La prescription de médicaments génériques recule : leur part de marché a décru de 1 % en volume au 1er trimestre 2014, selon le GEMME (Génériques même médicaments), l’organisation qui représente le secteur. Ce coup d’arrêt est d’autant plus étonnant qu’il intervient après une très bonne année 2013 due au dispositif “tiers payant contre générique”. Or, comment réagit la direction de la CNAM ? En annonçant que les services de la médecine conseil allaient initier un suivi des médecins qui apposent systématiquement la mention NS sur leurs ordonnances.

 

Pister, identifier et sanctionner financièrement au final, à l’issue de la procédure contradictoire ad hoc. Aujourd’hui, le taux de générique dépasse 82 %, et les pharmaciens viennent de s’engager à atteindre un taux de 85 %, conventionnellement. Or, Frédéric van Roekeghem, le directeur de la CNAM en convenait en 2012, il y a moins de 5 % d’ordonnances portant la mention NS, et tout le reste (95 %) est substituable.

Après la publication d’un pourcentage de 22 % d’ordonnances portant la mention NS, issu d’un sondage BVA diligenté sur 200 prescripteurs pour le GEMME – un chiffre qui en avait surpris plus d’un – la CNAM avait voulu produire ses propres statistiques, issues d’une enquête nationale menée sur un an à partir des CPAM et portant sur 20 000 ordonnances analysées après tirage au sort aléatoire, dont 12 000 comportaient un médicament du répertoire des génériques (les ordonnances de renouvellement ont été exclues). La proportion de 5 % de NS avait été jugée à l’époque très minime, au point que Frédéric Van Roekeghem avait laissé de côté son intention de “traduire devant l’Ordre” les praticiens qui utilisaient systématiquement la mention NS, en dehors de toute justification médicale.

 

Environ 500 médecins concernés

Mais aujourd’hui, l’heure n’est plus à la tolérance. Plus du tout. Ces médecins seraient environ 500 devait préciser le directeur à l’AFP, et leur attitude génèrerait une ardoise de 100 millions d’euros, pour l’assurance maladie. Il s’agit donc d’un nouvel épisode dans la chasse au NS, mais la menace semble aujourd’hui plus crédible puisqu’elle se situe dans le contexte du plan de rigueur de 10 milliards d’euros en trois ans, imposé à l’assurance maladie par le gouvernement Valls.

Pour le directeur général, il s’agit d’envoyer “un signal” sans ambiguïté aux réfractaires de la substitution. Pour rappel : un point de substitution égale 15 million d’euros d’économies. Le recours aux médicaments génériques a entraîné plus d’1,4 milliard d’euros d’économies en 2011, et constitue, soulignait Frédéric Van Roekeghem à l’époque, “l’un des enjeux majeurs de l’assurance maladie pour l’équilibre des dépenses de santé”.

Le mois dernier, cette déclaration d’ouverture de procédures de suivi d’ici la fin de l’année à l’encontre des utilisateurs abusifs de ladite mention, avait suscité un véritable tollé dans la profession. Car, souligne la CSMF, l’usage de la mention ‘non substituable’ constitue un droit fondamental et est réservé à des cas “exceptionnels, dans l’intérêt du patient compte tenu de son état de santé et pour certains produits comme par exemple les médicaments antirejets, les antiépileptiques ou les antithyroïdiens pour des raisons très spécifiques et de dosage, mais aussi en cas de réaction inattendue du patient à un produit génériqué”.

Le Dr Luc Duquesnel, président de l’UNOF, la branche généraliste de la centrale, reprend cet argumentaire, en soulignant que “la vraie vie sur le terrain” c’est d’avoir en face de soi, un patient qui refuse le générique “au motif qu’il génère des effets secondaires”.

 

“Le doute doit bénéficier au patient”

Une demande qu’il faut bien prendre en compte après avoir mis en place une fenêtre thérapeutique – alternance princeps, générique – permettant de constater l’apparition ou non d’effets secondaires sous générique. “Mais de toutes manières, le doute doit bénéficier au patient. Car sinon, il change de médecin”, expose le Dr. Duquesnel.

Mais il y a aussi des médecins “qui sont dans une posture, et s’opposent aux génériques par principe”. Pour le président de l’UNOF, “on a le droit d’avoir un doute, et il faut aussi écouter les gens qui sont dans une posture, tout comme les opposants aux vaccins”. Or, ce qu’annonce vouloir faire le directeur de la CNAM, compare-t-il, c’est mettre tout le monde dans le même panier, “comme pour les dépassements d’honoraires”.

Toujours très énervé contre les velléités sanctionnantes de la caisse nationale, l’UFML (Union française pour une médecine libre), l’association du Dr Jérôme Marty, s’est tout de suite élevée contre la perte progressive de liberté de prescription des médecins, après que le GEMME a protesté en avril dernier, contre la liberté laissée aux prescripteurs (qui doivent depuis 2012 écrire la mention à la main devant la ligne concernée, sur les ordonnances), de substituer ou pas. Et surtout, a souhaité que ces derniers puissent faire l’objet de sanctions financières en cas d’abus, par le biais de leur rémunération annuelle ROSP (rémunération sur objectif de santé publique)… “Les indicateurs de la ROSP pourraient donc devenir des outils de sanction (…) Nous dénonçons la destruction de la médecine responsable et individualisée où le médecin prescrit en toute conscience, au bénéfice d’une médecine caporalisé”, s’enflamme Jérôme Marty.

A l’autre bout de l’échiquier syndical, il ne peut qu’être suivi par Union Généraliste, la branche généraliste de la FMF, qui n’a eu de cesse de s’élever l’an passé, à la suite de l’affaire des pilules contraceptives de 3ème génération, contre les “travaux d’écriture” imposés par l’Agence nationale du médicament (ANSM), en mars dernier, aux médecins qui voulaient continuer de la prescrire. “Pour une fois, si cette ineptie devait persister, le passage à l’imprimante couleur pour imprimer le magnifique scanner de phrase écrite à la main par le docteur deviendrait incontournable chez ceux qui tiennent à continuer de prescrire des 3ème générations !”, écrivait alors dans UG Zapping, le Dr Claude Bronner, qui s’est violemment élevé depuis deux ans contre cette obligation graphique.

Quant à MG France, syndicat qui s’est souvent posé en bon élève de la substitution, il pointe la responsabilité de la prescription hospitalière, il est vrai exempte de tout encadrement réglementaire à cet égard. “Le gouvernement veut faire des économies sur les médicaments, mais sur toutes les ordonnances des médecins hospitaliers, on retrouve en permanence le mot “non-substituable”, regrette le Dr Leicher, président du syndicat. On pourrait faire des économies considérables mais le ministère ne met rien en place”. Pour parvenir à faire des économies et avoir davantage recours aux génériques, il suggère par exemple de confier aux médecins traitants, la rédaction des ordonnances de sortie d’hospitalisation.

 

Sans NS, la CPAM 92 économiserait 3,8 millions

Mais pour l’heure, les médecins traitants sont dans le collimateur des caisses. Histoire de donner le bon exemple, la CPAM des Hauts de Seine vient de publier un communiqué, annonçant que les médicaments génériques avaient permis de réaliser une économie de 26 millions d’euros dans le département en 2013. Et qu’elle avait sous le coude un potentiel supplémentaire de 3,8 millions d’euros, lié à l’utilisation qu’elle juge infondée, de la mention NS. “Seulement 41,8 % des boîtes de médicaments sont généricables. Et lorsque le générique existe, il est délivré dans 8 cas sur 10, ce qui a permis de générer une économie de 26 millions d’euros dans le département. (…) La prescription du médicament de marque doit être réservée à des cas exceptionnels, décidés en fonction de l’état de santé du patient” insiste la CPAM. Ses services font état d’une statistique, montrant que la “volonté de non substituer” concernerait environ 1 boîte de médicament sur 10. “Cela représente 3,8 millions d’euros d’économie qui pourraient être réalisée en plus, à l’échelle d’un seul département, pour sauvegarder notre système de protection sociale”, fait valoir la caisse primaire. Voilà les prescripteurs prévenus.

Et d’emblée, le président de l’UNOF annonce quelques épisodes hauts en couleurs si d’aventure, Frédéric Van Roeckehgem passait de l’intention à l’action, et que les pénalités effectives commençaient à pleuvoir. “On va s’amuser, on va faire monter les patients pour nous soutenir…” prédit-il. Idéal, pour épicer la campagne électorale pour les élections aux unions professionnelles, dès l’automne…

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne