Cet été, Egora dresse les portraits de médecins hors du commun. Sportifs, artistes, musiciens… ils mènent de front leur carrière et leur passion. Aujourd’hui rencontre avec Romain Loursac. A 28 ans, cet interne en médecine générale est aussi depuis 2006 l’un des joueurs principaux du Lou Rugby. Son temps, il le passe à courir du terrain à l’hôpital, laissant peu de place pour les loisirs. Mais il adore ça.

 

Pour la plupart des étudiants en médecine, l’internat ce sont des gardes interminables, des heures le nez dans les bouquins et très peu de temps pour les loisirs. Romain Loursac, lui, a fait très fort avec le rugby : plus qu’un hobby, il en a fait une (seconde) carrière. Alors qu’il termine sa 3eme année d’internat, il est aussi arrière au Lou, l’équipe de rugby lyonnaise qui vient de monter en Top 14. Médecin et sportif de haut niveau, ça en jette ! “J’ai surtout eu la chance que des gens m’aident”, confie-t-il modestement.

Cet originaire de Valence a commencé le rugby très jeune, “vers 5 ans”. Pourtant, enfant il se rêve déjà médecin. “J’aimais le rugby, mais, à cette époque il n’y avait pas de professionnels. Donc en tant qu’enfant on ne rêvait pas d’en faire un métier. Maintenant c’est différent.” A 17 ans, le bac en poche, il s’installe à Paris pour faire une première année de médecine. Naturellement, il contacte le Lou pour y jouer en amateur dans l’équipe jeune. “Je voulais souffler un peu à côté des études.”

Mais alors qu’il vient d’entrer en 3ème année de médecine, un joueur de l’équipe professionnelle se blesse et doit s’éloigner du terrain. Pour le remplacer, les entraineurs veulent recruter Romain. “La troisième année, c’est la plus facile en médecine. Il y a beaucoup de cours théoriques, donc cela n’a pas posé problème.” L’externe a quand même eu le droit à un petit aménagement de la part du club. Alors que ses coéquipiers n’ont qu’un jour par semaine de repos, lui en a deux… pour pouvoir travailler. “Je faisais mes stages en garde, cela me permettait de faire 24 heures d’un coup.” L’affaire était pliée.

Tout se complique au moment de passer les ECN. Le rugbyman aimerait se spécialiser en orthopédie ou en médecine du sport. “C’était vraiment les seules choses qui me plaisaient en médecine.” Pourtant, il doit renoncer à l’orthopédie, l’internat en chirurgie est difficilement compatible avec le sport professionnel. Il vise donc la médecine générale pour ensuite rejoindre la médecine du sport, et pouvoir, idéalement travailler auprès d’une équipe professionnelle. “C’est sûr que la médecine générale n’est pas la spécialité la plus demandée, mais il a quand même fallu se motiver pour travailler après les matchs ou les entrainements.” Pour ça, il a pu compter sur l’aide de sa petite amie, étudiante en médecine également. Une recette qui a payé, Romain obtient son internat en médecine générale à Lyon.

C’est alors que commence le parcours du combattant pour trouver le moyen de continuer le rugby. “Ça a été l’enfer, reconnait-il. Mais je n’ai jamais eu vraiment peur de devoir arrêter le rugby. Finalement, j’ai eu la chance que, du côté de la fac, comme du club, on a été sensible à ma problématique.” Les doyens des facs de Lyon-est et Lyon-sud lui ont concocté un programme aménagé sur mesure, avec la possibilité de passer ses semestres en un an. “C’est très rare d’obtenir un tel aménagement, avoue Romain Loursac, encore plus pour pratiquer un sport. J’ai conscience d’avoir un statut privilégié, surtout quand on sait qu’en internat les filles qui tombent enceintes galèrent pour récupérer des semestres.” Il avait néanmoins un impératif : ne pas prendre la place d’un collègue et ne pas avoir de passe-droit. Finalement, l’hôpital lui a trouvé un poste en sureffectif. “Comme ça, quand je suis là, ça permet aux collègues de prendre des congés ou de souffler, et quand je suis absent, le service tourne normalement.”

Cela fait maintenant trois ans, qu’il jongle comme ça avec le temps, en devant néanmoins faire l’impasse sur quelques entrainements. Mais pas question pour le Lou de se passer de ce joueur qui occupe désormais une place indéniable dans l’équipe.”Le club est compréhensif. Et les joueurs de l’équipe aussi, pour 90% d’entre eux. Pour certains, c’est vrai que j’ai le droit parfois à quelques réflexion, pas forcément méchantes, mais ils comprennent moins que je sois si souvent absent.”

En tout cas, l’interne, qui doit encore tenir 2 ans et demi avant d’être diplômé ne regrette pas du tout ces quelques complications. “S’il avait fallu faire un choix, c’est évident que j’aurais choisi la médecine. Mais je n’en suis jamais arrivé là. Et je suis très heureux de réussir à tout concilier”. Même s’il a bien sûr quelques désavantages.”J’ai été pas mal blessé ces derniers temps, le fait que j’ai moins de temps de récupération a dû jouer, c’est sur.”

Et puis à force d’être partout à la fois, certains ont souvent l’impression qu’il n’est jamais nulle part. “C’est vrai qu’au club, comme à l’hôpital on me dit souvent ‘t’es jamais là’, mais moi, j’ai l’impression de ne jamais avoir le temps.” Peu pour les loisirs, encore moins pour les vacances. Quant à la fameuse troisième mi-temps, le joueur doit faire l’impasse. Après les matchs, pour lui, c’est repos avant… une nouvelle garde. Un rythme que, pourtant, il ne changerait pour rien au monde. Il vient d’ailleurs de signer au Lou rugby pour les deux prochaines années.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu