Au XIXe siècle, la masturbation est considérée comme une abomination. Si bien que les médecins rivalisent d’imagination pour empêcher les enfants, garçons ou filles, d’avoir les mains trop baladeuses. Et les “remèdes” sont souvent des plus barbares : camisole de force, clitoridectomie ou encore infibulation.

 

C’est à la fin du XVIIe siècle, que le débat commence à faire rage parmi les médecins sur l’onanisme. Jusqu’alors, les médecins, héritiers des principes d’Hippocrate ou de Galien, n’étaient pas opposés à ce que les hommes s’adonnent aux plaisirs solitaires. Il était même, selon eux, préférable de laisser évacuer naturellement le fluide corporel, la rétention étant mauvaise pour la santé.

Seulement, à cette époque en Europe, l’Eglise occupe une place très importante. Et elle bannit fermement la masturbation. Pour preuve, l’histoire d’Onan, considéré dans l’Ancien Testament comme pêcheur pour avoir “laissé sa semence se perdre dans la terre” au lieu de “l’utiliser” pour assurer sa descendance. Les médecins entrent alors en guerre contre la masturbation. Un pamphlet, Onania, dont l’auteur est anonyme, la considère comme un vice contre nature, responsable de divers maux comme des ulcères, des convulsions, des retards de croissance…

 

Remèdes barbares

Dans un autre ouvrage, publié en 1760 par le médecin suisse Samuel Auguste Tissot, l’onanisme est considéré comme favorisant les cancers, la dépression, la perte des facultés mentales, l’impuissance ou la gonorrhée. Le livre est un immense succès. Enfin, en 1767, la fameuse Encyclopédie décrit la masturbation comme provoquant des infirmités et des maladies rares et mortelles.

Au XIXe siècle, les médecins se lancent dans une lutte acharnée contre la masturbation, imaginant des remèdes les plus barbares. Les potions et les comprimés ne donnent que peu de résultats, on invente alors des techniques sophistiquées telles que des alarmes à érection, des mitaines de nuit ou des ceintures de chasteté. Certains lits sont équipés d’arceaux pour que les draps ne viennent pas déranger les organes génitaux et les filles portent des entraves pour les empêcher d’étendre les jambes. Un vêtement antimasturbatoire, une sorte de camisole, est même breveté par un médecin, le docteur Leclerc.

En Allemagne, on va même plus loin, en faisant porter aux enfants des culottes à serrure et on leur interdit de rester trop longtemps aux toilettes.

 

Anneau de fer à l’extrémité de la verge

Quant aux cas les plus “graves”, les médecins leur réservent des méthodes encore plus barbares. Le plus connu est l’infibulation. Il consiste, pour les garçons, à percer le prépuce puis à placer un anneau de fer à l’extrémité de la verge. Pour les filles, ce sont les deux grandes lèvres qui sont réunies par un anneau d’or ou d’argent. Ces dernières, qui, selon un certain docteur Pouillet, ont davantage recours à la masturbation que les hommes, ont droit à toutes sortes de traitements pour éloigner leurs tendances vicieuses. Il y a bien sûr la clitoridectomie pratiquée au bistouri, voire au ciseau. Pouillet, lui, pratique la cautérisation du clitoris et de la vulve avec un crayon de nitrate d’argent.

Dans Sous l’œil d’Hippocrate, Marc Magro cite notamment un cas du médecin français Paul Broca. Il reçoit une petite fille de 5 ans, qui malgré les mains liées et la ceinture de chasteté réussit quand même à atteindre son clitoris, avec l’orteil.

 

“Le vice est incurable”

Cette enfant est diagnostiquée nymphomane, il faut faire quelque chose. Paul Broca écrit : “Je réunis, suivant une grande épaisseur les deux tiers supérieurs ou antérieurs des grandes lèvres à l’aide de la suture métallique, en laissant à la partie inférieure un orifice admettant avec peine le petit doigt pour l’écoulement des urines et plus tard du sang menstruel. Aujourd’hui, la réunion est parfaite et le clitoris placé hors de toute atteinte sous un épais coussin de parties molles. Je me propose de continuer l’emploi de tous les autres moyens, surveillance active, ceinture de chasteté, etc. considérant seulement l’infibulation comme un important adjuvant.”

Mais pour certains confrères, cette opération est vaine. La masturbation est encore possible à travers les grandes lèvres. Et comme l’écrit le docteur Deguise : “D’une façon ou d’une autre, l’enfant continuera ses manœuvre vicieuses, car le vice est incurable.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

D’après Sous l’œil d’Hippocrate, Petites histoires de la médecine, de la Préhistoire à nos jours, de Marc Magro, éditions First Histoire.