Ma cassette, ma cassette ! De nombreux médecins généralistes et près de 1000 jeunes installés n’ont pas touché leur dû, à l’occasion du versement de la ROSP 2013, en avril dernier. La faute à l’informatique des CPAM, un peu approximative ou débordée.

 

Quel effet cela fait-il de découvrir, sur son relevé ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique) versé en avril 2014, que vous ne percevez que 875 euros “pour les indicateurs d’organisation du cabinet, soit 125 points”. Mais zéro euro pour les indicateurs de pratique clinique, soit zéro point ?

 

Impossible de savoir quand les sommes manquantes seront versées

“J’étais stupéfait, très étonné”, raconte le Dr César Séjourné, médecin généraliste secteur 1 installé depuis 2009 dans l’Essonne. D’autant plus étonné qu’un précédent courrier de la CPAM 91, l’avait crédité d’une patientèle médecin traitant de 698 patients au 31 décembre 2012. Le 5 avril dernier, le Dr Séjourné a reçu la grille détaillée du suivi des indicateurs de convention, qui font plutôt de lui un bon élève, tant en matière de suivi de pathologies chroniques, que de prévention, d’efficience ou d’organisation du cabinet (les seuls points qui lui ont été crédités d’ailleurs).

César Séjourné a bien entendu porté une réclamation, mais il a un peu le sentiment qu’elle sera aussi efficace qu’une bouteille à la mer… “On m’a à peine répondu, il est impossible de savoir quand les sommes manquantes seront versées. Pour ma part, cela devrait tourner autour de 5 000 euros”, s’agace le généraliste qui a diffusé son SOS sur Facebook. Il a découvert à cette occasion qu’il n’était pas le seul, loin de là, à subir les bugs de la Sécu, qui a bien du souci avec le versement de la ROSP.

“En interne, on m’a avoué que la CPAM ne savait pas quoi faire, et qu’il ne se passerait rien avant l’été. A un confrère, on a parlé de la rentrée de septembre. En fait, officiellement, on ne répond pas…” maugrée-t-il en rappelant les “trois heures” qu’il a consacrées à remplir les divers formulaires liés aux indicateurs de la ROSP… Egora.fr n’est pas parvenue à entrer en contact avec la CPAM 91, malgré de nombreuses tentatives.

 

2 000 médecins ont réclamé justice

L’histoire du Dr. Séjourné rappelle celle du Dr. Christian Lehmann, généraliste installé à Poissy dans les Yvelines, qui avait raconté à Egora.fr en janvier dernier, comment 140 malades de sa patientèle de médecin traitant, hors régime général, avaient disparus au moment du calcul de la rémunération de la ROSP 2013, portant sur l’année 2012. Soit un préjudice d’environ 1 000 euros. En même temps que lui, environ 2 000 médecins traitants envoyaient des lettres recommandées à leur CPAM pour réclamer justice. Et tandis que le forfait médecin traitant entrait en vigueur au 1er juillet dernier, 1 000 médecins environ estimaient toujours avoir été spoliés lors du comptage de leur patientèle. Ou roulés à l’occasion du calcul de leurs indicateurs. Autant MG France que la FMF ont fait écho de ces bugs en série dont les médecins ne se rendent pas toujours compte, faute de temps pour pointer et vérifier les données de la caisse.

Les différends étaient multiples, concernant le volet organisation du cabinet, le taux de télétransmission requis (66 %, que n’ont pas atteint les médecins malades ou les maîtres de stages dont les stagiaires n’avaient pas de carte CPS), le suivi des patients diabétiques lorsqu’ils sont en maison de retraite et l’on en passe.

Les problèmes semblent s’être réglés au fil de l’eau, mais à l’évidence la situation des jeunes installés demeure problématique du fait d’un retard dans l’adaptation des logiciels de l’assurance maladie. Plus de 900 jeunes médecins installés en 2012 sont privés de leur rémunération ROSP, et espèrent fortement apercevoir le bout du tunnel en juin prochain. Idem pour les médecins traitants installés en 2013, rien à espérer avant le mois de juin. Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), et ReAGJIR, se démènent pour que le dossier débouche enfin et tanne les partenaires professionnels pour qu’ils activent les feux.

 

“On ne peut que trembler à l’idée du tiers-payant pour tous”

Le SNJMG, d’ailleurs, a ouvert une page sur son site pour mieux connaître les praticiens spoliés, et mène l’enquête. Le syndicat souligne notamment que “proportionnellement à la taille de la patientèle, la ROSP est par essence discriminatoire envers les jeunes médecins, puisqu’elle ne concerne pas les remplaçants et pénalise les jeunes installés”. De fait, selon les statistiques de l’assurance maladie, le montant moyen de la ROSP pour les médecins installés est de 5 774 euros, alors qu’il n’est que de 1 000 euros pour les jeunes installés depuis moins d’un an. On comprend que le SNJMG demande des compensations pour les retards et les “approximations dans les comptages de clientèles”, dénoncés par ses adhérents.

“Quand on constate la difficulté de l’assurance maladie à assurer correctement le paiement de cette rémunération sur objectifs, on ne peut que trembler à l’idée que le tiers-payant pour tous pourrait être mis en place en 2017”, siffle le Dr. Séjourné. “Lorsque la médecine sera ‘gratuite’, la CPAM sera en droit de ne pas nous régler ou de moduler nos salaires en fonction des besoins et des déficits”, redoute le généraliste qui s’estime “volé”, sans un bruit et sans aucune explication, alors qu’il avait “bien travaillé”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne