Stratégie pour noyer le poisson et gagner du temps ou souhait sincère d’aboutir, quitte à accepter une profonde réécriture des chapitres de la loi de santé, refusés par les syndicats médicaux ? Ces derniers s’interrogent, alors que, jeudi dernier, une grande réunion plénière sur la mise en place du tiers-payant généralisé a réuni une soixantaine de personnes, en présence de Marisol Touraine, en ouverture de rideau.
 

 

Il faut dire que l’exercice relève d’une vraie gageure, sachant que tous les syndicats médicaux présents sont opposés au tiers-payant généralisé, et que les copies seront ramassées… le 15 février, le texte devant passer en commission des affaires sociales de l’Assemblée, à peu près à cette date.

“Soit la ministre est sincère et elle nous laisse de temps de travailler au fond et repousse l’examen parlementaire de la loi. Soit, elle nous mène en bateau car elle n’est qu’une illusionniste qui joue la montre”, résume le Dr Luc Duquesnel, le président de l’UNOF-CSMF. Pour lui, “il n’y a aucun signe de reculade de la ministre. Elle parle, certes, d’avance de frais, le terme privilégié par la CSMF, mais on trouve tout et n’importe quoi dans ses propos. Chacun peut y trouver son compte. On a l’impression qu’elle cherche avant tout à éviter le clash…”.

 

“Les mutuelles veulent assurer prioritairement les remboursements, la part obligatoire intervenant ensuite”

Le Dr Xavier Gouyou-Beauchamp, de l’Union des chirurgiens de France (UCDF-BLOC), est sur la même longueur d’onde. “Ces réunions avec les médecins, c’est pour nous occuper. Le vrai travail s’effectue en parallèle de nos plénières, entre financeurs, assurance obligatoire et organismes de protection complémentaires. Ces derniers sont en train de devenir les interlocuteurs principaux des médecins. Les mutuelles veulent assurer prioritairement les remboursements, la part obligatoire intervenant ensuite. Et l’assurance maladie est d’accord sur cette inversion des rôles.” Le président de la Mutualité, ne fait pas mystère qu’il mène actuellement des discussions avec les chirurgiens, autour de la notion de reste à charge zéro pour le patient, sur les actes indispensables. Soit une prise en charge régulée des dépassements d’honoraires par les mutuelles, après accord bilatéral.

Néanmoins, Xavier Gouyou-Beauchamp estime que le projet de loi de santé, et son tiers-payant généralisé, éloigne de plus en plus de l’esprit des ordonnances de 1945 qui ont créé la sécurité sociale. “En tant que citoyen, je m’inquiète à l’idée que les assurances privées, qui ne font pas que de la santé, mais des assurances immobilières ou automobiles, puissent accéder aux données de santé. Qu’en sera-t-il du secret médical, si un patient est atteint d’un cancer et demande un prêt sur 20 ans ?” Pour lui, il n’y a aucune reculade en vue, de la part du ministère de la Santé sur la mise en place du tiers-payant généralisé, mais au contraire, des travaux de fond qui vont bon train.

 

“On en est au même point qu’il a un an !”

C’est aussi l’avis de MG France, qui estimait dans Le Parisien, à l’issue de la réunion qu’”on en est au même point qu’il a un an ! On nous promet des avancées techniques, mais il n’y a rien de concret, rien de formalisé. Il est clair que les médecins n’accepteront jamais de vérifier s’ils ont été réglés ou pas. On a bien autre chose à faire”.

“Rien ne change, confirme Eric Henry, le président du SML. Le Dr Joubert, notre représentant, a souligné que trois catégories d’assurés sociaux étaient laissées pour compte dans le cadre de la loi ANI, sur la mutuelle pour tous les étudiants, les retraités et les chômeurs. La ministre veut avancer par étapes. Elle ne recule pas, elle avance.”

Pourtant, Jean-Paul Hamon, le président de la FMF, a un avis un peu différent. A l’occasion d’une rencontre avec le directeur adjoint du cabinet de la ministre de la Santé, celui-ci a confié l’intention d’étendre aux étudiants le bénéfice du tiers-payant, ce qui n’était pas initialement prévu. Ils seraient suivis par les malades en ALD. “Je considère que ces nouvelles étapes masquent une incapacité technique à avancer sur le tiers-payant généralisé. Le gouvernement est “à la rue”, il cherche une porte de sortie. Ce n’est vraiment pas le moment de molir”, estime Jean-Paul Hamon.

“On ne veut pas du tiers-payant, et la ministre nous réunit pour qu’on le mette en place quand même, en travaillant les modalités pratiques. C’est surréaliste. Et surtout pas d’un tiers-payant qui se mettrait en place avec la LMDe, c’est la pire de toutes les mutuelles”, insiste le Dr Xavier Gouyou-Beauchamp….

De son côté, invité par l’AJIS (l’association des journalistes de l’information sociale), Etienne Caniard, le président de la Mutualité française, n’a pas caché l’ampleur du travail qui attentait les organismes de protection complémentaire, avec ce chantier titanesque. Espérant terminer les travaux de construction de l’architecture du dispositif pour le 15 décembre prochain, le président de la FNFM a évoqué le “travail considérable” qui s’ensuivra pour adapter les logiciels médicaux.

 

Les complémentaires s’engageront à une garantie de paiement

Idée : leur permettre à l’instar du GIE carte bleue, de vérifier l’ouverture des droits du patient, puis dans une deuxième étape, d’authentifier l’assuré social à partir de sa carte Vitale. Estimant que le climat de coopération s’était amélioré, avec la Caisse nationale d’assurance maladie, depuis le changement de directeur général, Etienne Caniard a confirmé devant les journalistes de l’information sociale, que les complémentaires s’engageront à une garantie de paiement pour les professionnels de santé ainsi qu’à un retour d’information leur permettant de ne pas avoir à vérifier qu’ils ont bien été réglés.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne