Mal payée, mal considérée, la médecine scolaire est un réel engagement pour ceux qui, après 9 ans d’études, choisissent de s’orienter dans cette voie. Mais à l’heure où la prévention est affichée comme une priorité de santé publique, une revalorisation du métier apparaît indispensable pour attirer de nouvelles recrues.

 

“Notre profession souffre d’un sérieux déficit d’image auprès des étudiants. Je reçois pourtant régulièrement des internes en stage, ils trouvent que c’est intéressant, mais ils choisissent rarement la médecine scolaire”, regrette Jocelyne Grousset, qui exerçait jusqu’à l’année dernière en Seine-Saint-Denis.

 

300 postes vacants

Et pourtant, les besoins sont criants. Malgré 12 millions d’élèves du primaire au lycée, l’Education Nationale ne compte que 1 100 médecins. Soit plus de 10 000 jeunes patients par médecin. Et ce n’est qu’une moyenne. “Dans certains départements, certains médecins ont jusqu’à 15 000 élèves”, souligne le médecin, aujourd’hui à la tête du syndicat de médecine scolaire SNMU-Unsa. Un chiffre qui ne va pas en s’arrangeant. D’autant que d’ici à cinq ans, la moitié des médecins scolaires sera en âge de partir à la retraite. Le recrutement paraît impératif. “Aujourd’hui, sur le territoire national, il y a toujours 300 postes vacants. Et même s’ils étaient pourvus ce ne serait encore pas suffisant. Pour bien faire, il en faudrait encore 400 ou 500”, explique le Dr Grousset.

“Nos missions se sont accrues depuis des années. On est amenés à prioriser, on a l’impression de survoler les choses”, regrette le Dr Claire Garot, en poste depuis 13 ans en Indre-et-Loire. La pénurie de médecins va de pair avec une augmentation par médecins du nombre d’élèves, une augmentation des missions et de moins en moins de temps pour tout faire convenablement. “10% de la population souffre de troubles de l’apprentissage, il est indispensable de faire un dépistage et le plus tôt et le mieux. Notre travail est complémentaire avec celui des médecins de ville, nous faisons plus de la prévention que du soin”, précise le médecin, en regrettant de voir se déliter cette mission de santé publique. D’autant que dans les zones rurales ou certaines banlieues, où la désertification des médecins libéraux pointe, les médecins scolaires sont bien souvent les seuls que des élèves issus de milieux défavorisés sont amenés à consulter.

 

Moins bien payés de la fonction publique

En cause, un sérieux manque d’attractivité de la profession. “Il faut que les médecins de l’Education Nationale soient reconnus pour leur travail, d’autant qu’ils ont souvent des capacités dans différents domaines. Malgré ça, nous sommes les médecins les moins bien payés de la fonction publique.” Avec 2 000 euros brut en début de carrière, ils sont même moins payés qu’un interne de troisième année en médecine générale. “Il faut que cela change si on veut accueillir des jeunes recrues”, assure Jocelyne Grousset. Depuis de nombreuses années, elle reçoit des internes, qui viennent volontiers découvrir le métier. “Mais c’est trop mal payé. Ceux qui sont intéressés par le salariat vont voir au Centre municipal de santé à côté, c’est nettement mieux rémunéré”, regrette-t-elle.

Mais pour goûter au métier, encore il faut tomber dans la bonne fac, puisque toutes ne proposent pas de stage en médecine scolaire. “Nous sommes très dépendants des universités, toutes n’ont pas ce stage dans leurs maquettes. Certains territoires ne proposent rien, alors que sur d’autres, c’est très développé.” Si les stagiaires qui choisiront de présenter le concours de l’Ecole des hautes études en santé publique, basée à Rennes, ne sont pas légion, le stage aura au moins le mérite de leur faire connaître le travail du médecin scolaire. “C’est important pour un médecin un fin de formation, même s’il se destine à travailler en libéral, de connaître les acteurs avec lesquels il sera amené à travailler”, assure Jocelyne Grousset.

Pourtant, voilà des années que les maux sont connus. Dès 2011, la Cour des comptes préconisait dans un rapport dédié à la médecine scolaire, un renforcement et une rénovation du métier. “Les personnels de la médecine scolaire éprouvent non sans raison le sentiment que leur activité n’est ni vraiment reconnue ni suffisamment valorisée”, écrivait Didier Migaud, le premier président dans ses conclusions en appelant à une adaptation indispensable. “Cette adaptation devrait se fonder sur le principe d’une comparabilité minimale avec les corps équivalents de l’ensemble des fonctions publiques, tant sur le plan des rémunérations qu’en ce qui concerne les conditions de déroulement de carrière”, poursuit la Cour des comptes. Et si le ministère de l’Education Nationale, auquel sont rattachés les médecins scolaires, n’a pas de moyens supplémentaires à investir, un redéploiement à vers les territoires aux besoins les plus importants est à envisager, suggérait Didier Migaud.

 

Promesse de Hollande

Pendant la campagne présidentielle de 2012, le candidat Hollande avait pourtant affiché son soutien à la médecine scolaire. “La politique de désengagement de Nicolas Sarkozy a conduit à une dégradation sans précédent de la médecine scolaire”, écrivaient alors Marisol Touraine et Vincent Peillon, responsables Santé et Education.

Mais voilà, depuis, les médecins scolaires n’ont pas vraiment le sentiment que les choses aient bougé. “En 2012, le gouvernement a rapidement affirmé que la santé était une mission de l’école. C’était très positif. C’était la première fois qu’on affirmait la promotion de la santé à l’école, se souvient Jocelyne Grousset. Mais depuis, le gros problème, c’est la déclinaison dans les faits de ces discours.” A la fin de son mandat, Nicolas Sarkozy avait accordé une légère revalorisation du salaire des médecins scolaires, qui ne devait être qu’une première étape. L’équipe de François Hollande n’est jamais passée aux étapes suivantes.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier