Le rejet du projet de loi de santé de Marisol Touraine par l’unanimité des médecins libéraux et des cliniques privées, marquera cette fin d’année, qui se termine sur une grève des soins historique. Le mouvement de protestation doit se poursuivre en 2015, et même se durcir si le gouvernement n’entend pas les protestations du monde libéral. Le point.

 

Pour les médecins, l’année 2014 n’aura vraiment pas été de tout repos. Bien au contraire, elle aura permis aux libéraux, attaqués par le projet de loi Macron sur les déréglementations de certaines professions libérales, dont les pharmaciens, les ophtalmologues et les biologistes, de se compter en défilant dans les rues de France, contre le projet du nouveau ministre de l’Economie. Après avoir rassuré les pharmaciens d’officine sur le fait qu’il n’y aurait pas de médicaments sans ordonnances vendus en grande surface, et que les capitaux étrangers qui pourront venir dans les SEL (sociétés d’exercice libéral), devront être obligatoirement issus de la profession, ce dernier a tenté d’éviter la coagulation de la grogne des professions juridiques avec les professions de santé, en scindant son projet de loi.

 

L’un des mouvements les suivis de ces 15 dernières années

Et c’est à la loi de santé qu’il appartiendra de réglementer le sort des professionnels de la vision, sans doute au printemps prochain. Or, cette loi de santé qui devait sceller l’empreinte d’un gouvernement de gauche sur l’organisation de la santé, et traduire dans les tables de la loi la Stratégie nationale de santé qui avait soulevé bien des enthousiasmes, a fait un véritable flop parmi les libéraux.

Grandissant depuis les six derniers mois environ, promettant d’être l’un des plus suivis de ces 15 dernières années, le colossal mouvement de protestation des médecins libéraux contre la future loi de santé a mis le booster depuis la rentrée de septembre. A cette date, l’UNOF (CSMF) tout d’abord, puis MG France et ensuite, la FMF, l’UFML, le BLOC et le SML ont entrepris d’alerter activement la profession sur les risques contenus dans la future loi, qui devait être présentée au Parlement en tout début d’année 2015.

Une opération de communication rendue d’autant plus facile pour les syndicats médicaux, que la négociation sur le travail en équipe a fait un plat monumental, après avoir elle aussi, suscité de gros espoirs, notamment parmi les médecins généralistes de MG France. Autre mauvaise nouvelle, la cessation de paiement programmée de l’OGDPC, l’organisme gestionnaire du DPC, qui a dû changer brusquement de braquet au 17 octobre dernier, pour ne pas sombrer dans la banqueroute. La future loi de santé devra elle aussi, édicter de nouvelles règles pour la formation continue obligatoire des professionnels de santé. En attendant, l’année prochaine s’ouvrira avec, pour les médecins, avec une dotation en chute de 25 % par rapport à 2014.

Cette conjonction de facteurs explique que dans la loi de santé de Marisol Touraine, les médecins ne veulent presque rien garder. Outre la mise en place du tiers-payant obligatoire et généralisé, qui cristallise toutes les hostilités du monde libéral, la prééminence affichée pour l’hospitalisation publique, au détriment des cliniques privées, la reprise en main par l’Etat et les ARS de l’organisation du système de santé libéral, dans le cadre du service territorial de santé au public, l’absence de moyens spécifiques accordés à la médecine de proximité, le démantèlement du métier de médecin au profit d’autres professions de santé, la destruction du système conventionnel national et d’autres vexations tels, le testing… ont servi de brûlot pour une fin d’année marquée par une grève des soins et de la permanence des soins, qui s’annonce particulièrement suivie.

 

Cessez-le-feu du Gouvernement

D’autant que les urgentistes du public ont également déclaré qu’ils feraient grève à cette époque, pour le respect de leur temps de travail. Ils seront donc réquisitionnés tandis qu’une mission parlementaire sur les urgences, tarde toujours à rendre des conclusions très attendues.

Sentant le très mauvais coup venir, le Premier ministre et le Président de la République soi-même, sollicités par le Président du conseil national de l’Ordre des médecins, ont entrepris d’imposer un cessez le feu en novembre, en annonçant par la voix de Marisol Touraine, la mise en place d’avancées “significatives” dans le cadre de la future loi, et l’ouverture d’une série de rencontres avec les professionnels de santé et les cliniques pour rééxaminer les sujets qui fâchent.

De fait, les rencontres se sont poursuivies, mais sans engagements significatifs de la part du gouvernement, ont jugé les représentants des libéraux et des cliniques privées. Et à j – 4 du démarrage annoncé de la grève, le rapport de forces semblait inévitable. Quant aux cliniques de la FHP, qui en ont appelé à l’arbitrage du premier ministre, elles ont réitéré leur mot d’ordre de grève illimitée, dès le 5 janvier pour gagner leur place dans le système hospitalier, et préserver pour leurs praticiens, le droit de pratiquer des dépassements d’honoraires, hors urgences.

Car il n’y a pas que le futur projet de loi de santé qui cristallise les mécontentements, il y a bien entendu du côté des médecins libéraux, le blocage des honoraires. Le 6 janvier, jour de cessation d’activité pour MG France, sera l’anniversaire des 4 ans du C à 23 euros.

 

La bataille du C à 25 euros

Alors les grévistes font monter la pression, promettant de durcir le mouvement si, en plus de la réécriture en profondeur du projet de loi de santé, il n’y avait pas d’avancée tarifaire immédiate. MG France rappelle l’existence de la lettre clef MPC, réservée aux spécialistes, qui permettrait de monter le C à 25 euros. Et l’UNOF réclame l’ouverture d’une négociation tarifaire permettant d’atteindre le C à 25 euro. Marisol Touraine ayant déjà dit non à cette revendication, en octobre dernier, la confrontation risque d’être rude et longue. Les parties en conflit annoncent un durcissement progressif du conflit, si le gouvernement refuse de céder.

Tel est le contexte dans lequel s’ouvrira l’année 2015. Parmi les concessions du gouvernement, figure le fait que le projet de loi, initialement annoncé pour la fin janvier-début février, ne sera examiné par le Parlement qu’au mois d’avril, après les élections départementales. Le rapporteur du projet, Olivier Véran (PS, médecin de formation), prépare des amendements pour adoucir la mise en place du tiers-payant obligatoire, qui se ferait par étape, où l’assurance maladie serait rendue financièrement responsable des retards de remboursements. Mais à quelques jours de Noël, les médecins qui repoussent à près de 90 % l’idée d’un tiers-payant obligatoire et généralisé, ne voulaient toujours pas en entendre parler.

 

Fin de vie

Dans ce lourd contexte de début d’année, alors que les mauvaises nouvelles s’accumulent au sujet de la santé des régimes de retraite Agirc (cadres) et Arrco (salariés), le gouvernement va tenter de sortir de l’ornière pour défendre le projet de loi Macron, qui ne concerne plus que les professions juridiques et de services, présenté au parlement en janvier prochain. Or, il suscite déjà l’hostilité des “frondeurs” du PS qui lui trouvent une inspiration bien trop libérale.

Enfin, le 21 janvier toujours, un débat parlementaire doit se tenir sur le thème de la fin de vie, basé sur les conclusions du rapport Leonetti/Claeys, ouvrant la voie au recours à la sédation terminale. François Mitterrand a en effet appelé de ses vœux, le vote d’une telle loi qui ira plus loin que l’actuelle loi Leonetti, sans évoquer pour autant l’euthanasie.

C’est à l’issue de ce débat qu’une proposition de loi serait proposée au vote de la représentation parlementaire.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne