En plein cœur du Moyen Age, alors que les hommes cherchent à s’approprier la pratique de la médecine en accusant leurs consœurs de “sorcières”, une grande école de médecine du sud de l’Italie ouvrait ses portes aux femmes. A Salerne, elles étudiaient aux côtés des hommes, certaines y ont même enseigné. La plus célèbre d’entre elles, Trotula, s’est spécialisée dans la médecine des femmes et la grossesse.
 

 

Au XIe siècle, la petite ville de Salerne, dans le sud de l’Italie est le centre de la médecine européenne. Son hôpital y soigne les riches romains malades et les Croisés blessés qui arrivent d’Orient. A cette époque, Salerne abrite aussi la plus importante école de médecine du Moyen âge. L’enseignement mêle pratique et théorie et s’appuie sur des textes anciens grecs, arabes ou juifs : Salerne est la toute première école de médecine laïque de l’Histoire, et elle est l’une des rares à y former des femmes.

 

Bryone pour rosir les joues

Les femmes médecins diplômées de Salerne sont très appréciées des patientes romaines. Elles leur prescrivent notamment de la bryone, une plante utilisée pour rosir les joues. Elles ont été les premières à inventer des pâtes, des poudres et des pommades contre les rides… des remèdes bien souvent inspirés davantage par la superstition que par le savoir scientifique.

L’une de ces femmes médecins est néanmoins restée célèbre, notamment pour ses travaux sur les femmes, la grossesse, l’accouchement : Trotula de Salerne. Dans les années 1050, elle est connue pour ses écrits, Maladies des femmes ou Comment rendre les femmes belles.

Célèbre pour sa beauté, elle a enseigné à Salerne et a même dirigé l’école. On raconte qu’à sa mort, en 1097, un cortège funèbre atteignit une longueur de plus de trois kilomètres. Dans l’un de ses écrits, Constantin l’Africain l’a décrite en train d’exécuter une césarienne pour sauver la vie d’un enfant. Elle-même a fait la description d’une intervention de réparation d’un périnée endommagé après un accouchement.

Dans Les maladies des femmes avant, pendant et après l’accouchement, elle aborde tous les aspects de la féminité y compris les préoccupations psychologiques et esthétiques. “Puisque donc les femmes sont par nature plus faibles que les hommes, écrit-elle en préambule, par conséquent sont plus fréquentes chez elles les maladies, surtout dans les parties vouées à l’œuvre de la nature ; et comme ces parties se trouvent en des endroits secrets, les femmes par pudeur et fragilité de condition, n’osent pas révéler à un médecin les angoisses causées par ces maladies. C’est pourquoi émue de leurs malheurs et à l’instigation d’une certaine matrone, j’ai commencé à examiner avec attention ces maladies qui frappent très souvent le sexe féminin.” Elle crie haut et fort que les femmes ne doivent pas accoucher dans la douleur et assure que la stérilité d’un couple peut aussi être le fait de l’homme. Chose impensable pour les esprits de l’époque.

 

Excréments d’âne frits contre la stérilité

Les remèdes de Trotula sont, eux aussi, basés la superstition. Elle prescrit des bains de sable de mer aux femmes trop rondes. Elle préconise aux femmes stériles de se nourrir d’excréments d’âne frits et assure qu’ingurgiter le cœur farci d’une truie permet d’oublier la mort d’un proche. Des remèdes qui n’ont rien ou presque de scientifique mais s’inspirent de traditions d’orales, de vieux textes arabes, et même, parfois de certains écrits de Galien ou d’Hippocrate.

Les traités de Trotula ont été plagiés, copiés, traduits et attribués à d’autres scientifiques. On a longtemps remis en cause son existence même, certains pensaient qu’une femme ne pouvait pas se servir d’instruments chirurgicaux compliqués et qu’une femme ne pouvait pas écrire sur les questions sexuelles.

L’école de Salerne a formé des femmes chirurgiens jusqu’à sa fermeture officielle en 1811. Et même si, comparées à leurs confrères masculins, leur pratique était officiellement limitée, elles ont fait figure d’exception en Europe où les écoles de médecine fermaient presque toutes leurs portes aux femmes. En France, au XIIIe siècle un édit leur a même interdit de soigner. Celles qui s’y employaient sont excommuniées et brûlées pour sorcellerie. En France, il faudra alors attendre 1875, pour qu’une femme, Madeleine Bres, obtienne une thèse de médecine.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

[Avec Sous l’œil d’Hippocrate, de Marc Nagro, et Medarus.org]