Avec le taux de tuberculose le plus élevé de France, la Seine-Saint-Denis travaille à la prévention de cette maladie depuis une trentaine d’années. Mais la CPAM du 93 a annoncé au Conseil Général la suppression d’une subvention d’1,5 million d’euros. Sans cet argent, les acteurs de terrain ne pourront pas continuer leurs actions de dépistage, et s’alarment des conséquences.

 

Deux fois par semaine, depuis quatre ans, un camion de l’unité mobile de prévention de la tuberculose du Conseil général vient stationner devant le centre de Médecins du monde à Saint-Denis. A son bord, un médecin, un infirmier et tout le matériel nécessaire au dépistage de la tuberculose. Ailleurs dans le département de Seine-Saint-Denis, sept centres départementaux de santé mènent des actions de prévention et offrent un dépistage. Depuis plusieurs années, le département, qui connaît les taux les plus élevés du pays, a fait du dépistage de la tuberculose une priorité en matière de santé.

 

“Eu égard au budget de la Sécurité sociale, c’est peanuts !”

“En quelques années, on est passés de 31/100 000 à 27/100 000 cas. Ces chiffres restent plus élevés qu’ailleurs, mais on est sur une décrue. C’est positif”, explique Géraldine Guillot, du Conseil général de Seine-Saint-Denis.

En 2005, la lutte antituberculeuse a été nationalisée. L’Etat a toutefois proposé aux départements qui le souhaitaient de garder cette prérogative en échange d’une dotation. Engagée depuis 30 ans contre cette maladie, la Seine-Saint-Denis, comme la moitié des départements français, a choisi de garder la compétence et de développer ses actions.

Mais aujourd’hui, voilà que le Conseil général s’inquiète. La CPAM a annoncé en fin d’année dernière la fin d’une subvention annuelle de 1,5 million d’euros. “Eu égard au budget de la Sécurité sociale, c’est peanuts !, souligne Jeanine Rochefort, déléguée régionale de Médecins du monde pour l’Ile-de-France. Mais eu égard au budget du Conseil général, dans le cadre de la lutte anti tuberculeuse, c’est énorme ! Ça représente la moitié des frais de fonctionnement de la lutte contre les maladies infectieuses.”

Un manque de financement qui vient clairement remettre en cause le choix du Conseil général de garder la lutte antituberculeuse au rang de ses missions. A l’Etat, dans ce cas, de reprendre la main. Une option qui alarme les acteurs de terrain. “Bien sûr, on peut imaginer que l’Etat fasse le travail, mais l’Etat n’a pas la finesse de la connaissance du territoire. Alors que le département a développé une véritable expertise dans la lutte antituberculeuse. Tant qu’à payer un prestataire pour assurer la mission, pourquoi ne pas continuer à payer le Conseil général ? Ce travail ne s’apprend pas du jour au lendemain”, s’inquiète Jeanine Rochefort.

 

6000 dépistages par an

Un vrai retour en arrière pour cette responsable du centre de soins MDM de La Plaine St-Denis, qui se réjouit du partenariat mis en place depuis quatre ans avec le Conseil général. Cette collaboration permet de mener des actions de dépistage efficaces auprès des grands exclus, très éloignés du soin. “Nous, on fournit les patients. On propose systématiquement une radio pulmonaire aux personnes qui viennent nous voir. Et s’ils le souhaitent, le camion est là, devant la porte, dans un lieu qu’ils connaissent, où ils se sentent en confiance”, explique le médecin.

En quatre ans, une quarantaine de cas de tuberculose ont ainsi pu être diagnostiqués et quelque 4 000 dépistages organisés. Un chiffre qui grimpe à 6 000 dépistages par an, si l’on ajoute les actions entreprises en foyers de travailleurs ou dans les écoles. “Si nous ne dépistons plus ces patients, c’est un vrai problème de santé publique ! La tuberculose est quand même une maladie à haute contagiosité, rappelle Jeanine Rochefort. La tuberculose, c’est bien sûr une maladie grave, mais avec six mois de traitement bien conduit, la personne est guérie. Une tuberculose insuffisamment traitée, c’est le développement de bacilles résistants. Et là, ce n’est pas six mois de traitement mais des soins très chers et très lourds. Et ce million et demi de subvention en moins, on va le retrouver… en dépenses ! Plus vite les gens sont soignés, moins ça coûte cher. Mais en France, personne ne prend ça en compte.”

 

Du côté des pouvoirs publics, “silence radio”

De leur côté, les acteurs administratifs ne semblent pas s’émouvoir de la situation. Voilà plus de huit mois que le Conseil général tente de sensibiliser les pouvoirs publics. “En mai dernier déjà, j’ai alerté la ministre de la Santé Marisol Touraine pour lui dire que cette situation était inacceptable, mais depuis c’est silence radio”, explique Stéphane Troussel, directeur du Conseil général de Seine-Saint-Denis.

Et il aura fallu un peu de bruit dans la presse pour que le directeur de l’Agence régionale de santé d’lle-de-France, Claude Evin, consente à faire figurer le sujet à l’ordre du jour d’une réunion prévue de longue date avec le directeur du Conseil général. “On est ravis qu’il ait dit que cette question serait traitée, même si la réunion est prévue pour octobre et qu’on s’inquiète du problème depuis décembre dernier, nuance Géraldine Guillot. Ça nous parait un peu loin d’attendre octobre, après tous ces mois d’interpellation sans retour. C’est maintenant qu’il faudrait trouver une solution.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier