En novembre 1994, quatre-vingt-six corps mutilés, découpés et conservés dans le formol sont retrouvés dans les sous-sols de l’Institut d’anatomie de Strasbourg. Ce laboratoire de l’horreur était celui du professeur Auguste Hirt, un anatomiste nazi, proche d’Himmler qui, dans le cadre de la “solution finale”, menait une étude anatomique du peuple juif.
 

 

L’expérience du professeur Auguste Hirt fait partie de ces crimes macabres méconnus qui témoignent de l’horreur du plan d’extermination des juifs par les nazis. Cette histoire est racontée dans un récent documentaire de 55 minutes intitulé Au nom de la race et de la science, qui a reçu au mois d’octobre dernier le prix du meilleur documentaire au Festival international du film historique de Waterloo.

 

Conserver une trace de ce peuple juif voué à disparaître

L’idée de ce terrible plan scientifique est née en 1941, dans les couloirs de la toute récente Reichuniversitat de Strasbourg. Cette toute nouvelle université, installée au cœur de l’Alsace annexée, a essentiellement pour objectif de montrer au monde entier la supériorité de la science allemande. Le professeur Auguste Hirt, commandant de la SS, y mène des études d’anatomie. Il entend participer à la “solution finale” qui vient d’être décidée par Hitler et sa garde rapprochée. Pour cet anatomiste, il est évident qu’il faut conserver une trace de ce peuple juif voué à disparaître dans un futur proche.

C’est au cours de l’inauguration de l’Université, que Hirt fait part de son plan à Himmler. Ce dernier est un passionné de science, il a créé une fondation dont le but est de démontrer scientifiquement que la race aryenne est supérieure à toutes les autres.

 

“La guerre nous permet de remédier à cette absence”

Quelques jours plus tard, Hirt écrit au chef de la SS : “Il existe d’importantes collections de crânes de presque toutes les races et de presque tous les peuples. Cependant, il n’existe que très peu de spécimen de crânes de la race juive, permettant une étude et des conclusions précises. La guerre à l’Est nous permet de remédier à cette absence et d’obtenir des preuves scientifiques et tangibles en nous procurant les crânes des commissaires juifs bolchéviques qui personnifient une humanité inférieure, repoussante, mais très caractéristique. Après la mort de ces juifs dont on prendra soin de ne pas endommager la tête, on séparera la tête du tronc et on l’enverra à l’université de Strasbourg. Des recherches d’anatomie comparée et des recherches sur la race pourront alors commencer.”

Himmler est convaincu. Il met à disposition du chercheur tous les moyens qu’il demande. Son plan peut commencer.

Assistant du professeur Hirt, l’anthropologue Bruno Beger se rend à Auschwitz pour sélectionner, selon des critères anthropométriques stricts, les meilleurs juifs pour la collection anatomique du professeur. Il en sélectionne 115, puis 87, hommes et femmes confondus. Tous sont conduits au camp français de KL Natzweiler-Struthof, l’un des plus meurtriers de l’histoire de la Shoah.

 

Il nourrit et entretient ses cobayes

Auguste Hirt veille sur ses cobayes. Il les nourrit, les “entretient” pour qu’ils atteignent une corpulence normale. Au bout de quinze jours, en août 1943, ils sont conduits dans une chambre à gaz spécialement construite pour l’expérience. Auguste Hirt exige des corps intacts, les “spécimens” sont donc asphyxiés, très lentement, dans une terrible agonie. 86 corps sont envoyés à l’Université de Strasbourg. Le 87ème prisonnier, une femme, s’est rebellé avant d’entrer dans la chambre à gaz, elle a été exécutée.

A Strasbourg pourtant, le projet de l’anatomiste prend fin. Personne ne sait pourquoi Auguste Hirt n’est jamais allé au bout de son plan qui avait été si consciencieusement mis au point. Les corps sont donc restés abandonnés dans les cuves de formol de son laboratoire.

Quand il sent que la victoire des alliés est proche, il prend soin de tenter de maquiller son crime. Avec ses assistants, ils découpent les corps, découpent les numéros tatoués sur les victimes et arrachent leurs têtes. Tous les corps sont ainsi devenus impossibles à identifier.

Soixante ans après les faits, ce crime méconnu reste encore impuni, et tous les commanditaires ont nié leur implication. Il fait partie de l’un des crimes les plus macabres de l’histoire du troisième Reich. Pour l’historien Yves Ternon, il est “significatif de l’absolu idéologique nazi”.”Le projet, lui-même, ajoute le professeur Johann Chapoutot, est un exemple de cet investissement de la politique par la science, ou de la science par la politique qu’est le nazisme.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

Voir le documentaire, Au nom de la race et de la science de Sonia Rolley, Axel et Trancrède Ramonet, 55 mn, France, 2013, production Temps Noir.

[Avec Rfi.fr et Lexpress.fr]