L’arrivée du low cost dans le dentaire bouscule. Ordres et syndicats s’inquiètent. Les principaux acteurs, eux, s’estiment, eux, victimes de harcèlement.

 

Paris, Lyon, Marseille, Lille, Colombes… En France, une dizaine de cabinets dentaires low cost proposent aujourd’hui des couronnes et implants, peu ou pas du tout remboursés par la Sécurité sociale, à des prix 40% moins chers que les tarifs pratiqués en général. La méthode adoptée par ces enseignes low cost – Dentexia, Addentis, DentisFree… – pour baisser les prix repose sur une hyper-rationalisation de l’organisation de la prise en charge, dans laquelle les dentistes sont souvent salariés et secondés par une kyrielle d’assistants. L’objectif affiché : concentrer le maximum d’actes en une intervention, et pour le dentiste, dégager le plus de temps possible pour qu’il le consacre à son art… Le processus permet mécaniquement d’augmenter la file active des patients rencontrés… et donc les entrées d’argent. Ce qui autorise in fine la baisse des prix de vente. Dans le monde des affaires, on appelle cela un marché de commodités : beaucoup de volume, peu de marge. Une méthode décriée par les représentants des professionnels de santé : ordres et syndicats s’insurgent de cette introduction d’une logique marchande dans la santé.

 

Selection des patients les plus rentables

“Pour les cabinets de ville, c’est une concurrence déloyale. Des libéraux arrivent également, en se réorganisant, à proposer des prix plus bas. Mais eux ne disposent pas des outils de communication – site Internet, campagnes de presse – des centres low cost”, déplore Dr Catherine Mojaïsky, présidente du Confédération nationale des chirurgiens-dentistes (Cncd). Les tarifs des soins de base n’ont pas été revalorisés depuis des années : 28,92 euros le détartrage, 16,87 euros pour une carie simple… “Ces actes, qui représentent jusqu’à 70 % de l’activité des chirurgiens-dentistes, n’ont pas été revalorisés depuis des années. En l’état, ils ne permettent plus depuis longtemps aux praticiens d’équilibrer leur activité”, souligne le Dr Mojaïsky.

La conséquence directe est que les professionnels libéraux, comme les centres mutualistes, comptent sur les soins prothétiques, les couronnes et les implants, dits à honoraires libres, pour maintenir leurs cabinets à flot. Dans ce contexte, la concurrence du low cost fait très peur. Surtout qu’à en croire des conseillers ordinaux les dentistes “à bas prix” ne respecteraient pas toujours la règle du jeu en sélectionnant leurs patients : ne seraient pris en charge que les plus rentables, au détriment de ceux qui relèvent d’actes dits à tarifs opposables. “En termes de santé publique, cela pose de vraies questions”, avance le Dr Couzinou, président du Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes.

Des soupçons réfutés par Pascal Steichen, patron de Dentexia, pionnier – et leader – du low cost dentaire. L’homme d’affaires s’estime victime de harcèlement. “Nos méthodes prouvent que l’on peut prendre en charge tous les patients et arriver à faire aussi bien et moins cher sur les implants et les couronnes. Forcément, cela dérange. On fait circuler sur nous les pires rumeurs : ventes forcées, surtraitement…!”

 

“Si le low cost existe, c’est que cela répond à un besoin”,

En région Rhône-Alpes où Dentexia a ouvert plusieurs centres, l’agence régionale de santé explique, via son service de communication, n’avoir à ce jour reçu aucune plainte de patients… ni contrôlé aucun centre dentaire. Et à l’UFC-Que choisir, on assure n’avoir été interpellé par aucun patient-consommateur mécontent. Même son de cloche au sein du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) où Marc Paris, porte-parole de l’organisation de patients, avance de son côté l’idée d’un label qualité. “Si le low cost existe, c’est que cela répond à un besoin”, analyse Jean-Marc Lecomte, directeur de la branche dentaire du Réseau national des centres de santé mutualistes.

Un sondage réalisé en 2012 par Santé Magazine a de fait révélé qu’un Français sur cinq avait réduit ses dépenses de santé. Parmi eux, 42 % avaient renoncé à des soins dentaires. “On assiste sûrement à un changement de modèle, dans lequel l’exercice libéral solitaire ne sera plus la norme. Mais le low cost interroge également les modèles d’efficience des organisations, poursuit le cadre mutualiste, à trop penser gestionnaire, ne risque-t-on pas d’oublier les intérêts des praticiens et surtout des patients ?”

 

Santé Low cost : le prix bas, jusqu’à quel prix ?

À l’heure où la question de la réduction des dépenses publiques est au coeur des débats politiques, l’essor du low cost dans le secteur de la santé interroge. Souvent portés par des hommes d’affaires rompus au management, les centres de santé à bas prix inquiètent. Notre dossier.

Ophtalmologie : prix doux et prise de rendez-vous express
Depuis deux ans, des centres ophtalmologiques proposent des rendez-vous rapides… et sans dépassement d’honoraires. Retour sur un modèle de prise en charge qui fait grogner une partie de la profession… et affluer les patients.

Pharmacie : des pros de la grande distribution aux commandes
Pour casser les prix, des réseaux de pharmacie s’inspirent des méthodes de la grande distribution. Les patients adhèrent. Mais qu’en pense la profession ?

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin