Le nombre d’expulsions d’étrangers malades vers leur pays d’origine a augmenté depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir. Politique du chiffre, pressions sur les médecins… un réseau d’association de défense des étrangers malades s’indigne de cette situation et lance une campagne pour faire réagir le gouvernement.

 

“Il faut cesser de faire primer la politique du chiffre sur la santé”, s’indigne Jean-François Corti, responsable des missions France à Médecins du Monde. Avec plusieurs autres associations, ils ont lancé une campagne pour dénoncer les expulsions d’étrangers malades vers leurs pays d’origine, sans garantie de soins à l’arrivée.

“Les médecins des ARS, chargés de se prononcer sur l’expulsion, subissent des pressions pour respecter des quotas !”, dénonce ce responsable de Médecins du Monde. “Et quand ils ne les respectent pas, les préfets se passent de leur avis”.

 

“Sur quoi se basent ces préfets qui n’ont jamais vu les patients ?”

Dans les faits, lorsqu’un étranger sans-papier est conduit dans un centre de rétention, il est reçu par une infirmière qui peut lui proposer une consultation par un médecin généraliste. S’il estime que l’état de santé du patient nécessite son maintien sur le territoire français, le généraliste saisit le médecin de l’ARS. Ce dernier, à partir du dossier du patient, confirme ou infirme l’avis du généraliste auprès du préfet.

Mais les associations recensent de plus en plus de cas où le préfet prend une décision contre l’avis du médecin de l’ARS ou décide l’expulsion avant même de recevoir son avis. “Les préfets jouent au docteur avec l’aval du ministère de l’Intérieur. Ce n’est pas acceptable !”, fulmine David Rohi, responsable à la Cimade, qui a travaillé quatre ans en centre de rétention. En se passant de l’avis du médecin, les préfets se déclarent compétents pour juger de l’état de santé du patient et de l’existence d’un traitement dans son pays d’origine. “Mais cela pose la question du secret médical ! Sur quoi se basent ces préfets qui n’ont jamais vu les patients ? Comment ont-ils connaissance de leurs pathologies ?”, s’interroge Reem Mansour, médecin généraliste au centre de rétention de Marseille. Autre point de controverse, l’attente de l’avis du médecin de l’ARS ne suspend aucunement la mesure d’expulsion.

Si elle-même n’a pas encore eu à faire à ce type de cas, le Dr Mansour a déjà saisi le médecin de l’ARS pour des avis favorables à l’expulsion alors que le patient souffre d’hépatite. “Or pour les maladies infectieuses, il existe une directive claire du ministère de la Santé. On sait que les patients originaires de pays en voie de développement, ne pourront pas être traités. Il ne faut pas se poser de questions et les garder en France”, précise le médecin.

 

“Impossible de savoir ce qui se fait réellement dans tous les hôpitaux, de tous les pays…”

Avant 2011, la loi prévoyait qu’un étranger en situation irrégulière et malade soit expulsé si on était assuré que le traitement soit effectivement disponible dans son pays d’origine. Depuis, il suffit que le traitement soit officiellement disponible pour justifier le renvoi. “Une variation sémantique lourde de sens !”, assure Jean-François Corti. En effet, ce n’est pas parce qu’un traitement existe que les patients y auront accès. Des coûts très élevés, des déplacements trop longs dans des conditions difficiles pour des personnes malades… autant de freins à l’accès effectif aux traitements. “C’est impossible de savoir ce qui se fait réellement dans tous les hôpitaux, de tous les pays…”, souligne Jean-François Corti.

Les associations interpellent donc le gouvernement et réclament un retour au texte d’avant 2011. “C’était une promesse de campagne de François Hollande, qui avait alors qualifié cette loi de ‘dangereuse et hypocrite’…”, rappelle Jean-François Corti. Comble du reniement, il assure que le nombre d’expulsion d’étrangers malades a même augmenté sous la présidence socialiste.

Un site web dédié a été créé pour relayer la campagne. La plateforme propose aux internautes de soutenir les associations en envoyant un tweet à Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, à Marisol Touraine ou à Manuel Valls. Une semaine après le lancement de l’opération, près de 2 700 messages du type “Soigner ou expulser ? Aucun gouvernement n’avait enfermé et expulsé autant d’étrangers malades” ont été envoyés.

Mais pour le moment aucune réaction chez les ministres. La sourde oreille de Marisol Touraine déçoit particulièrement. “La seule réponse qu’on a eu c’est que la ministre de la Santé n’a pas la main sur ces sujets, et nous renvoie vers le ministère de l’Intérieur !”, regrette Jean-François Corti. “La ministre de la Santé ne prend pas ses responsabilités ! La prérogative doit clairement revenir à la Santé et pas à l’Intérieur !”, estime David Rohi.

 

Moins d’un migrant sur dix arrive en France pour des raisons médicales

Pour ces associations, il s’agit d’abord d’une question de santé et non pas d’un problème de sécurité. “D’autant qu’il faut casser le mythe qui consiste à croire que garder des malades va créer un appel d’air !” Les raisons qui poussent à la migration sont économiques dans la grande majorité des cas. Moins d’un migrant sur dix arrive en France pour des raisons médicales. Parfois leurs pathologies sont même découvertes lors de leur arrivée au centre de rétention. “Il faut arrêter de croire que tous les malades du monde viendront se faire soigner en France !”, insiste Jean-François Corti.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier