Médecins indignés – Dermatologue hospitalier à la retraite, passionné d’histoire de la médecine, le Dr Daniel Wallach a publié en 2011 un livre intitulé Numerus clausus, pourquoi la France va manquer de médecins (éditions Springer). Il revient sur le concept du numerus clausus et nous explique pourquoi cela ne devrait pas exister.

 

Je ne suis militant d’aucune structure syndicale. Mon approche est plus celle d’un historien. Je me suis intéressé de près à l’histoire de la médecine. Je raconte dans mon livre l’histoire du numerus clausus.

Pendant une trentaine d’année, et cela se poursuit d’ailleurs, il y a eu une planification de la pénurie médicale qui a pris essentiellement la forme d’un numerus clausus de plus en plus sévère. A posteriori, tout cela était monstrueusement faux. Cela correspondait à une stratégie syndicale visant à ce qu’il y ait le moins de médecins possible dans le but d’augmenter, ou du moins de maintenir, les revenus des praticiens. Depuis toujours les médecins trouvent qu’il y a trop de médecins.

 

Crainte de la pléthore médicale

Deux grands arguments ont été mis en avant pour justifier le numerus clausus. Le premier consistait à dire qu’il faut maîtriser les dépenses de santé en agissant sur l’offre avec l’idée : moins il y aura de médecins, moins il y aura de dépenses, ce qui est complétement faux. Ce raisonnement a pourtant été très bien accepté des années 1980 aux années 2000. Les dépenses de santé ont continué à augmenter de manière indifférente au nombre de médecins.

Le second argument était basé sur la crainte de la pléthore médicale. En 1971, il y avait en France 62 000 médecins dont 38 000 généralistes. 25 000 étudiants se sont inscrits en PCEM 1 à la rentrée 1971. Les gens qui regardait cela se disaient “c’est terrible, on court au drame, il faut absolument maîtriser la démographie médicale”. Cela a été le début du numerus clausus. Les syndicats médicaux avaient cette crainte permanente de la pléthore médicale entraînant un chômage des médecins et une paupérisation de la profession. Leur hantise était la “fin de la médecine libérale”.

Face à ces deux arguments, il n’y avait pas grand monde. Ces deux idées étaient donc majoritaires. Je pense au contraire que la notion de planification du nombre de médecins est parfaitement stupide. La ministre de la santé doit non seulement fixer tous les ans le nombre de médecins qu’il y aura dans 15 ans, mais aussi le nombre de spécialistes par filières. Le chiffre que l’on donne est complétement idiot. On ne peut pas savoir combien il faudra d’anesthésistes en Languedoc-Roussillon dans 15 ans ! Plutôt que de laisser faire les choses naturellement, comme cela s’est fait jusqu’en 1970, on invente un chiffre. Le numerus clausus est une utopie complète qui a totalement échoué.

 

Le nombre de médecins est lié au budget dont on dispose pour les payer

Dire également que le nombre de médecins doit être fixé en fonction des besoins de la population est aussi une idée fausse. Le nombre de médecins est lié au budget dont on dispose pour les payer. Le roi d’Arabie Saoudite a cinq médecins personnels. Au contraire, il y a plus de médecins haïtiens à New York qu’en Haïti. Dans un pays comme la France, c’est pareil. Le nombre de médecins dépend du budget que l’on décide de consacrer à la santé.

Il y a aussi le problème de détournement du numerus clausus en passant par les filières étrangères. C’est une perversion directe de la planification de la pénurie. Cela est la preuve que le numerus clausus est un échec.

Il faut renoncer à l’idée que l’administration peut planifier le nombre de médecin. C’est totalement utopique. Il faut garder la dimension universitaire et non administrative des facultés de médecine. Il faut prendre les bons étudiants et non un certain nombre, bien que je ne dise pas qu’il faille prendre tout le monde.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin