“Nous partîmes cinq cent, mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port”… Cette citation du Cid de Corneille vaut bien pour la mobilisation contre le projet de loi de santé, dont l’UNOF-CSMF fut à l’origine, dès sa présentation en Conseil des Ministres, au début de l’automne. Mais, à une semaine pratiquement de la grande manifestation nationale contre le projet porté par Marisol Touraine, force est de constater que la troupe compacte d’aujourd’hui, est assez disparate, en tout cas moins univoque qu’un regard rapide le laisse entrevoir.

 

Pourquoi ? Parce que certains des 43 syndicats adhérents du “Mouvement pour la santé de tous”, le collectif constitué voici trois semaines sous l’impulsion du Dr. Eric Henry, le président du SML, mènent une double stratégie. Alors qu’ils font le serment de ne rien lâcher d’ici le 15 mars, date de la manifestation et jusqu’au retrait du projet de loi de santé, qu’ils jugent inamendable en l’état, certains de ces mêmes responsables siègent dans les quatre groupes de travail installés par Marisol Touraine pour réécrire les articles rejetés par la profession.

 

“Pour pouvoir travailler sereinement, enlever les éléments toxiques du projet de loi et construire, il faut avoir une même vision de la profession”, soupire le Dr. Luc Duquesnel, le président de l’UNOF-CSMF, qui croise régulièrement ces mêmes responsables dans les couloirs du ministère. Les membres du Mouvement défileront sous une bannière “Tous unis pour la santé de demain. Non au projet de loi de santé”. Un artifice sémantique qui permet de fustiger le projet de loi en l’état, tout en laissant la porte ouverte à un texte bonifié.

 

Cette dualité, délicat équilibre entre rejet et négociation, l’artisan du “Mouvement pour la santé de tous”, Eric Henry ne la sous-estime pas.

 

“Les membres du cabinet de Marisol Touraine ont contacté un par un les membres du “Mouvement”, pour les enjoindre de ne pas aller manifester et prendre note des revendications qu’ils voulaient voir figurer dans la loi”, confirme le généraliste breton. Mais, souligne le Dr. Duquesnel, les membres du “Mouvement” n’ont pas la même vision de l’organisation des soins primaires en médecine ambulatoire.

 

Aujourd’hui, toujours, des frottements forts opposent paramédicaux et médecins libéraux sur la place et le rôle du médecin généraliste dans la coordination des soins, les infirmiers libéraux refusant notamment, de travailler sous la hiérarchie du médecin traitant. Et demandant un partage strict des honoraires, dans le cadre des NMR (nouveaux modes de rémunérations), alloués aux équipes pluridisciplinaires. Autres tiraillements, les pratiques avancées, lorsque les infirmiers critiquent le droit de vacciner qui pourrait être accordé aux pharmaciens d’officine. Mais applaudissent à la création du métier d’infirmière clinicienne tout en promouvant les transferts de compétence, vers les infirmières ou les sages-femmes, que jugent dangereusement concurrentielles, les médecins généralistes.

 

Les pharmaciens ne figurent pas dans le collectif créé pour la manifestation, non plus que les sages-femmes qui trouvent, dans le projet de loi, la concrétisation de leur long mouvement de protestation passé.

 

La création du “Mouvement pour la santé de tous”, qui se définit comme une “force de combat qui sort du bois lorsqu’il y a urgence et retourne au silence lorsque le péril est passé”, ne fait pourtant pas oublier la constitution d’une autre plateforme, le front généraliste, construit autour de MG France et incluant un représentant de syndicats de centres de santé salarié. Tout en s’associant à l’analyse des médecins généralistes du front sur la situation de la discipline, mais n’épousant pas, loin s’en faut, les revendications soutenues, l’UNOF-CSMF n’y a jamais siégé.

 

Bref, difficile de s’y retrouver dans ces multiples initiatives, souvent contradictoires. Une chose semble pourtant certaine, la tenue d’une conférence de presse œcuménique, le 12 mars prochain, réunissant les syndicats représentatifs de médecins, dont la CSMF, aux côtés des chirurgiens-dentistes et des internes et chefs de clinique. Tous appellent à manifester massivement contre le projet de loi Touraine. Laquelle Ministre sera, dès le 17 mars, sur les bancs de l’Assemblée, pour défendre son projet. A quelques jours des élections départementales, ce sera l’épreuve de vérité sur la volonté réelle du gouvernement d’entendre la colère des libéraux, qui venait de s’exprimer.