L’enquête aura duré 16 ans… Pourtant aucun responsable n’a pu être condamné dans ce qui reste l’un des plus grands scandales sanitaires de ces 20 dernières années. Lundi, faute de preuves, le parquet a requis un non-lieu général dans l’affaire de la vache folle. Retour sur une crise sans précédent.

 

A la fin des années 90, la crise de la vache folle a totalement chamboulé l’industrie bovine européenne. Les journaux télévisés, les images choquantes tournaient en boucle : des animaux qui ne peuvent plus marcher, des cheptels entiers abattus et des vies brisées par la maladie de Creutzfeldt-Jakob… Le scandale est sans précédent.

 

Les cas se multiplient

Si l’affaire éclate publiquement en 1996, c’est en 1986 qu’apparaissent, en Grande-Bretagne, les premiers cas de maladie de la vache folle ou, plus précisément, d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), une infection dégénérative du système nerveux central. Il faudra un an pour établir un lien avec l’utilisation de farines animales obtenues à partir des morceaux non consommés de carcasses bovines et de cadavres d’animaux.

La Communauté européenne décide, en 1989, d’interdire l’importation de bovins britanniques, potentiellement touchés. Et, dans le même temps, la France interdit l’importation des farines animales provenant du Royaume Uni d’abord, puis en interdit totalement son utilisation pour nourrir les cheptels. Mais, en 1991, un premier cas est découvert en Bretagne. Tout le troupeau est abattu.

L’affaire prend alors un tout autre tournant en 1996. En Grande-Bretagne, les cas de vaches folles se multiplient et la France décrète un embargo sur les viandes bovines venant de Grande-Bretagne. Des dizaines de milliers de bêtes sont abattues. Désormais, toute viande vendue sur le territoire français doit être identifiée et les consommateurs doivent être informés de sa provenance. Car, un nouvel élément effraie les autorités sanitaires. Selon certains médecins, l’ESB peut se transmettre à l’Homme, sous la forme d’une maladie neurodégénérative, une nouvelle variante de la maladie de Creuzfeldt-Jakob, du nom de deux neurologues qui l’avaient décrite dans les années 20.

 

L’opinion publique est à cran

L’association de consommateurs, UFC Que Choisir s’empare de l’affaire et mène des investigations titanesques. Elle assure que l’épizootie commence à arriver en France et porte plainte pour “tromperie sur la qualité substantielle d’un produit” et “falsification”. Elle sera rejointe par les familles des deux premières victimes décédées de la maladie de Creuzfeld-Jakob : Laurence Duhamel, 36 ans, et Arnaud Eboli, 19 ans.

Désormais l’opinion publique est à cran. Les médias ne parlent que de ça. Qui sont les coupables ? Que faire pour arrêter le massacre ? L’affaire prend un tournant politique.

En 1998, le pôle santé publique de Paris ouvre donc une information judiciaire pour tromperie et propagation volontaire d’une épizootie… C’est le début de l’enquête. Très vite les gendarmes ciblent 65 bovins morts. Ils remontent toute la filière alimentaire, pour trouver l’origine du décès. En fait, les enquêteurs cherchent des producteurs d’aliments pour bétail ayant importé des farines animales britanniques. 130 producteurs sont passés au crible. Un travail colossal qui fera ressortir trois “supects” : les coopératives agricoles d’Ucanor à Fougères (Ille-et-Vilaine) et à Argentan (Orne) et Alimex à Marchezais (Eure-et-Loire). Des perquisitions sont menées dans les usines, et permettent de déceler de très faibles quantités de farines animales dont l’origine semble douteuse. La justice décide, en 2000, de mettre quatre dirigeants en examen. Elle offre ainsi à l’opinion publique les tout premiers responsables du scandale français de la vache folle.

Seulement l’enquête n’est pas terminée. Elle doit désormais prouver que les poudres retrouvées viennent d’un lot britannique infecté et qu’il y a bien un lien entre la mort d’une bête et ce lot en particulier. Une mission quasi-impossible. A l’époque aucune loi stricte n’impose la traçabilité des produits. En 2005, la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy demande à un spécialiste vétérinaire d’enquêter et de mener une expertise judiciaire. Il conclut, cinq ans plus tard, qu’il est presque impossible de prouver les origines de la contamination des animaux morts.

 

Un 27e cas en 2012

Pendant ce temps, en 2012, un 27e cas du variant de la maladie de Creutzfeld-Jakob est répertorié en France. Le pôle santé, n’a d’autre alternative que d’arrêter l’instruction. Le parquet de Paris est saisi, il n’a pas le choix et requiert le non-lieu général. Fin de l’affaire.

Un épilogue au goût amer pour l’UFC Que Choisir qui dénonce “un retard à l’allumage” de la part des pouvoirs publics, qui ont pris trop tard des mesures restrictives sur les importations et qui ont tardé à mener l’enquête. Néanmoins, reconnait l’association, ce scandale aura permis d’imposer en France des règles de traçabilité et d’information sur l’origine des viandes. Des réglementations censées protéger les Français d’un nouveau scandale alimentaire de ce genre. Il y a deux ans, pourtant, une affaire de lasagnes de bœuf surgelées semblait leur donner tort.

 

Vidéo INA : en 1990, des images de troupeaux atteints de la maladie de la vache folle
font la une des journaux télévisés.

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

[Avec l’AFP, Lejdd.fr, Le Parisien, Quechoisir.org et vie-publique.fr]