Les médecins généralistes sont-ils prêts à accueillir les premiers malades de la fièvre Ebola qui semblent s’approcher de nos frontières ? Tandis que le syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) dénonce le silence des pouvoirs publics, alors qu’en Espagne ou aux Etats Unis, des personnels soignants ont contracté le virus, une réponse française s’organise.
 

 

“Omerta sur Ebola ? Alors qu’elles sont en première ligne, en France les infirmières n’ont aucune information des autorités !” vient de s’emporter le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) dans un communiqué. Des personnels soignants ont contracté le virus en Espagne et aux Etats Unis, et les infirmières françaises se plaignent du “manque cruel” d’informations, tant de la part des agences régionales de santé (ARS) que des hôpitaux. “Que faire quand un cas suspect se présente ? Dans les hôpitaux, nous avons du matériel d’isolement simple, mais pas adapté à un cas avéré d’Ebola. Où trouver le matériel, à qui s’adresser ?”, s’interroge le syndicat tandis que l’on vient de franchir le cap des 4 000 morts dans les 5 pays touchés par l’épidémie, et que l’on recense 395 cas parmi les personnels soignants, dont 216 décès.

 

Que faire face à un cas suspect ?

Dans une sorte d’appel au calme, Marisol Touraine a expliqué en conférence de presse, que notre pays était prêt à subir éventuellement, ce choc, bien que le risque d’une épidémie sur notre sol soit très limité. Un numéro vert a été mis en place : 0800 13 00 00, des informations vont être distillées par la CNAM et l’Ordre national des médecins. Douze établissements de référence (Bichat et Necker à Paris, Lyon, Lille, Strasbourg, Marseille, Bordeaux, Rennes, La Réunion, Rouen, Nancy et l’hôpital d’instruction des armées Bégin à Saint-Mandé, près de Paris) viennent de recevoir un nouveau message de la ministre, accompagné des recommandations du Haut conseil de la santé publique. Les préfets sont sur les dents, les ARS mobilisées, et sur le site du ministère de la santé, de nombreuses fiches à destination du public et des professionnels de santé, expliquent ce qu’il faut faire en présence d’un cas suspect.

Pour un professionnel de santé libéral, la marche à suivre est clairement décrite : si le patient a voyagé dans un pays à risque* dans les trois semaines précédentes et s’il a une fièvre supérieure ou égale à 38°, il faut éviter de toucher le malade, l’isoler, lui faire mettre un masque de protection et se protéger (masque, gants, surblouse, etc.). Puis appeler le 15 qui, à son tour procèdera à un questionnaire téléphonique et le cas échéant, enverra une équipe du SMUR en tenue de protection intégrale pour amener le cas suspect à l’hôpital de référence.

Les soignants ? “Vous devrez surveiller votre température 2 fois par jour pendant 21 jours à partir de la date d’exposition potentielle. Vous serez contacté(e) tous les jours par un correspondant de l’ARS pour faire le point sur votre état de santé. Vous pouvez conserver une activité normale pendant cette période dès lors que vous êtes asymptomatique. En cas de fièvre supérieure à 38°C, contactez sans délai le Samu-Centre 15” précise la fiche du ministère.

 

Pas d’urgence pour la formation

En dehors de ces cas d’urgences, les Unions régionales de professions de santé (URPS), commencent, notamment en Ile de France, à s’interroger sur l’opportunité de proposer des réunions d’information à ses ressortissants en blouses blanches. Il est vrai que les URPS avaient été les relais de la DGS (direction générale de la santé), lors des dernières grandes épidémies de grippe aviaire et de grippe A H1N1. “Nous avions organisé des soirées de formation sur les virus grippaux, se souvient le Dr Bernard Ortolan, élu de l’URPS, l’un des co-dirigeant d’Evolutis DPC, l’association de la CSMF. Soirées financées par une dotation de la DGS. Nous allons y travailler, sans urgence”, expose le Dr Ortolan.

A MG Form, l’association de formation de MG France, la fièvre Ebola n’est pas non plus à l’ordre du jour. Deux organismes, cependant, proposent ou vont proposer des formations sur le sujet, à commencer par l’OG DPC. Sur son site internet, on peut choisir parmi 5 programmes de formation sur la fièvre Ebola pour les médecins et les pharmaciens, soit 26 cessions en tout. Et du côté du FAF-PM, c’est un appel à projet exceptionnel, qui vient d’être envoyé aux organismes formateurs. “Pour ne pas susciter de panique, nous avons considéré plus judicieux de lancer un appel à projet contextuel, concernant les pathologies émergeantes, type dengue, chikungunya et Ebola et récurrentes ou résurgentes, type rougeole, tuberculose ou coqueluche”, explique le directeur de l’organisme indépendant, le Dr Jean-Louis Gayet. S’y ajoutent, les conduites à risque chez l’adolescent et les nouvelles stratégies de dépistage du cancer colorectal.

 

Pas de demande des médecins

Financé par la cotisation obligatoire de 93 euros par an acquittée par tous les médecins libéraux, le FAF-PM fait entendre sa différence par rapport à l’OGDPC, notamment sa réactivité, et “veut inciter les associations à se bouger”, en travaillant sur ce type de thèmes. “Il est très important que les médecins s’en servent”, insiste le directeur. “Nous allons certainement répondre à l’appel d’offre du FAF-PM, explique-t-on au CHEM (Collège des hautes études en médecine générale), bien qu’on ne sache pas quels seront les financements.” La question est la même à Evolutis. “Les médecins seront-ils intéressés ? Pour l’instant, il n’y a pas de demandes remontant du terrain” explique le Dr Ortolan.

Il est vrai que les inquiétudes portant sur les budgets 2014 et 2015 du DPC couplées à la cure d’austérité générale, incitent plutôt à la prudence qu’à se former à une thématique encore très hypothétique. Et encore bien lointaine.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne

 

* La définition de cas, incluant celle de la zone géographique à risque est régulièrement mise à jour sur le site de l’InVS, dans les dossiers thématiques : “Maladies infectieuses”, sous-dossier “Fièvre hémorragique virale à virus Ebola”.