Le nombre de médecins étrangers en France ne cesse de croître, mais il ne faut pas y voir une solution aux problèmes de démographie médicale. C’est la conclusion de la première étude menée par le Conseil de l’Ordre sur le sujet.

 

“Les médecins étrangers n’apportent pas la relève espérée pour la médecine libérale”, a indiqué hier le docteur Patrick Romestaing, vice-président du Conseil de l’Ordre, à l’occasion de la remise d’une étude sur les médecins étrangers exerçant en France.

Depuis plusieurs années, ils sont pourtant de plus en plus nombreux à faire le choix de venir exercer en France, et près de 40% sont des généralistes.”40 000 médecins en France sont nés à l’étranger, souligne le docteur Romestaing. Depuis 2007, les effectifs ont augmenté et vont probablement continuer à croître.” Les trois-quarts de ces médecins sont originaires du Maghreb, “en raison des liens tissés par le passé avec la France”, glisse Patrick Romestaing. Mais leur nombre est constant depuis des années, ils se sont majoritairement installés dans les années 1980 et sont plutôt en fin de carrière. A l’avenir des médecins étrangers en France ne passe pas par ces “liens”.

 

Un quart des nouveaux inscrits n’ont pas eu leur diplôme en France

A l’inverse, le nombre de médecins nés dans un pays de l’Union européenne, en Roumanie mais aussi en Allemagne, connaît une augmentation fulgurante (+60% en sept ans). Les généralistes roumains venant exercer en France ont autour de 45 ans, sont surtout des femmes, et se sont massivement installés ces quatre dernières années. “La majorité de ces médecins ont d’ailleurs eu leur diplôme en France”, poursuit le vice-président.

Outre ces étrangers diplômés d’universités françaises, l’étude met en lumière une autre tendance : “Depuis quatre ans, un quart des nouveaux inscrits au CNOM n’ont pas eu leur diplôme en France”, explique le Dr Romestaing. Cette année, l’Ordre a recensé 22 500 praticiens titulaires d’un diplôme européen ou extra-européen, parmi lesquels 19 000 exercent de façon régulière. Un chiffre qui pourrait même atteindre les 30 000 d’ici 2020, estime le CNOM.

 

Belges et Roumains en tête

“Au sein de l’Union européenne, les médecins diplômés à l’étranger viennent d’abord de Belgique et de Roumanie”, souligne Patrick Romestaing. A eux deux, ces pays fournissent 80% des praticiens européens diplômés hors de France. Et parmi eux, un certain nombre d’étudiants Français ayant échoué à la PACES… “C’est une réalité en Belgique, mais ça reste marginal”, assure le docteur Jean-François Rault, président de la section démographie médicale pour le CNOM. Quant à la Roumanie, il est encore difficile de faire une évaluation de la situation. “Les étudiants français partis étudier dans les universités roumaines ne sont pas encore en âge de présenter les ECN”, explique le docteur Rault. Un contournement du numérus clausus que l’Ordre semble tout de même suivre de près.

Des flux de médecins étrangers en constante augmentation, donc, mais dont les choix d’exercice ne comblent pas les manques sur le territoire français. A une écrasante majorité, ils choisissent le salariat et les régions les plus denses. “Ils sont comme les autres. Les jeunes ne veulent pas que tout repose sur leurs épaules, ils veulent partager les responsabilités”, analyse le Dr Romestaing qui ajoute qu’à 40 ans passés, ces médecins qui font le choix de venir travailler en France ont souvent une famille, dont l’installation est plus facile en ville qu’en zone désertique. Seules deux régions françaises font figures d’exception et parviennent à attirer une majorité de médecins libéraux : Midi-Pyrénées et PACA. “Mais ce sont des régions qui sont déjà très densément peuplées”, précise Patrick Romestaing. Les besoins les plus pressants ne sont pas là.

Certains généralistes roumains, pourtant, font le choix du libéral et s’installent dans l’ouest et le sud de la France. Un espoir vite douché par le vice-président de l’Ordre. “Ils sont 60% à s’installer en libéral… Mais il serait intéressant de regarder ce qu’il est en 3 ans après ! Beaucoup repartent un beau jour, sans prévenir personne. Le logement que le maire leur a trouvé est vide, les volets du cabinet sont fermés”.

 

Problème éthique

Pas de chiffres qui remontent au CNOM, mais “on est régulièrement informés de départs de médecins roumains. Ce sont des cas ponctuels, mais marquants”, ajoute Patrick Romestaing. La faute aux agences de recrutement, selon lui. “La présentation qui leur est faite n’est pas aussi complète qu’elle le devrait. Elle occulte souvent les contraintes administratives très lourdes et les charges”, poursuit le Dr Romestaing.

De manière plus générale, ces mouvements de migration en Europe posent un problème éthique, assure le CNOM. “Les pays voient partir des médecins qu’ils ont formé, et cela crée une vraie carence”, explique Patrick Romestaing. La Roumanie est par exemple contrainte de faire venir des médecins ukrainiens pour combler ses propres déserts. “Cela nous interpelle. Il est nécessaire d’ouvrir un débat européen sur le sujet. Fermer les yeux sur ce problème n’est pas tolérable.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier