Le procès des médecins de Nuremberg, qui a eu lieu en 1946-1947, était dirigé contre 23 médecins et administratifs accusés d’avoir participé à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à travers les expérimentations médicales infligées aux déportés dans les camps de concentration. Le procès a abouti à la rédaction du Code de Nuremberg destiné à contrôler les futurs essais thérapeutiques réalisés sur des êtres humains.

 

Le procès des médecins (Medical case) impliqués dans les expérimentationsmédicales dans les camps de concentration a succédé au très célèbre Tribunal militaire international (TMI) qui avait jugé 22 dignitaires les plus importants du parti nazi, de l’armée et du Reich. C’est le premier des 12 procès organisés en zone d’occupation américaine qui ont été conduits contre des hommes politiques, des militaires, des industriels, des médecins, des juristes et des membres du bureau des Affaires étrangères.

Il a commencé le 9 décembre 1946, soit 19 mois après la capitulation sans condition de l’Allemagne hitlérienne, alors que le monde entier était encore sous le choc de l’ampleur et de la gravité des crimes perpétrés par les nazis et de l’horreur de la Shoah.

 

“Sceau du crime et de la barbarie”

Le discours prononcé le premier jour par le brigadier-général Telford Taylor était extrêmement prophétique : “Pour ces victimes, il est surtout important que ces incroyables événements soient clairement démontrés et prouvés en public, afin que nul jamais ne puisse mettre en doute que ce sont des faits et non des affabulations ; et que cette cour, qui représente à la fois les États-Unis et la voix de l’humanité tout entière, imprime à jamais ces actions et les idées qui les engendrèrent du sceau du crime et de la barbarie.”

Le procès qui comporte 23 accusés, dont 20 médecins, a constitué un modèle d’organisation juridique avec 32 témoins présentés par l’accusation, 53 par la défense, et la citation de 1471 documents. Le système de défense développé par les 27 avocats s’est articulé autour de 7 axes :

– le caractère obsolète du serment d’Hippocrate élaboré 25 siècles auparavant ; Georg Weltz a qualifié le serment d’Hippocrate de pomme de discorde (Streitobjekt), “inapplicable dans la situation actuelle” ;

– l’analogie des expérimentations qui ont été réalisées dans les camps de concentration avec celles qui ont été effectuées au même moment par les chercheurs américains, dont les thématiques de recherche étaient strictement les mêmes ;

– la responsabilité du totalitarisme hitlérien ; Karl Brand, qui était le médecin personnel d’Hitler, a déclaré que “Lorsque la personnalité est dissoute au sein du corps collectif, toute demande qui lui est soumise doit être dissoute au sein du concept de système collectif ; les besoins de la société sont maintenant des besoins individuels, et l’être humain, ce complexe individuel, sert uniquement à l’intérêt de la société” ;

– la qualité morale et l’excellente réputation des médecins expérimentateurs allemands, qui ont été mises en avant afin de faire oublier les actes dont ils se sont rendus coupables ;

– le souhait d’améliorer le sort de l’humanité mis en avant par les accusés et leurs avocats ; ainsi pour appuyer son argumentation, l’avocat Robert Servatius a comparé la situation du médecin expérimentateur au médecin confronté à une épidémie de peste : “Vous avez un médicament susceptible de la combattre. Cependant, vous devez l’essayer sur quelqu’un et le chef de la ville, mettons le maire, vient vous trouver et vous dit : “Voici un criminel condamné à mort, sauvez-nous en effectuant l’expérience sur cet homme.” Refuseriez-vous de le faire ?”

 

De nombreux médecins préstigieux, jamais inquiétés

– la nécessité de réaliser des expériences sur des êtres humains en raison des limites des modèles expérimentaux animaux ;

– la participation des détenus aux expériences, qui est l’occasion pour eux de se racheter pour les délits qu’ils ont commis…

Arthur Caplan a évoqué le “silence relatif” des spécialistes de l’éthique médicale à propos de l’argumentation de la défense : “Il est plus facile et moins dérangeant de rattacher les expérimentations médicales criminelles nazies à des actes de perversion menés par un petit groupe d’individus lunatiques, déviants et de second ordre. C’est plus facile, mais c’est faux.” Il est important de souligner que les expériences médicales ont toutes été conduites avec l’aval des autorités à l’aide de crédits publics, et ont été planifiées en collaboration étroite avec les plus grandes institutions de recherche d’Allemagne. De nombreux médecins allemands prestigieux, qui ont bénéficié du fruit des recherches réalisées dans les camps, n’ont jamais été inquiétés, tandis qu’une proportion importante du corps médical était au courant de ces expérimentations.

Ainsi, Alexander Mitscherlich écrit en 1947 que les 23 accusés du procès des médecins de Nuremberg ne représentaient “que la partie émergée de l’iceberg car le mal s’était étendu à l’ensemble du corps médical, ce qui semblait une évidence”….

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Bruno Halioua

 

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