Députée de Savoie, Bernadette Laclais (PS) est rapporteure de la loi de santé, notamment du texte sur la généralisation du tiers-payant. Face à l’opposition des médecins libéraux, elle défend le principe même du tiers-payant, et assure que le texte sera bouclé dans les délais, et présentera toutes les garanties nécessaires pour rassurer les médecins.

 

Egora.fr : Comment réagissez-vous à cette opposition massive des médecins autour de la loi de santé et de la généralisation du tiers-payant en particulier ?

Bernadette Laclais : Il y a plusieurs inquiétudes, dont certaines qu’on peut comprendre. Mais aujourd’hui, je crois que tout le monde est dans une logique de concertation et de discussion. On a compris que le point principal de désaccord était le tiers-payant généralisé. Pour ma part, je considère qu’il y a aussi beaucoup de points qui sont intéressants et importants dans cette loi de santé, je n’ai pas bien compris pourquoi celui-ci en particulier soulevait autant le débat. Dont acte. Il y a une volonté de dialogue, il y a un groupe de travail… Laissons faire les choses on verra comment cela évolue.

Comprenez-vous les inquiétudes des médecins sur la mise en place d’un tiers-payant systématique ?

Bien sûr. Je comprends qu’on peut s’interroger, qu’on peut souhaiter avoir des garanties. Il y a des questions de trésoreries, de délais de remboursements. Cela est bien sûr fondamental de trouver des solutions techniques pour y répondre. Maintenant, le principe même du tiers-payant est bon. Si on est d’accord sur cet objectif, on réussira à trouver des solutions sur les modalités. Si c’est l’objectif même qui est remis en cause, là ce sera plus difficile. D’autres pays ont réussi à mettre en place le tiers-payant. Aujourd’hui, en France, on compte une quinzaine de situations de patients pour lesquels le tiers-payant est déjà appliqué. Je ne vois pas pourquoi on n’arriverait pas à généraliser.

Les médecins ont aussi peur de perdre leur liberté et leur indépendance vis-à-vis des caisses…

Ceux qui le font dans d’autres pays ne disent pas cela. Je crois qu’il ne faut pas stigmatiser le tiers-payant en lui faisant porter la responsabilité d’un certain nombre d’inquiétudes qui peuvent exister Plusieurs rapports ont été rendus, et montrent qu’il y a aussi des points positifs sur l’application du tiers-payant. Nous faisons beaucoup d’auditions autour de cette loi. On voit qu’il y a aussi beaucoup de défenseurs du tiers-payant, notamment du côté des patients. Le problème, c’est qu’on ne les entend pas beaucoup, c’est dommage. Le malade est aussi très concerné, il n’y a pas que les médecins…

Encore une fois, s’il s’agit de remettre en cause le principe, il sera difficile de trouver une solution. Mais si on est d’accord sur le fait qu’il peut représenter une avancée, notamment pour l’accès aux soins des personnes des classes moyennes, il faut qu’on se mette autour d’une table et qu’on discute. Mon souhait de rapporteur, c’est bien d’être à l’écoute de toutes les parties prenantes et d’entendre les inquiétudes, je crois d’ailleurs que du côté des médecins on les déjà bien entendues. Mais nous poursuivons les auditions, pour les réentendre et les rassurer.

Comment peut-on rassurer les médecins ?

Il faut effectivement qu’on ait des garanties sur les durées de remboursement. L’une des pistes pourrait être que si l’un des partenaires ne respecte pas les délais définis par la convention, il y ait des sanctions. Mais il faut le faire en ayant en tête les contraintes des uns et des autres et trouver des solutions. J’espère qu’il y aura des pistes qui sortiront des groupes de travail et qu’on pourra en tirer des solutions réalisables.

Cela implique une réécriture de la loi de santé…

Oui, mais ce n’est pas la première fois qu’un texte de loi sera réécrit dans l’histoire de l’Assemblée. Et ce n’est pas pour cela qu’on ne réussira pas à répondre à toutes ces questions dans le délai qui nous est imparti. C’est notre travail. On a l’habitude de travailler dans des calendriers serrés. J’entends les syndicats dire qu’il faut reporter pour réécrire. Sauf qu’une fois qu’on aura reporté, on trouvera un nouvel argument pour dire qu’il ne faut pas le faire. On a un texte qui est porté par le gouvernement qui est ouvert au dialogue, ouvert à la possibilité que des parties soient récrites. Mettons-nous à la tâche.

La mise en place du tiers-payant pour 2017, c’est vraiment réalisable ?

Ce n’est pas à moi de le dire. Il faut entendre toutes les parties concernées. Si on est tous d’accord sur le principe du tiers-payant, on peut imaginer qu’il y ait des évolutions de calendrier. Mais si on décale pour ne pas le faire, je trouverais cela dommage. Je crois que cette mesure est intéressante. On peut entendre qu’il y ait des difficultés de mise en œuvre. On peut entendre qu’il faille un peu plus de délais ici, un peu plus de contraintes là. Mais il faut que cela se fasse dans un état d’esprit de faire avancer les choses.

Le gouvernement semble très attaché à cette loi santé, au point de la faire passer presque en force…

C’est un texte qui est très important. On parle beaucoup de cet article sur le tiers-payant. Mais la loi de santé, c’est cinq parties avec des évolutions dans un certain nombre de domaines qui n’avaient jamais été abordés de cette manière-là. C’est le cas pour la prévention, l’innovation. C’est un texte qui marquera cette législature.

Craignez-vous le débat parlementaire autour du vote de cette loi ?

Le texte sera surement beaucoup débattu. Mais il ne faut pas craindre le débat, s’il permet de faire avancer la réflexion. Notre but n’est pas de valider chaque mot, chaque point, chaque virgule du projet du gouvernement. Nous sommes là pour débattre et enrichir les textes.

Quel est le calendrier retenu pour cette loi ?

On continue les auditions à l’Assemblée jusqu’à mi-février. En parallèle, les groupes de travail sont en cours, pilotés par le ministère. Actuellement, je suis dans une position où j’essaie d’enregistrer quelles sont les inquiétudes et quelles solutions on peut apporter. Ensuite, on passera dans une phase ou, en tant que rapporteurs, nous ferons des propositions. Mais pour cela nous attendons les conclusions des groupes de travail. On ne peut pas d’un côté demander aux parlementaires d’être à l’écoute et en même temps de faire des propositions de solutions. La ministre sera auditionnée en commission en mars, puis nous étudierons les amendements avant la séance publique qui se tiendra début avril.

Il n’y a aucune chance qu’elle soit reportée comme le demandent les syndicats de médecins et le Conseil de l’Ordre ?

C’est le calendrier qui est fixé. Je ne crois pas qu’un report soit dans les intentions du gouvernement.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu