Après les généralistes libéraux, les spécialistes, les internes et les cliniques, c’est au tour des médecins de SOS de faire valoir leur colère et de brandir la menace de la grève pour s’opposer au projet de loi de santé. Car ils entendent défendre la permanence des soins ambulatoire qu’ils jugent menacée. Deux régions françaises ont déjà supprimé les gardes des médecins libéraux en nuit profonde. Le Dr Dominique Ringard, président de SOS Médecins revient sur les raisons de ce ras-le-bol.

 

Egora.fr : Pourquoi avez-vous décidé de vous joindre au mouvement de grève lancé par les syndicats de médecins libéraux pendant la semaine de Noël ?

Dominique Ringard : On suit les revendications portées par la quasi-totalité des syndicats de médecins, qui s’opposent à beaucoup de points de la Loi de Santé de Marisol Touraine, avec notamment le tiers-payant généralisé. On sent bien qu’il y un ras-le-bol de toute la profession. Le conseil de l’Ordre, les internes… tout le monde est contre cette loi.

Nous, nous avons en plus la spécificité de la permanence des soins ambulatoire qui est, à nos yeux, actuellement en grande difficulté. Ça fait un moment qu’on en parle. On avait déjà failli faire grève en janvier 2013 sur cette thématique de la PDSa. Mais là, l’ARS du Nord-Pas-de-Calais annonce que, comme l’a déjà fait la Lorraine, elle supprime la Permanence des soins ambulatoire en nuit profonde. On ne veut pas accepter ça !

 

Vous trouvez que le projet de loi est trop hospitalo-centré ?

On déshabille la ville au profit du tout hôpital. Et on donne de plus en plus de pouvoir aux ARS. Tous les deux ans on remet sur le tapis la question de la permanence en nuit profonde. Nous, on a des médecins sur le terrain qui sont capables de gérer les problèmes à domicile, sans hospitalisation. Mais on préfère mettre les personnes âgées dans des ambulances pour qu’elles aillent passer trois ou quatre heures aux urgences. Sur les territoires que SOS couvre, il n’y a pas de problème d’activité, alors qu’on nous laisse bosser tranquille.

 

Quelle est la situation en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais ?

La Lorraine a pris un arrêté en début février avec lequel on n’est pas d’accord. On se bat avec le ministère depuis un an à cause de ça. A Nancy, le directeur de l’ARS a supprimé la PDSa du lundi au vendredi. En revanche, il l’a laissée sur le reste du territoire, là où il y a le moins d’appels. Et le samedi et le dimanche, on a de nouveau un médecin de garde. Pourtant à Nancy, il y a une forte activité pour SOS. Tout cela est ubuesque. On dit aux patients qui ont un besoin en pleine nuit : si vous avez un problème, allez aux urgences. Alors que depuis de nombreuses années, on dit qu’il ne faut pas engorger les urgences pour n’importe quoi.

Et dernièrement, l’ARS Nord-Pas-de-Calais a pris la même décision. Depuis le 1er octobre, il n’y a plus de PDSa en nuit profonde dans toute la région. Nous avons trois structures à Lille, Dunkerque et Tourcoing, qui fonctionnent pourtant parfaitement. Dans le Nord-Pas-de-Calais, SOS gère 2,5 millions d’habitants. Comment penser que ce serait plus simple d’envoyer tout le monde vers les urgences, de les confier aux ambulanciers, aux pompiers ? Pour nous, ce n’est pas comme ça que cela doit fonctionner.

 

Quelles pourraient être les conséquences pour SOS Médecins ?

Depuis des années, on entend des critiques sur le fait que la permanence des soins n’est plus une obligation mais repose sur le volontariat. Et aujourd’hui on va dire aux médecins volontaires pour travailler qu’on n’a plus besoin d’eux. Pensez-vous qu’ils seront encore volontaires si, dans deux ans, on se rend compte que c’était une bêtise et qu’il faut remettre les libéraux à la permanence des soins ? Non, il ne faudra surement pas leur demander de revenir sur le terrain. On est en train de casser un système qui fonctionne bien, bêtement, sur des décisions d’un simple directeur d’ARS.

 

Quelle est la motivation des directeurs d’ARS dans ces deux régions ?

Des économies de bouts de chandelles ! Sauf que dans les faits, un passage aux urgences avec un transport associé, c’est cinq fois le coût du passage d’un médecin à domicile. On est dans l’aberration. Le problème c’est que le directeur de l’ARS fait de maigres économies en diminuant les astreintes, puisque lui n’a pas en gestion le coût des patients hospitaliers. Donc il se dit, je vais faire des économies, je vais récupérer un peu sur la PDSa, et les gens iront aux urgences. Il s’en moque puisque ce n’est pas son enveloppe.

 

La commission des affaires sociales de l’Assemblée travaille actuellement sur une refonte de la PDS. Avez-vous été entendu ?

J’ai rencontré Catherine Lemorton (présidente de la commission des affaires sociales, NDLR). On a discuté de tous ces sujets-là. Le rapport de la commission permanence des soins n’est pas encore sorti. Il devait être rendu en novembre, mais pour l’instant, nous n’avons rien vu venir. On en a discuté avec elle, mais on ne sait pas sur quoi ça va aboutir. J’espère que ce sera favorable. En tout cas, sur le sujet de la PDSa, dans les discussions que j’ai eu personnellement avec Madame Lemorton, elle m’a semblé plutôt favorable à ce qu’on laisse des médecins libéraux sur le territoire.

 

Pensez-vous qu’une réforme de la PDSa est quand même nécessaire aujourd’hui ?

Il y a surement des choses à faire évoluer. Mais il ne faut pas tout casser. J’ai entendu Marisol Touraine dire qu’il fallait laisser les dispositifs qui fonctionnent bien. Là où SOS médecin est installé, ça fonctionne bien, on fait le boulot. Il est évident qu’après minuit, quand on peut envoyer un médecin au chevet d’un enfant qui a 39 de fièvre, ou auprès d’une personne âgée en maison de retraite, c’est quand même mieux que de l’envoyer aux urgences. Surtout qu’en plus c’est moins cher.

Nous, nous avons besoin d’une visibilité à long terme, et on ne l’a jamais eue. Cela fait six ans que je suis à la tête de la fédération SOS Médecins. Tous les jours on nous avance de nouveaux changements. Mais les gens ont besoin d’être soignés et les médecins ont besoin qu’on les laisse travailler sans se poser de question sur leur avenir.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu