Conférence de presse du Dr Luc DUQUESNEL, Président de l’UNOF-CSMF

et du Dr Béatrice FAZILLEAUD, Secrétaire Générale


Le 10 septembre 2014

L’UNOF-CSMF dresse un état des lieux particulièrement inquiétant de la situation des médecins généralistes libéraux qui s’enfoncent dans les tracasseries du quotidien, voient leur exercice se complexifier et assistent au recul de leur pouvoir d’achat. Face à cela, le gouvernement propose des mesures vexatoires, notamment dans sa future loi de Santé. Les médecins généralistes sont plus qu’impatients et la colère monte. L’UNOF-CSMF renouvelle ses propositions et prévient que si elle n’est pas entendue, le conflit deviendra inévitable. Les médecins généralistes ne seront pas les lampistes du système de soins étatisé.


1- Médecine générale libérale : une profession sous tension

La médecine générale libérale est sous tension en raison de l’accumulation de multiples facteurs. C’est tout d’abord une évolution de l’exercice avec de plus en plus de prises en charge de patients âgés et/ou polypathologiques se traduisant par des consultations longues et complexes. Or, cette évolution n’est pas reconnue et la nomenclature n’est plus adaptée à la réalité de l’exercice des médecins généralistes libéraux. La convention médicale signée par la CSMF avait pourtant enclenché un mouvement avec la création de la visite longue pour les patients atteints de maladies neurodégénératives, valorisée à hauteur de 2C + déplacement soit 56 €, puis la majoration MPA de 5€ sur les consultations des plus de 80 ans. Mais, ce qui devait servir de socle à la construction d’une véritable CCAM clinique permettant de rémunérer les consultations selon leur contenu réel, leur durée et leur niveau de difficulté, est resté en plan. Si bien qu’aujourd’hui, la valeur du C est complètement déconnectée du coût des services apportés aux patients. Pire, la valeur de la consultation du médecin généraliste constitue l’un des services les moins chers dans ce pays, loin derrière ceux d’autres professions, artisanales par exemple. La valeur des actes du médecin généraliste n’est plus à la hauteur de ses engagements professionnels, en termes de responsabilité, de continuité des soins et d’obligations de mise à niveau de ses connaissances via le DPC.


Après une période de relative accalmie, les caisses d’assurance maladie renouent avec le harcèlement contre les médecins qui « prescriraient trop d’arrêt de travail », renouant avec le délit statistique. Or, dans une période économique aussi dure que celle que nous vivons, les médecins généralistes se trouvent confrontés à une somme de situations particulières et ils sont amenés à jouer le rôle d’amortisseur social auquel l’Etat a renoncé. L’analyse de la patientèle doit être un préalable à toute initiative des caisses. En outre, il n’y a pas de flambée des dépenses d’IJ !
A cela s’ajoute l’inquiétude sur l’application au 1er janvier 2015 de la loi sur l’accessibilité des locaux professionnels aux personnes en situation de handicap. Les modalités d’application retenues avec la mise en œuvre des agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP) va générer des tracasseries administratives supplémentaires pour les médecins généralistes, mais surtout pour la réalisation des travaux de mise aux normes qui n’est pas supportable sans aides publiques et avec un C à 23 euros ! En soi, les généralistes adhèrent, et c’est naturel, aux principes de l’accessibilité universelle. Mais, ce qu’ils voudraient, c’est avoir les moyens de le faire ! Surtout, ce qu’ils ont du mal à comprendre, c’est pourquoi les pouvoirs publics n’ont pas reconnu les visites à domicile comme une solution alternative. Les médecins généralistes ont toujours fait et continueront de faire des visites au domicile de leurs patients handicapés. Cette situation ne serait qu’exaspérante si de lourdes sanctions n’étaient pas à la clé.
Pour clore, les problèmes de financement de l’OGDPC vont conduire à une réduction de l’indemnisation des médecins généralistes pour leurs actions de formation continue obligatoire dans le cadre du DPC. Avec le DPC, les généralistes qui exercent à plus de 90% en secteur 1, ont déjà été spoliés des fonds de la formation conventionnelle qui constituait le contrepartie de leur engagement à pratiquer les tarifs opposables, mais aussi du produit de la taxe sur l’industrie pharmaceutique pourtant destinée à abonder le DPC des médecins libéraux. A présent, on voudrait les spolier de leur indemnisation, voire de leur droit à la formation en limitant l’accès aux formations, selon la logique du « premier arrivé, premier servi ». Le gouvernement actuel a confirmé et aggravé l’obligation de suivre une action de DPC, mais se dédouane de sa responsabilité dans le financement.
Au moment où toutes les études sur le revenu des médecins généralistes démontrent que les charges pesant sur les cabinets médicaux, mais aussi les cotisations sociales ne cessent de croître au point d’absorber la progression des recettes, et notamment une majeure partie du bénéfice de la rémunération sur objectifs de santé publique, d’insupportables tensions apparaissent. Les médecins généralistes libéraux sont désabusés et beaucoup sont tentés de se désinvestir.


