Branle-bas de combat en fin de semaine dernière à la caisse d’Assurance maladie d’Ajaccio. Convoqué pour justifier un certain nombre de prescriptions non substituables, le Dr François Benedetti a décidé de se barricader dans les lieux. Un moyen de dénoncer “l’humiliation” qu’il a subi lors de son entretien avec le médecin conseil.

 

Il a passé tout l’entretien debout. Pendant trois heures, le Dr Benedetti, généraliste à Prunelli-di-Fiumorbo, en Corse, 68 ans a dû justifier cas pas cas, pourquoi il avait ordonné la non substitution sur les ordonnances d’une quarantaine de patients. “Par exemple, j’avais écrit : “le patient ne tolère pas”. La médecin conseil s’est penchée vers moi comme vers un potache de 15 ans en me disant : “Qu’est-ce que ça veut dire pour vous intolérance ? Ce n’est pas dans les textes. Il faut dire allergie.” Je lui ai répondu “qu’est-ce que c’est allergie pour vous, madame ?” ; “Ca veut dire qu’il a eu des boutons” ; J’ai répondu : “Très bien, notez : le patient a eu des boutons”. C’est comme cela que se passe l’entretien. C’est ubuesque !”

 

“Procédures illégales”

Une épreuve que ce médecin a vécue comme une véritable humiliation. Si bien qu’il a décidé de ne pas en rester là. A la fin de l’entrevue, il prévient qu’il ne s’en ira pas avant d’avoir la certitude d’être reçu, à Paris, par la direction de la Caisse nationale d’Assurance maladie. Au bout de 10 heures de siège, sans aucune violence, le Préfet de corse prévient le généraliste : il sera reçu, dans quelques jours, par le médecin conseil national de la CNAM à Paris. “Indépendamment de mon cas, je voulais dénoncer ce problème au niveau national. Ces procédures sont parfaitement illégales, arbitraires, inquisitoriales et infamantes. On utilise des termes qui sont humiliants pour le médecin en prétextant qu’il y a un “manquement” dans l’exercice de sa profession. Je ne veux pas que d’autres médecins subissent la même humiliation.” 616 praticiens doivent passer prochainement devant les différentes caisses de France. Ils risquent, au mieux un avertissement, au pire des sanctions financières.

Pour le Dr Benedetti, tout a commencé en octobre dernier. Il reçoit alors un courrier de sa caisse dans lequel il était indiqué “de manière très procédurière”, qu’il risquait des sanctions s’il ne justifiait pas, dans les 3 mois, toute une série de prescriptions non substituables. “J’ai rempli leur tableau, ligne par ligne de manière manuscrite. J’ai pris le temps, après ma journée de travail de justifier tout minutieusement.” Quelques semaines plus tard, il reçoit le retour du médecin conseil. Si une partie de ses justifications a convaincu, pour d’autres, la caisse a apposé un tampon “avis maintenu”. “Cela, sans aucune explication, c’est juste que ma justification ne lui plaisait pas”, remarque le médecin. Ces cas-là ont entraîné sa convocation, la semaine dernière, à un débat contradictoire.

 

“On est en train de nous mettre sous tutelle de l’Etat !”

Pour le praticien, tout cela n’est qu’une hypocrisie de la part des caisses qui veulent infliger un “quota” de prescription de génériques, sans vraiment préciser où est le curseur. “Je ne suis pas contre les génériques, je sais qu’il y a des contraintes budgétaires et que l’Etat doit faire des économies. Mais il y a des principes fondamentaux qui régissent notre profession comme notre liberté de prescription et notre indépendance… En aucun cas on ne doit se soumettre à des contraintes financières, s’indigne le généraliste. On est en train de nous mettre sous tutelle de l’Etat! Aujourd’hui se sont les génériques, demain se seront les arrêts de travail… Et puis avec le tiers-payant généralisé, au lieu de demander aux médecins de venir s’expliquer chez le médecin conseil, on va directement prélever à la source, et leur enlever des milliers d’euros de salaire sans leur demander leur avis.”

Depuis octobre, le praticien, face aux menaces de sanctions a fortement modifié ses prescriptions. Mais ce n’est pas gaieté de cœur. “On nous demande, à nous médecins de faire des économies sur 10 ou 20 centimes d’euros. Où est l’intérêt économique ? Et pourquoi au lieu de payer les médecins des labos au prix d’un footballeur professionnel, on n’oblige pas les labos à baisser le prix des princeps ?”

Autant de griefs que le praticien ira présenter, dans les prochains jours devant le médecin conseil national de la CNAM à Paris. “J’irai accompagné des syndicats. On va contacter la presse ! Il faut que les caisses arrêtent ces méthodes. On ne va pas en rester là”, promet le Dr Benedetti qui envisage par ailleurs de porter plainte contre sa CPAM pour diffamation.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu