La gestation pour autrui : l’autre grand débat en matière de familles homoparentales. Le 26 juin dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France au motif qu’elle refusait de reconnaître la nationalité française à des enfants nés, au sein de familles hétérosexuelles, d’une gestation pour autrui réalisée aux États-Unis. Est-il nécessaire et opportun de faire évoluer la législation en la matière ?

 

“La GPA est contraire à notre ordre public”

Astrid Marais – Professeur des universités, centre de recherche en droit privé, université de Bretagne occidentale, signataire en juillet 2014 d’une pétition pour « protéger les femmes de l’achat et de la vente des bébés » et renforcer la législation contre la GPA.

“La GPA est, en droit français, contraire à notre ordre public qui protège notamment la dignité des femmes. La Cour européenne nous a condamnés parce que nous aurions violé la vie privée de ces enfants en refusant d’établir leur filiation avec leur père biologique, ce qui, selon la cour, avait placé les enfants dans une situation d’incertitude juridique quant à la possibilité d’obtenir la nationalité française. On peut comprendre l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.

Rappelons toutefois que ces enfants auraient pu être reconnus français “par déclaration de nationalité”, qui est possible lorsqu’un enfant est recueilli en France depuis au moins cinq années et est élevé par une personne de nationalité française (art. 21-12).

La condamnation par la Cour européenne conduit à lever le seul obstacle – imparfait, il est vrai – que la Cour de cassation avait trouvé pour endiguer le tourisme procréatif. Dorénavant, tous les couples en mal d’enfant peuvent se rendre à l’étranger pour conclure un contrat avec une mère porteuse. Ils savent qu’ils ne seront pas sanctionnés pour avoir violé la loi française et que l’enfant leur sera rattaché juridiquement.

Aujourd’hui, ce n’est plus vers la Californie que les couples français se tournent, c’est vers l’Inde : la mère porteuse ne coûte que 1500 euros contre 15000 euros aux États-Unis.”

 

“Le mieux est d’autoriser et d’encadrer en France la GPA”

Caroline Mécary – Avocate au barreau de Paris, engagée en faveur du mariage pour tous et des droits des personnes Lgbt.

“Je suis très pragmatique. Il n’y a rien qui puisse réduire le désir d’enfant et le fait que des adultes décident d’avoir recours à la GPA à l’étranger.

De même, si on veut lutter contre l’exploitation des mères porteuses, comme cela se passe actuellement en Inde ou en Ukraine, le mieux est encore d’autoriser et d’encadrer en France la GPA qui est, rappelons-le, reconnue par l’OMS comme l’une des formes de PMA.

Les détracteurs de la GPA mettent toujours les mauvais exemples en avant. Mais pourquoi ne pas, au contraire, s’inspirer des bonnes pratiques développées en Grande-Bretagne ou au Canada par exemple ? La fameuse citation de Lacordaire me semble très appropriée aux enjeux actuels : ‘Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime, et la loi qui libère’.”

 

Témoignage : Élever un enfant, un rêve qui se concrétise

Mettre au monde un enfant. Pour de nombreux parents homosexuels, le rêve est devenu réalité.

Camille, bientôt 2 ans et demi, fait le bonheur de ses deux mamans, Aurélie et Sophie, jeunes trentenaires installées près de Montpellier. Devenir mères n’était pas forcément une évidence : “nous nous sommes demandées si c’était bien de grandir avec deux mamans”.

Le couple mènera une réflexion de deux ans. “Au final, ce qui m’a convaincue, explique Aurélie, ce sont les résultats des études sur les familles homoparentales : majoritairement, elles concluent que les enfants sont heureux, qu’ils n’ont pas de carences.”

Aurélie et Sophie ont fait le choix d’une IAD aux Pays-Bas, où, à l’inverse de beaucoup de pays, les donneurs ne sont pas forcément anonymes. À 16 ans, Camille pourra, si elle le désire, rencontrer la personne qui a fait le don. “Nous voulions laisser la porte ouverte à notre enfant pour s’approprier son histoire. Nous lui avons déjà raconté l’histoire de la maternité et lui parlons parfois d’un monsieur gentil et généreux.”

En août 2013, Aurélie et Sophie se sont mariées, et en 2014 Sophie a fait une demande d’adoption auprès du TGI de Montpellier, qui a été acceptée. “Nous comprenons le débat actuel : a-t-on le droit de créer des familles différentes ? Mais dans les faits nous sommes déjà là, et au quotidien tout se passe bien.” Amis, famille, crèche : le couple n’explique souffrir pour l’heure d’aucun rejet.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Nicolas Narcy