“La ville de Châteaudun recrute des médecins généralistes pour son nouveau centre de santé”. Depuis deux semaines, la bourgade s’est mise en quête de trois généralistes à salarier. Elle promet des semaines à 35h, des RTT, des secrétaires et même une voiture de fonction… Sa manière à elle de tenter d’enrayer la désertification médicale.

 

“Il y a urgence ! Dans moins de cinq mois, trois médecins généralistes partent à la retraite. Il fallait agir !” Pour tenter de remédier à la désertification de Châteaudun (Eure-et-Loir), la mairie a mis sur pied un projet de centre municipal de santé qui devrait ouvrir en juin prochain, et cherche à recruter trois médecins généralistes pour investir une ancienne caserne en cours de réhabilitation.

“Beaucoup de jeunes aspirent au salariat ! Un poste fixe, avec 35 heures par semaine et RTT pour un salaire autour de 3 700 euros net, suivant l’expérience du médecin, et un véhicule municipal pour faire les visites à domicile, ça peut intéresser quelqu’un qui ne veut pas de tous les tracas du libéral”, explique l’adjoint en charge de la santé, le docteur Sid-Ahmed Rouidi, rhumatologue à l’hôpital de Dreux. Mais surtout, une première expérience au centre municipal en salariat peut être un tremplin vers une installation libérale.

 

“S’il veut quitter le salariat, nous l’aiderons à s’installer”

La mairie propose en effet un contrat de trois ans, renouvelable une fois, qui peut se convertir en CDI à l’issue des six ans. De quoi laisser le temps au généraliste de connaître le territoire, de se faire une patientèle et d’envisager une installation. “S’il a besoin de travailler plus, s’il veut changer sa pratique et quitter le cadre sécurisant du salariat, nous l’aideront à s’installer en ville”, ajoute le Dr Rouidi. Une technique pour inciter à l’installation libérale sur Châteaudun, mais en aucun cas un critère de recrutement, assure l’élu. “On laissera le choix au médecin. Ce qu’on lui offre, c’est une souplesse contractuelle.”

Pour faire face à l’urgence, le recrutement de trois premiers généralistes est prévu pour le mois de juin. Les appels à candidature viennent de partir : des annonces dans la presse spécialisée et des courriers à tous les internats des facultés alentours. “Nous avons déjà quelques touches, mais nous attendons les demandes officielles. Nous allons recevoir tous les candidats”, promet la mairie. Dans un second temps, le recrutement de deux généralistes supplémentaires est prévu pour 2016. Ensuite, suivant l’évolution de la démographie médicale, le centre de santé pourrait accueillir jusqu’à huit praticiens.

 

“Ce sont les médecins qui ont suggéré l’idée du salariat”

“Nous avons déjà une maison médicale pluri professionnelle, assure l’adjoint. Mais voilà des mois que nous avons deux cabinets de médecine générale qui restent vides !” D’autant que les expériences des villes voisines qui ont cherché à faire venir des médecins généralistes libéraux ne sont pas encourageantes. “Nous avions pensé passer par un cabinet de recrutement”, explique le Dr Rouidi. Mais l’idée a vite été abandonnée. “Nos voisins ont fait venir des médecins roumains, qui sont repartis au bout de trois mois. Il ne faut pas incriminer les médecins étrangers, c’est difficile d’arriver en zone rurale.”

C’est en août dernier que la mairie a donc franchi le pas et pris la décision de créer un centre municipal de santé. “Voyant qu’on était confrontés à des départs en retraite, des non-replacements… j’ai fait le tour des médecins libéraux pour voir ce qu’on pouvait faire. C’est eux qui m’ont suggéré l’idée du salariat !” Il faut dire que dans le département voisin de la Sarthe, la commune de La Ferté-Bernard fait parler d’elle depuis quatre ans avec son centre municipal de santé et ses médecins aux 35 heures. Des centaines d’élus de toute la France étaient venus visiter la structure et le maire UMP, Jean-Carles Grelier avait été auditionné sur le sujet au Sénat.

“On a exactement les mêmes problématiques qu’à La Ferté-Bernard”, assure le Dr Rouidi. Dans ces deux petites villes (autour de 10 000 habitants), les médecins s’en vont, aucun ne s’est installé depuis belle lurette et ce malgré un hôpital à proximité dans les deux cas.

Alors bien sûr, un tel choix à un coût. Il a fallu racheter l’ancienne caserne et il faudra la rénover. La grande bâtisse n’est plus occupée depuis plus de dix ans. La mairie entend investir autour d’un million d’euros en rénovation et agencement du centre de santé. A cela s’ajoute le salaire des trois premiers médecins, des deux premières secrétaires et de tout le matériel. Le maire Alain Venot (UMP) table au total sur 15 bons millions d’euros. “Ce n’est pas le projet d’un mandat, mais de trois ou quatre”, reconnaît-il.

 

“Il faut mettre les moyens pour assurer une offre de soins pérenne”

Un investissement colossal pour la ville, mais “il faut mettre les moyens pour assurer une offre de soins pérenne. Une bonne offre de soins, c’est essentiel pour faire vivre la ville”, fait remarquer l’élu en charge de la santé. D’autant que la mairie a bénéficié d’aides publiques. La région, notamment, a participé au rachat de la caserne.”On pense aussi faire de la formation, de la prévention, de l’éducation thérapeutique… C’est très demandé par les tutelles et ça peut ramener des aides financières indirectes”, fait valoir l’adjoint au maire.

Parmi les médecins installés en ville, l’idée a été bien acceptée assure l’élu. “Ils sont tous désarmés face aux problèmes de succession”, explique-t-il. Contactés par Egora, les médecins sur le départ n’ont pas souhaité exprimer leur point de vue au sujet du projet. Mais la mairie assure que tout s’est fait en concertation. “On y a été progressivement. L’idée c’est de collaborer, il faut de tout pour faire une offre de soins dynamique. Les pratiques sont différentes, la charge de travail est différente… Mais les villes qui se portent bien ont une vraie diversité dans leur offre de soins.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier