Que reste-t-il de la maîtrise médicalisée théorisée par la loi du 13 août 2004, puis mise en pratique pour la première fois par la convention 2005 ? Pratiquement plus rien, constate-t-on à l’UNOF-CSMF, après que le dernier plan de rigueur, imputant 10 milliards d’euros d’économies sur trois ans à l’assurance maladie, a arasé de 0,1 point par an l’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM), le faisant passer de + 2,4 % en 2014 à + 2,1 % l’an prochain, + 2 % en 2016 et + 1,9 % en 2017.

Un coup de rabot plus inspiré par les ordinateurs de Bercy, œuvrant pour que notre pays sorte de la ligne de mire de l’Union européenne en résorbant son déficit public, que par l’évaluation des besoins de la population et des professions de santé. Un goût de maîtrise comptable ? Difficile de dire le contraire, lorsqu’à l’image de ce qui s’est passé l’an dernier et va se reproduire cette année, on constate que les sommes non dépensées sur l’ONDAM grâce à la mobilisation de la médecine libérale, ne seront pas partiellement redistribuées sous forme de bonus d’honoraires, comme le préconise la doxa de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et les conventions 2005 et 2011, mais bel et bien défalquées de l’ONDAM de l’année suivante, qui est rebasé.

“A l’origine, il s’agissait d’un contrat gagnant-gagnant, relate le Dr Luc Duquesnel, le président de l’UNOF-CSMF. Si l’on parvenait à atteindre les objectifs fixés par la convention, on pouvait percevoir une partie des sommes non dépensées sous forme de bonus d’honoraires. Désormais, c’est tout perdant puisque les efforts accomplis sont pénalisants pour les médecins : l’ONDAM de l’année suivante est calculé sur le réalisé de l’année et les plus vertueux d’entre eux sont encore plus sanctionnés !”. Les négociateurs conventionnels le confient en soupirant : avec cette méthode, il n’y a plus de marges de manœuvre pour les revalorisations tarifaires. Or, “les médecins qui exercent en secteur 1 sont dans une incompréhension totale car la valeur actuelle du C ne correspond plus à rien, plus au contenu de la consultation, plus au coût de la vie et à l’accroissement régulier des charges”, ajoute Luc Duquesnel qui milite pour le C à 25 euros, au plus vite.

Or, la belle idée de la maîtrise médicalisée de 2004, concrétisée par la convention 2005 qui a entraîné derrière elle immédiatement la CSMF, tant elle tournait le dos à la brutalité de la maîtrise comptable, repose sur un trépied : la responsabilisation de l’assuré social, par le biais de la désignation d’un médecin traitant, le parcours de soins coordonné et (feu) le dossier médical personnel ; puis la responsabilisation des offreurs de soins et notamment les médecins (optimisation, référentiels de bonne pratique, recommandations, désignation des objectifs quantifiés de maîtrise à atteindre par les partenaires conventionnels, reportés dans la loi de financement de l’assurance maladie, suivi en commissions paritaires nationale, régionales et locales). Et enfin, responsabilisation de l’assurance maladie, qui doit informer les patients, accompagner et contrôler les professionnels de santé et les établissements de santé.

Toujours dans le cadre conventionnel, la maîtrise médicalisée et son système” gagnant-gagnant” repose normalement sur une contrepartie financière lorsque les objectifs de prescription sont atteints. Les partenaires conventionnels, syndicats médicaux et assurance maladie, doivent se retrouver le 15 décembre, pour effectuer un bilan de l’année écoulée et élaborer une feuille de route pour l’année à venir. Ces dispositions font l’objet d’un avenant “qui pourra également prévoir les modalités selon lesquelles une partie des dépenses effectivement évitées pourra être utilisée pour valoriser la rémunération des actes médicaux”.

En 2011 par exemple, année de la revalorisation du C, l’objectif d’économies fixé à 550 millions d’euros, a été réalisé à 111 %, avec 612 millions d’euros d’économies (mais seulement à 85 % en 2010), 2013 a dégagé un fort excédent (800 millions d’euros), qui dépassera le milliard en 2014. Mais ce bonus a été versé dans le puit sans fond de la résorption des déficits, l’ONDAM a été rebasé et les médecins n’ont que leurs yeux pour pleurer. En contrepartie, les généralistes – mais pas tous les médecins – ont gagné la ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique) qui, pour le Dr. Duquesnel, répond aux efforts d’aménagement des cabinets médicaux et récompense des tâches de santé publique à l’échelle de la patientèle. La ROSP ne peut se substituer aux revalorisations d’honoraires, ajoute-t-il.

Demain ? La profession est entrée dans une zone d’austérité. Et les projets gouvernementaux inquiètent l’UNOF-CSMF, notamment le chantier de la “rénovation de la vie conventionnelle” annoncée par Marisol Touraine dans le cadre de la loi santé. Pour le Président de l’UNOF-CSMF, cela pourrait bien représenter pour le gouvernement le moyen de réduire la portée des conventions mono-professionnelles et donc de l’assurance maladie, pour en donner plus aux ARS, bras armé de l’Etat, à qui échoueraient la possibilité de contractualiser avec des regroupements de professionnels de santé ou même des individus alors que “la convention est protectrice pour les médecins”. Que devient, dans ce contexte, la revalorisation des honoraires ?

A n’en pas douter, la bataille qui s’ouvre autour de la loi santé ne sera pas une promenade de santé !