Ces dernières années ont vu un développement important de la sexologie médicale, ce qui n’est pas surprenant quand on sait que près d’un homme sur quatre souffre de troubles de l’érection. Les consultations sont également de plus en plus alimentées par les couples recomposés tardivement ainsi que par les patients atteints de maladies chroniques.

 

L’enseignement de la sexologie médicale, devenue au fil des années une discipline scientifique pleinement reconnue par l’Ordre des médecins, est actuellement assuré dans une douzaine d’universités françaises, délivrant en trois ans aux médecins (ainsi qu’aux professionnels de santé non médecins), sur la base d’un examen national, le diplôme interuniversitaire de sexologie. Le Dr Gilbert Bou Jaoudé exerçant la sexologie médicale à plein temps et à titre libéral à Lille, préside actuellement la Société francophone de médecine sexuelle (Sfms) et aussi l’Association pour le développement de l’information et de la recherche sur la sexualité (Adirs).

 

500 médecins diplômés de sexologie

Il estime que la moitié des personnes diplômées en France sont des médecins. Le nombre de médecins libéraux titulaires du DIU de sexologie est d’environ 500. La sexologie représenterait au moins la moitié de leur activité. Selon le Dr Bou Jaoudé, “certains médecins généralistes passent ce diplôme pour répondre à la demande de leur patientèle de médecine générale, sans toujours pour autant recevoir en consultation des personnes qui ne viendraient que pour cette problématique”.

“Le profil des patients est extrêmement varié, représentant toutes les couches sociodémographiques, indique Gilbert Bou Jaoudé. De fait, poursuit-il, les problèmes sexuels concernent tous les niveaux sociaux, toutes les tranches de revenus et tous les niveaux intellectuels.” En revanche, il existe des profils psychomédicaux. “Les deux demandes les plus fréquentes des hommes, représentant environ 60 à 70% des consultations de sexologie, sont constituées par les problèmes d’érection, surtout chez les plus de 50 ans, et d’éjaculation précoce; les autres motifs touchant au désir sexuel, à des douleurs sexuelles, à une éjaculation très retardée, voire impossible à obtenir, à des problèmes de forme du pénis, petit ou courbé, ou encore à des problématiques de couple”, détaille le Dr Bou Jaoudé.

Ajoutant, “certes, on peut voir des problèmes d’érection à 18 ans et d’éjaculation précoce à 60, mais globalement, la moyenne d’âge de la dysfonction érectile se situe plutôt au-delà de la quarantaine, et les consultations pour éjaculation précoce aux alentours de 25-30 ans”. Quant aux femmes, les motifs venant largement en tête sont représentés par la baisse de la libido, que l’on appelle “désir sexuel hypoactif”, qui constitue entre le tiers et la moitié des consultations de sexologie féminine, et par les dyspareunies (orificielles, profondes ou vaginisme), suivies des troubles de l’excitation et du plaisir.

 

Evolutions sociétales

Ces troubles sexuels peuvent être en relation avec des difficultés personnelles ou du couple. La moyenne d’âge de la femme qui consulte un médecin sexologue est globalement plus basse que celle des hommes. C’est ainsi que les femmes consultant pour des problèmes de libido sont plus souvent dans la tranche d’âge 30-40 ans que dans celle des plus de 60 ans, tandis que les hommes qui consultent pour des troubles érectiles ont souvent plus de 50 ans. Néanmoins, cela pourrait bientôt changer. Conséquence des évolutions sociétales à l’oeuvre, la facilité des rencontres, sur Internet ainsi que dans la vie réelle, après une séparation par exemple, jointe à une augmentation de l’espérance de vie font que, tant chez l’homme que chez la femme, il n’y a pas que l’âge du sujet qui est déterminant mais aussi celui du couple. C’est ainsi qu’un nouveau couple, constitué depuis six mois à un an, de personnes de plus de 60 ans peut venir consulter pour des problèmes sexuels de même nature que ceux d’un couple de 30 ans. Un phénomène nouveau qui ne peut que se développer dans l’avenir.

Un fait nouveau est représenté par le nombre croissant de patients atteints de maladies chroniques, comme par exemple la sclérose en plaques, le diabète, l’insuffisance respiratoire, les maladies cardiovasculaires, les rhumatismes inflammatoires chroniques, les maladies inflammatoires chroniques intestinales, les syndromes dépressifs post-traumatiques, qui, en raison des progrès dans leur prise en charge, recourent maintenant aux consultations de sexologie. Un autre cas de figure évoqué par le Dr Bou Jaoudé concerne les patients schizophrènes ou souffrant de pathologies psychiatriques lourdes qui, bien équilibrés par des antipsychotiques modernes, sont mieux intégrés dans la vie quotidienne que dans le passé quand ils recevaient des neuroleptiques peu sélectifs, et sont ainsi susceptibles de faire des rencontres… et d’avoir des difficultés sexuelles, en rapport soit avec leur pathologie, soit avec les effets indésirables de leur traitement. Or, ne pas prendre en compte ces difficultés peut compromettre le suivi du traitement, incitant les patients à arrêter leurs médicaments antipsychotiques. Il en est de même des patients vivant avec le VIH chez qui l’efficacité des traitements antirétroviraux a transformé cette infection en une maladie chronique mais pouvant avoir un impact négatif sur la fonction sexuelle.

 

Un rôle clé pour le médecin généraliste

On le voit, dépister et traiter les problèmes sexuels est essentiel, pour de nombreuses raisons, à la fois du fait de leur retentissement majeur sur quasiment tous les paramètres psychologiques (anxiété, dépression, estime de soi, qualité de vie relationnelle et générale) mais aussi parce qu’ils peuvent révéler une pathologie sous-jacente. C’est ainsi, par exemple, que la dysfonction érectile survenant chez les hommes de 40 à 60 ans a une valeur prédictive reconnue, tel un symptôme sentinelle de survenue d’une maladie cardiovasculaire. Pour autant, selon le Dr Bou Jaoudé, “alors qu’il ressort d’enquêtes que la majorité des médecins généralistes se sentent à l’aise quand leur patient évoque un problème d’ordre sexuel, seulement 10% d’entre eux abordent euxmêmes ce sujet. Or, la plupart des patients préfèrent que ce soit le médecin qui prenne l’initiative en ce domaine”. Face à ce paradoxe, le Dr Bou Jaoudé estime que la solution passe par une formation à la sexologie, aujourd’hui inexistante dans le cursus initial, et dans la possibilité pour les médecins de prendre plus de temps qu’habituellement en consultation, car les problèmes sexuels ne sont souvent abordés qu’à la fin.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur :  Didier Rodde