2- Un loi Santé qui n’apporte aucune réponse et qui va mettre la médecine générale sous le coupe des ARS et des hôpitaux

Face à ce tableau et aussi pour créer les conditions d’une prise en charge de qualité, fluide et efficace, des patients dont les besoins ont évolué avec le développement de la chronicité et des polypathologies liées au grand âge, les médecins généralistes espéraient une réforme ambitieuse du système de santé assortie de moyens. Le projet de loi de santé les a déçus, mais au-delà du sentiment de ne pas être entendus, ils sont ulcérés d’assister au retour des mesures vexatoires et d’encadrement de la médecine générale libérale qu’ils avaient déjà combattues et repoussées en 2008 et 2009 dans la loi Bachelot.
Il s’agit tout d’abord de la remise en cause de la liberté d’installation via le Service Territorial de Santé au Public, mais aussi de la liberté d’exercice et de la liberté de prescrire encadrées par des ARS dont les pouvoirs deviennent exorbitants. Les ARS, qui pourront procéder au conventionnement individuel des praticiens seront les artisans d’une véritable planification étatique de la médecine libérale au service, non pas des patients, mais des hôpitaux publics ! La convention médicale nationale volera en éclat et les médecins généralistes se retrouveront, comme le voulait Mme Bachelot, à la botte des directeurs d’ARS.
La loi introduit un transfert de tâches et de compétences avec la mise en place d’infirmières cliniciennes. Ce modèle ne peut vivre qu’en milieu hospitalier où les responsabilités sont diluées et, in fine, portées par l’établissement. En revanche, il pose problème aux médecins généralistes libéraux qui se voient peu à peu dépossédés de leurs compétences médicales, dont le diagnostic, au moment où le nombre d’actes diminue. Cette mesure qui n’a jamais été concertée avec le corps médical, doit être supprimée.
Enfin, la future loi va imposer la généralisation du tiers payant. Autrement dit, le gouvernement décide d’abaisser le C à 19,50 € pour répondre aux demandes de MG France ! Même les centres de santé mutualistes disent que le coût de gestion du tiers payant, s’il n’est pas compensé, est insupportable. Il revient à 3,50 € par acte. Pourquoi imposer des charges supplémentaires aux médecins alors que les mesures conventionnelles concernant le tiers payant social fonctionnent ? Les généralistes sont opposés à ce dispositif, dont la faisabilité technique reste à démontrer, qui va leur entraîner une gestion supplémentaire, alors qu’ils croulent déjà sous les tâches administratives et que 2/3 d’entre eux ne disposent pas d’un secrétariat physique. La démonétisation de leurs actes va se traduire par la banalisation de la santé avec pour conséquence l’aggravation de la consommation de soins. L’effet pervers du tiers payant serait aussi de laisser penser que les soins sont gratuits ce qui pourrait encourager la désinvolture de certains qui ont déjà tendance à ne pas venir à leurs rendez-vous. La projection au national d’une étude menée par l’URPS de Franche-Comté avait déjà permis de chiffrer à 28 millions le nombre de consultations non honorées dans le pays. L’UNOF-CSMF est opposée à cette généralisation délétère.
Les seules avancées résident dans l’introduction de la prévention, mais là encore sans moyen, et la trop timide mesure de création d’un numéro national d’appel pour la PDSA. Pourquoi laisser la possibilité d’y accéder aussi par le 15 et maintenir une confusion couteuse entre ce qui relève de l’aide médicale urgente et ce qui relève de la PDSA ?

Au total, l’UNOF-CSMF constate que le projet de loi qui prétendait « révolutionner le premier recours » ne répond en rien aux besoins et aux attentes des généralistes libéraux, mais qu’il prétend, au contraire les encadrer dans une stratégie d’étatisation du système de soins destiné à préserver les hôpitaux publics.
L’UNOF-CSMF s’opposera à ce projet s’il n’est pas revu.


3- Ce que demande et propose l’UNOF-CSMF

La revalorisation de l’acte de base :
La première revendication de l’UNOF-CSMF porte sur la revalorisation de l’acte de base en portant immédiatement le C à 25€ car les 23€ sont dépassés depuis trop longtemps et ne correspondent plus à rien, mais aussi l’application du C2 pour toutes les consultations complexes. Il s’agit de mesures d’urgence, en attendant la mise en œuvre de la CCAM clinique dont le chantier, en jachère, doit être relancé.

L’abandon du délit statistique :
L’UNOF-CSMF, qui est fortement investie dans la défense des médecins généralistes et en fait sa priorité quotidienne sur le terrain, dénonce le retour du harcèlement des caisses, notamment avec la remise en selle du délit statistique pour les arrêts de travail. L’UNOF-CSMF prévient qu’elle sera aux côtés des médecins généralistes les défendre. Ils doivent refuser les Mises sur Objectifs (MSO) et, si besoin, choisir la Mise Sous Accord Préalable (MSAP) : l’expérience montre que les médecins conseils valident la presque totalité des arrêts de travail réalisés par les médecins généralistes poursuivis.

L’exercice coordonné :
Chaque médecin généraliste doit avoir accès aux rémunérations liés à l’exercice coordonné qu’il pratique déjà souvent dans sa pratique quotidienne.
o L’UNOF-CSMF soutient les propositions de l’UNPS pour tous les médecins généralistes qui travaillent en lien avec d’autres professionnels de santé, le tout sous la responsabilité du médecin traitant du patient.

o L’UNOF-CSMF exige le financement de l’exercice coordonné entre les médecins traitants que sont les médecins généralistes et les autres médecins spécialistes. C’est la base de prise en charge coordonnée. Elle est de nature à éviter bon nombre de passages dans les services d’urgence et d’hospitalisations.

o Enfin, les ENMR doivent être pérennisées pour l’ensemble des regroupements de professionnels de santé libéraux qui les perçoivent déjà et pour tous ceux qui sont, ou seront, en mesure de les percevoir. Ces forfaits structures sont indispensables à leur fonctionnement.

L’UNOF-CSMF a élaboré une réflexion autour de l’exercice coordonné entre médecin généraliste et les autres médecins spécialistes.

Voir dans la fiche ci-après le détail des propositions de l’UNOF-CSMF pour l’exercice coordonné.


Contacts presse : Dr Luc DUQUESNEL, Président : 06.85.66.67.19
Dr Béatrice FAZILLEAUD, Secrétaire Générale : 06.82.01.57.08

 
LES PROPOSITIONS DE L’UNOF-CSMF POUR UN EXERCICE COORDONNE ENTRE LES MEDECINS GENERALISTES ET LES AUTRES MEDECINS SPECIALISTES 


1. Organisation du cabinet : Secrétariat médical. Un secrétariat facilite l’organisation du parcours de soins et du parcours de santé des patients et tout particulièrement des personnes âgées et/ou poly pathologiques. Elément s’intégrant facilement dans la ROSP.

2. Ouverture des DMP et mise à jour des données figurant dans le DMP par le médecin traitant. Mise en place immédiate du Volet Médical de Synthèse (VMS).

3. Amélioration de l’accès aux soins en favorisant la prise en charge des soins non programmés :
Valorisation des actes non programmés. Elle doit concerner les actes cliniques et les actes techniques et concerner l’ensemble des spécialités médicales :
Majoration pour acte non programmé
L’extension de la MU existante (Majoration d’urgence nécessitant la sortie du cabinet) aux actes faits au cabinet en situation d’urgence et évitant le recours aux urgences hospitalières et l’hospitalisation.

4. Renforcer l’exercice coordonné entre les médecins généralistes et les autres spécialistes
• par l’application de la MCG (Majoration de coordination du Généraliste) : pour tout adressage avec VMS joint
• par l’application d’une MCG lourde : pour adressage de patients poly pathologiques
• majoration hospitalisation programmée (nécessitant un temps médical et un temps de secrétariat complémentaires)
• santé mentale : des majorations de coordination adaptées aux situations complexes citées ci-dessous :
– demande d’avis spécialisé psychiatrique en ambulatoire, en urgence
– hospitalisations psychiatriques en urgence, à la demande d’un tiers (HDT) ou d’office (HO).