En 1961, Adila Kotoskaya est médecin l’institut de médecine aéronautique de Moscou. C’est alors qu’elle doit travailler sur un projet très spécial et top secret : la mission Vostok qui doit envoyer le premier homme dans l’espace. 53 ans après, elle raconte les coulisses de cette opération historique.

 

“Un nouveau sujet unique”

En 1955, Adila Kotoskaya est un jeune médecin qui vient de terminer sa thèse… sur les chiens. C’est alors qu’elle reçoit une offre d’emploi inattendue de l’institut de médecine aéronautique de Moscou. “Et pourquoi m’avait-on proposé de travailler dans cet institut ?, se souvient-elle dans une interview publiée dans le bulletin électronique de l’ambassade de France en Russie. Tout d’abord parce que j’ai effectué ma thèse sur les chiens, que je suis docteur en médecine, mais également parce j’étais déjà mariée et mère, j’étais donc libre pour travailler. J’ai accepté et je suis alors devenue chercheuse sous la direction d’un grand homme : Sergeï Korolev. Quand je lui ai demandé sur quoi j’allais travailler, il m’a répondu “Vous allez vous occuper d’un nouveau sujet unique”.

Adila travaille donc sur plusieurs essais d’envoi de chiens dans l’espace, et notamment sur le projet Laïka. L’objectif était de prouver qu’un être vivant peut survivre à un vol en apesanteur, ce que tous les chercheurs de l’époque réfutaient. Deux chiens sont allés dans l’espace et ont survécu. Et Sergueï Korolev, lui, rêvait d’y envoyer un homme. C’est alors qu’il lance un projet top secret.

“C’est en 1959, que secrètement, on a sélectionné des hommes pour participer à un programme très spécial. Sur 3000 candidats, 20 ont été sélectionnés sur dossier. Parmi eux il y avait Gagarine. Mais ils ne savaient pas quel était le but du programme et de cette sélection, qui s’est déroulé à l’hôpital d’aviation militaire de Moscou”, se souvient le médecin.

Commencent alors toute une série d’innombrables tests médicaux, pour pouvoir sélectionner la perle rare, qui deviendra le premier homme envoyé dans l’espace. Les médecins ont soumis les heureux sélectionnés à des tests d’hypoxie, d’isolation totale (et notamment le silence absolu), de résistance à une très haute température, à une très forte accélération…

 

Gagarine était bienveillant, joyeux

Aucun ne savait exactement de quoi il en retournait. “Lors du test de la centrifugeuse, on pouvait lire dans le regard des participants leur étonnement et leur questionnement. Eux-mêmes comprenaient que nous avions réfléchi à ce problème des accélérations énormes, comme à ses solutions. On leur expliquait également ce qu’ils devaient faire s’ils avaient tels ou tels symptômes.”

Mais plus que leur état physique, c’est aussi le caractère de ces jeunes hommes qui était passé au crible. “En les côtoyant, on pouvait voir des différences de comportements, de qualités humaines ; ainsi certains, très respectueux avec les médecins, prenaient de haut les laborantins ou les infirmières… Gagarine était bienveillant, joyeux dans les moments de détente. C’était un homme sage et ce trait de caractère est très important. D’autres candidats étaient sages. Mais lui était jeune, réfléchi, et inspirait une grande confiance, ce qui était fondamental pour Korolev.” Six hommes ont finalement été sélectionnés. Tous ont participé à la préparation très intensive d’un vol dans l’espace. Pendant ce temps, des répétitions étaient organisées avec des chiens.

Jusqu’au 8 mars 1961, personne ne savait qui allait partir. De manière très secrète, deux hommes ont été sélectionnés. Gagarine et Titov. Le 10 avril, Serguei Korolev participe à une mission gouvernementale, il annonce qu’il est prêt, les vaisseaux également. Youri Gagarine a été choisi pour partir en premier et la date est fixée au 12 avril. “Titov était sans doute plus intelligent, supérieur à Gagarine sur beaucoup de points, mais il avait un côté colérique”, remarque le médecin.

La veille du lancement, les deux hommes écoutent de la musique, font une partie de billard… Pour dîner ils doivent se contenter de la nourriture en tube conçue spécialement pour l’espace, histoire de les habituer. Au menu : de la purée et de la sauce au chocolat ! Puis, c’est au tour du médecin en chef de passer pour prendre leur tension, leur température et leur pouls. Le cœur de Youri affiche 64 battements par minute. Rien ne peut entamer le calme olympien du petit homme. Par la suite, les Soviétiques prendront l’habitude de dire “Comme Gagarine !”, quand ils exprimeront leur pleine forme physique.

 

“Je vois la Terre… C’est magnifique !”

Des capteurs ont été secrètement placés dans la chambre pour s’assurer que les deux hommes dorment profondément. Ils révéleront plus tard s’être douté de la surveillance et être resté volontairement immobiles pour faire croire à leur sommeil.

Le jour du départ,“nous sommes partis vers 5h du matin sur la zone de lancement. J’ai équipé Gagarine de compteurs pour suivre son état de santé (rythme cardiaque, respiration,..). Gagarine était très concentré, comme entré en soi-même… Il était très silencieux. Nous nous sommes embrassés, je lui ai dit : “Youri, tout va bien se passer”.”

A 9h07 heure de Moscou, le vaisseau spatial Vostok décolle de Baïkonour au Kazakhstan. Youri Gagarine, 27 ans à l’époque, est officiellement le premier cosmonaute de l’histoire. Son vol doit durer 108 minutes autour de la Terre. A la fin du compte à rebours, Gagarine annonce alors : “Et c’est parti !”. Deux minutes plus tard, il annonce : “je vois la Terre… C’est magnifique !”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

[Avec Newspress.fr et Lepoint.fr]