Trop chère, pas assez de sortie, pas assez de médecins… Depuis le 1er octobre, la PDSa après minuit n’existe plus dans le Nord-Pas-de-Calais. Enfin officiellement. Car malgré la décision officielle de l’ARS, une association de médecins libéraux et SOS continuent de faire le boulot.

 

“La fin de la PDSa en nuit profonde, c’était couru d’avance. Ils veulent que tout aille vers les urgences hospitalières, pour récupérer tous les budgets pour l’hôpital”, s’indigne le Dr Patrice Cocqueel. Médecin généraliste et président de l’association de permanence des soins Armen 59-62, il s’insurge contre la décision de supprimer la PDSa en nuit profonde effective depuis le 1er octobre dernier. Pour autant, la vingtaine de libéraux membres de l’association n’entend pas baisser les bras. “Nous poursuivons les gardes. Il y a un réel besoin sur le territoire”, assure le généraliste. De fait, malgré l’annonce officielle, les médecins continuent d’assurer la PDS après minuit, au même titre que SOS Médecins, qui compte trois sites dans la région.

 

Conflit avec l’ARS

“On est en conflit depuis longtemps avec l’ARS, explique le Dr Jean-Philippe Platel, gérant de SOS Roubaix-Tourcoing. Le précédent directeur avait déjà initié la suppression de la PDSa, mais on avait menacé de faire une grosse grève.” A tel point qu’une solution intermédiaire et provisoire avait dû être trouvée. Début 2013, les quelque 170 secteurs de gardes avaient été redécoupés en 7 grands secteurs et confiés à des “grands effecteurs”. Tout le territoire n’est pas couvert, mais en cas de besoin c’est le SAMU qui prenait le relai.

Basé sur le volontariat, ce dispositif expérimental offrait 450 euros d’astreinte aux médecins participants. “Une somme énorme pour une astreinte d’une nuit, on avait même réclamé qu’elle soit diminuée”, reconnaît le gérant de SOS. Selon les informations du directeur de l’offre de soins l’ARS, Serge Morais, la moyenne des sorties était alors de 1,7 par nuit sur toute la région, et grimpait à 4,1 en prenant en compte l’activité de SOS. “Le coût moyen d’une intervention s’élevait à 754 euros (forfait d’astreinte sans compter le coût de la visite), soit un coût total d’1,2 million”, indique l’ARS. Résultat, l’expérimentation a pris fin au 30 septembre dernier. Et rien n’a été mis en place pour la remplacer chez les libéraux. “On a jeté le bébé avec l’eau du bain”, regrette le Dr Platel.

Les arguments économiques de l’ARS ne passent pas auprès des acteurs de la PDSa. “Nous contestons évidemment les chiffres ! La semaine dernière, j’ai fait de la régulation. En une nuit, j’ai envoyé six sorties sur Lille, une sur le bassin minier et une à Valenciennes. On est loin des chiffres de l’ARS”, avance le Dr Patrice Cocqueel. “L’ARS jure qu’envoyer des ambulances à chaque sortie coûte moins cher que de maintenir la PDS libérale. Il faut savoir quand même que chaque sortie d’ambulance coûte au moins 700 euros”, poursuit-il.

 

“Un manque à gagner pour nous”

D’autant que tous les patients ne justifient pas un transport aux urgences. “Il y a des gens qu’on peut prendre en charge à domicile. Il faut penser aux vieilles personnes qui vont rester huit heures sur un brancard dans un couloir, ou aux enfants…”

Et en toile de fond, il y a aussi l’organisation économique de ces médecins engagés dans la PDSa depuis des années. “L’argent n’est pas le point majeur, mais il faut bien dire que c’est un manque à gagner pour nous. Beaucoup se sont organisé depuis longtemps en divisant leur activité entre la médecine générale en cabinet et les gardes. Ça nous touche autant que SOS”, assure le généraliste.

Alors, malgré la décision officielle d’en finir avec la PDSa après minuit, les médecins continuent leur travail. Et jouent un peu aux équilibristes avec les textes. “Ils peuvent continuer à intervenir auprès de la population entre minuit et 8 heures”, convient l’ARS. “Ce qui change, c’est qu’ils ne perçoivent plus d’argent supplémentaire pour le faire”. En un mot, plus d’astreinte. Seule rémunération : la visite à 82,50 euros cotée VRM. Et encore, “on n’a pas vraiment le droit de coter VRM puisque nous n’avons pas de tableau de garde inscrit à l’Ordre”, reconnaît le Dr Cocqueel.

 

Pas de souci du côté de l’Ordre

Et d’autre part, la question de la responsabilité professionnelle en cas de pépin se pose. “J’ai posé la question à mon assurance, je n’ai tout simplement jamais eu de réponse. On ne sait pas ce qu’il en est”, explique le Dr Platel pour SOS. Leur dernière inquiétude concerne le remboursement des soins aux patients, dans la mesure où leur activité se fait à la marge du cahier des charges officiel. Pour le moment et sur ce point, l’ARS les rassure : “le patient continuera d’être remboursé normalement par son organisme d’assurance maladie.”

Au niveau ordinal en tout cas, il semble que les médecins libéraux n’ont pas de soucis à se faire. “On a des médecins généralistes et hospitaliers qui font un travail remarquable, assure le Dr Marc Vogel, en charge de la Permanence des soins pour le CDOM du Nord. Ils ont à cœur de répondre au mieux aux besoins des personnes âgées et des familles monoparentales, notamment… Et la reconnaissance n’y est pas. Le discours récurrent, c’est de dire que les médecins ne font pas la PDS. Mais j’ai des confrères qui s’impliquent, qui veulent travailler la nuit !”

“Le Nord-Pas-de-Calais a des indicateurs de santé préoccupants par rapport au reste de la France. L’implication des medecins liberaux et hospitaliers est important et ce depuis des années : création de maisons médicales de garde, régulation liberale adossée au Samu… Et néamoins le budget alloué pour l’organisationde la PDSa est un des moins important en France !”, s’alarme le Dr Vogel. Sans ouvertement regretter la fin de la PDSa en nuit profonde, il aspire à trouver “un chemin convergent”. “Il y a une organisation à mettre en place, des réflexions à ouvrir”, souligne-t-il.

Des réflexions qui ne semblent pas vraiment à l’ordre du jour pour autant. Le Dr Vogel reconnaît que si des discussions sont souhaitées, aucun rendez-vous sur le sujet n’est prévu. De leur côté, les médecins de l’association Armen assurent qu’ils n’ont plus aucun contact avec le directeur de l’offre de soins de l’ARS, Serge Morais, depuis le mois de juillet. “Sa secrétaire nous a fait savoir qu’il nous recevrait avant le 15 mars. On attend toujours.” L’association a mis sur pied une proposition, au budget annuel estimé à moins de 600 000 euros. “On pense qu’il faudrait 8 médecins, avec des visites régulées et une astreinte raisonnable à 200 euros la nuit”, explique le Dr Cocqueel.

 

Pour l’ARS le débat est clôt

Pour le moment, les médecins semblent garder l’espoir de trouver un accord avec l’ARS et sont déterminés à poursuivre leurs gardes sans astreinte dans des conditions assurantielles floues. Pourtant du côté de l’ARS, on assure que les budgets économisés ont déjà été alloués ailleurs et que le débat est clôt. Une réponse ferme qui laisse peu d’espoir.

Hasard ou coïncidence ? Les deux seules régions à avoir mis fin à la PDSa après minuit sont la Lorraine et le Nord-Pas-de-Calais. Et avant leur nomination à l’ARS nordiste, le directeur, Jean-Yves Grall, et le directeur de l’offre de soins, Serge Morais, étaient en poste… en Lorraine. “Et M. Grall a été nommé Président de la collégiale des directeurs généraux d’ARS, rappelle le Dr Platel. Il va continuer le travail. C’est un choix financier, un choix de société que l’on peut questionner, mais qui va se diffuser dans toutes les régions.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier