Au début du 19e siècle, faute d’avoir pu entrer en école de médecine, alors interdite aux femmes, Mary Gove Nichols a consacré sa vie à la défense de l’hygiène et aux bienfaits de l’eau. Avec son mari, ils ont ouvert le premier institut d’hydropathie américain, le premier qui a formé des femmes et qui a osé parler de l’anatomie féminine.
C’est un fermier tchèque qui, en 1799, a le premier vanté les vertus de l’eau et de l’hygiène. Alors qu’il est adolescent, Vincent Priessnitz fait une mauvaise chute et se casse plusieurs côtes. Le verdict du médecin est sans appel : le jeune homme ne pourra pas remarcher. Mais le jeune garçon refuse ce pronostic. Tout seul, il s’enveloppe de draps humides, absorbe de grandes quantités d’eau et mange très peu. Pour remettre ses côtes cassées en place, il presse son abdomen contre une chaise. Ça marche ! En quelques semaines, il est totalement remis. Cette guérison spectaculaire fait le tour du Monde occidental. Et Vincent Priessnitz passera le reste de sa vie à défendre l’hygiène et le pouvoir guérisseur de l’eau, auprès de ses nombreux patients.
Quelques années plus tard, aux Etats-Unis, c’est une femme qui a fait prendre une toute autre dimension à l’hydropathie : Mary Gove Nichols, comme le rappelle un article publié par Slate.fr. Depuis toute petite, Mary est fascinée par le corps humain et dévore les ouvrages de médecine que son frère emprunte à l’Université. Frustrée de ne pas avoir pu faire des études médicales, du fait d’être une femme, elle est devenue une grande militante du droit des femmes et de la santé publique, en défendant, au tout début du 19e siècle, l’hygiène, la diététique ou l’alimentation végétarienne.
Les femmes souffraient en silence
En 1838, Mary ose donner une conférence sur des sujets alors tabous : la santé, l’anatomie et la physiologie féminines. La santé féminine était un sujet rarement, voire jamais, abordé à l’époque. Comme il n’y avait pas de femmes médecins, elles ne connaissaient rien de leurs problèmes de santé et souffraient en silence pour ne pas se faire examiner par des hommes. Mary Gove Nichols, se fait un nom, et des centaines de femmes se pressent pour l’écouter parler du corps féminin.
En 1945, Mary fait une une cure dans le Vermont, tenue par un des disciples de Priessnitz, Robert Wessolhoeft. C’est une révélation. Elle convainc ce dernier de la former pour devenir docteur en hydropathie. C’est alors qu’ils vont développer la méthode dite “du linge humide”. Tout d’abord, un assistant trempait un linge de coton ou de lin dans de l’eau froide avant de l’étaler sur plusieurs couvertures épaisses en laine. Le patient était ensuite enveloppé avec le drap et les couvertures par le même assistant qui les fixait à l’aide d’épingles ou de bande adhésive. Les patients se mettaient ensuite à trembler et restaient allongés sur des lits pour une durée qui pouvait aller de 25 minutes à plusieurs heures. Une fois qu’ils avaient bien sué, l’assistant les déballait avant de les plonger dans un bain d’eau froide puis de les sécher très brusquement.
Former les premières femmes médecin
De retour à New-York, Mary prodigue ses conseils thérapeutiques à de nombreux patients, tel un vrai médecin, même si elle n’en a pas le titre. Elle épouse un jeune écrivain, Thomas Low Nichols. Ce dernier s’inscrit en école de médecine pour étudier, dit-il, “les erreurs et les absurdités” de la médecine classique.
Quelques années plus tard le couple ouvre, à New-York, la toute première école de médecine hydropathique du pays. Officiellement, ils voulaient monter une société d’experts de la médecine par l’eau, pour contrer les charlatans qui prodiguaient l’hydropathie pour s’enrichir. En réalité, Nichols, lui, profitait surtout de cette institution pour former les premières femmes médecins. D’ailleurs, pour inaugurer l’institut, Mary prononce un discours sur la “femme médecin”, en insistant non pas sur les capacités naturelles des femmes à s’occuper des autres, mais sur l’importance d’avoir des femmes dans la médecine. L’hydropathie, est le premier domaine de santé qui a accueilli les femmes avec enthousiasme.
Etre une femme n’est pas une maladie
D’ailleurs, l’implication des femmes a largement contribué au développement économique des cures américaines. Les assistantes et médecins femmes ont attiré les riches patientes, principales clientes de l’hydropathie.
L’hydropathie a aussi révolutionné la façon de traiter les femmes. Pour la première fois, on osait leur parler de la puberté, de la menstruation, de la grossesse et de la ménopause, autrement que comme des maladies. Jusqu’à la fin de sa vie, Mary Gove Nichols n’a cessé de le répéter à ses patientes : être une femme n’est pas une maladie.
Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.
[Avec Slate.fr et un extrait du livre Le Marché aux merveilles : les origines étranges de la médecine moderne, d’Erika Janik]