “Trois ans, ce n’est pas grand-chose. A priori quand on s’installe, c’est plutôt parti pour 30 ans que pour trois ans”, assure le Dr Loïc Tirmarche, généraliste remplaçant intéressé par le projet.

 

350 euros le m² pour s’installer à Paris

“Avec un collègue généraliste, on avait envisagé une installation dans Paris, explique le Dr Tirmarche. On a visité des locaux, mais on est sur des prix prohibitifs ! Du 350 euros le m2. Comment vous faites quand la consultation est à 23 euros, comme partout ailleurs, mais que le prix du m2 est nettement supérieur ? Sans compter les problèmes d’accessibilité et les travaux pour la mise aux normes.” Un cabinet déjà aux normes est un avantage considérable pour une première installation. Le Dr Tirmarche, qui travaille comme remplaçant à temps plein dans six cabinets parisiens, s’en est vite rendu compte. “Aucun d’eux ne pourra céder son cabinet. Ils sont dans des bâtiments haussmanniens et ils ne pourront pas faire les travaux de mise aux normes. L’un d’eux m’a proposé de m’installer avec lui, mais j’ai refusé à cause de ça.”

Aujourd’hui, le médecin se verrait bien dans un cabinet assez grand pour pouvoir accueillir deux sages-femmes et peut-être un troisième généraliste. Il ne veut pas d’un exercice solitaire à 35 patients par jour. “La pluridisciplinarité, c’est plus de réflexion sur notre exercice. On ferait des réunions mensuelles pour parler des patients, plus de concertation. Et le partage des dossiers, c’est aussi bon pour le patient, ça permet d’assurer une continuité des soins, même si l’un de nous part en congés.”

Un point de vue partagé par le Dr Céline Buffel du Vaure. “Notre mode de fonctionnement a changé par rapport à la génération d’avant. On ne veut pas travailler de 7 heures à 23 heures. Beaucoup des jeunes généralistes sont des femmes, mais les hommes aussi changent leur pratique”, assure le médecin. D’ailleurs, si elle cherche un cabinet de groupe, c’est pour pouvoir mieux gérer son emploi du temps et travailler à mi-temps. Elle est en contact avec une autre généraliste et quatre infirmiers pour une installation dans Paris. “La pluridisciplinarité, c’est important pour nous. Il faut dire que tous les internes ont la trouille de l’installation !”, souligne la généraliste.

 

Aujourd’hui, vous ne pouvez plus exercer tout seul dans votre coin

Un discours qui correspond sur toute la ligne au projet du Dr Bernard Jomier. “Il ne s’agit pas de faire des MSP, qui sont engagées dans des protocoles avec des contraintes importantes. Mais aujourd’hui, vous ne pouvez plus exercer tout seul dans votre coin. La modernité, c’est le partage de l’information”, estime le généraliste qui exerce lui-même dans un cabinet de groupe.

“Nous avons envie de travailler en réseau, et nous ancrer sur un territoire. On a un projet construit pour travailler avec les autres professionnels de santé du quartier, avec les associations de prévention, qui luttent contre la précarité”, détaille pour sa part le Dr Vanessa Viomesnil. Avec deux autres généralistes et plusieurs infirmières, ils n’ont pas l’intention de laisser passer l’opportunité que leur offre la mairie de Paris. “Nous avons déjà le projet, il ne nous manque que les locaux. Sans l’aide de la mairie, on l’aurait fait quand même. Mais avec les loyers qui se pratiquent, les cautions excessives qui sont demandées… sur une création d’activité, c’est très difficile. Vous pouvez passer six mois, un an avant de rentrer dans vos frais”, explique le Dr Viomesnil.

Avec ce projet, la Mairie espère attirer une centaine de nouveaux médecins généralistes par an. “Nous espérons créer un effet d’entraînement. Si on réussit à enrayer le déclin des généralistes, on peut reconstruire tout un système de soins primaires.” Pour cette initiative qui devrait être renouvelée chaque année pendant cinq ans, plus de trois millions d’euros ont été alloués par la mairie.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier