C’est un peu le blues du MG. “La situation libérale devient de plus en plus intenable en France. Je suppose que ce n’est qu’un début et que la note l’année prochaine sera encore aussi salée, voire plus”, lâche le Dr César Séjourné, médecin généraliste dans l’Essonne. Sa cotisation foncière des entreprises (CFE), vient de prendre 43 % d’augmentation en un an.
 

 

La goutte qui a fait déborder le vase ? L’avis d’imposition CFE (cotisation foncière des entreprises, l’ex taxe professionnelle), qu’il vient de découvrir en se connectant sur le site des impôts – car il n’y a plus d’avis d’imposition postal – et qui affiche clairement une augmentation de 43 % par rapport à 2013. De 526 euros, la douloureuse est passée à 753 euros. Sans raisons ni explications.

 

“Impôt imbécile”

“C’est difficile à encaisser, surtout après tous les articles de la presse grand public, qui annonçaient à grand bruit la suppression de la taxe professionnelle”, râle César Séjourné. Cet “impôt imbécile” selon le qualificatif qu’on lui avait attribué à l’époque, a été voué aux gémonies par toute la classe politique et syndicale. Et son remplacement par un impôt plus intelligent, car ne pénalisant pas l’emploi, salué par tous.

Oui mais voilà. La CFE est fixée chaque année par la commune, elle est assise sur la seule valeur locative des biens soumis à la taxe foncière, est-il précisé sur le site impots.gouv. Les équipements et biens mobiliers ainsi que les recettes ne sont plus imposés. Mais si le professionnel ne dispose pas de locaux spécifiques, ou si les bases d’imposition sont très faibles, il est taxé à partir de 2014, sur une base minimale votée chaque année par la collectivité locale qui prend notamment en compte le chiffre d’affaire. Dans le cas du généraliste de secteur 1, “largement inférieur à 250 000 euros”. Mais la commune peut jouer sur le montant de la CFE due, dans la limite d’un plafond si elle a besoin d’argent.

Et le tour est joué. Les professionnels de santé installés à Marolles-Hurepoix, sa commune de l’Essonne, ont subi l’augmentation. Alors que ceux de la ville d’à côté sont passés entre les gouttes. “C’est profondément injuste, car il faut payer pour travailler. Et c’est inéquitable car selon les villes, l’impôt peut aller du simple au double, proteste notre généraliste. C’est une très désagréable surprise. En plus, si les confrères ne savent pas qu’ils doivent aller sur le site pour s’informer et connaître la date limite de paiement, ils auront une pénalité… Charmant.”

 

En groupe, on cotise deux fois

A ne pas oublier non plus que lorsque les médecins sont en groupe, ils doivent cotiser deux fois : une première fois en tant qu’individu et une seconde, en tant que structure médicale, rappelle le Dr Luc Duquesnel, le président de l’UNOF (CSMF).

Ces augmentations sont souvent passées “comme une lettre à la poste”, s’étonne César Séjourné. Probablement dû au fait que les comptabilités sont externalisées et que les praticiens ne voient pas le détail des augmentations de l’année fiscale. Mais notre généraliste fait tout cela tout seul. Et il voit tout.

Alors évidemment, il a lieu de s’inquiéter devant l’inéluctable augmentation des impôts locaux ces prochaines années, car ils vont s’alourdiront parallèlement au désengagement de l’Etat, vis-à-vis des dotations régionales. Et cela a déjà commencé. Sans omettre les effets de la réforme fiscale sur les familles des classes moyennes et aisées, celle des allocations familiales, la future taxe sur les résidences secondaires inoccupées, les augmentations annoncées du gaz, de l’électricité, des timbres, du diésel, et pourquoi pas des assurances RCP… Ceci tandis que les cotisations retraites continuent leur lourde inflation programmée et que l’obligation d’engager de gros frais pour remettre le cabinet aux normes d’accessibilité pour les personnes handicapées s’inscrit comme un cauchemar de plus dans le paysage de la médecine de proximité conventionnée stricte. Sans aucune aide publique.

C’est le cas du Dr Séjourné, qui exerce dans le pavillon où il vit, et où il va devoir abattre des murs et élargir des couloirs. “J’attends les devis”, soupire-t-il avec une immense lassitude dans la voix.

“En secteur 1, on ne peut pas répercuter toutes ces augmentations, et ces frais. Nous sommes coincés.” Le C fêtera sa quatrième année à 23 euros, en janvier prochain, et les propos de Marisol Touraine, affirmant que le véritable prix de l’acte était de 31,40 euros, si l’on y ajoute les divers forfaits et la rémunération liée à la ROSP, font sourire notre généraliste. Pour ce qui le concerne, cette rémunération est de 26 euros, tout compris. “Et la ROSP demande du travail de statistiques en plus, et tout le monde n’en bénéficie pas”, remarque-t-il.

 

“Les politiques nous méprisent”

César Séjourné redoute la mise en place du tiers-payant généralisé, prévu dans le cadre de la loi de santé : il voit bien les galères dans lesquelles sont entraînées des infirmières libérales, parfois obligées de recourir à une société de services couteuse pour chasser les impayés et reconstituer les pièces du puzzle. “La médecine gratuite comporte de gros risques”, estime-t-il, en soulignant qu’il n’a pas les moyens en secrétariat, pour consacrer du temps à la chasse aux bordereaux des mutuelles.

Donc, pour toutes ces raisons, le généraliste fera grève le 23 décembre prochain. Il fermera le rideau pour la première fois depuis son installation en 2002. Parce qu’il a le sentiment profond “que les politiques nous méprisent”, et qu’il ne croit plus du tout à la parole de l’Etat. Parce qu’il en a “plus que marre, un énorme ras-le-bol”.

“Le gouvernement souhaiterait mettre à mort les médecins libéraux qu’il ne s’y prendrait pas mieux”, redoute-t-il dans une phrase empreinte d’amertume et de déception.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne