Où trouver les dix milliards sur l’assurance maladie et les autres 11 milliards sur la sécurité sociale prévus d’ici 2017 ? L’effort sera d’autant plus dur qu’il devra se prolonger dans le temps, reconnaît l’assurance maladie. Rendez-vous au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, cet automne.

 

Prestation réussie ! De l’avis unanime, le Premier ministre a réussi son grand oral devant l’hémicycle et amené son camp à l’applaudir debout et à la russe, dès la fin de sa courte prestation. Courte, en effet, puisque le détail des 50 milliards sur trois ans qu’il va bien falloir débusquer dans nos comptes pour assainir nos déficits publics et financer le pacte de responsabilité et de solidarité, fut à peine esquissé. Mais dès le lendemain de ce discours de politique générale, les comptes étaient faits, ce seront bien 10 milliards d’euros sur trois ans qu’il faudra trouver sur l’assurance maladie, pour renflouer nos comptes, auxquels s’ajouteront 11 autres milliards, prélevés sur l’échelle plus large de la sécurité sociale, toujours sur trois ans pour que les comptes soient bons. Pas une mince affaire.

 

“La balle dans le camp des prescripteurs”

“Pour l’assurance maladie, il s’agit d’un effort important, d’autant plus important qu’il sera étendu dans le temps, et reproduit lors des différentes lois de financement de la sécurité sociale”, a bien été obligé de convenir jeudi matin le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), Frédéric Van Roekeghem. En 2013, les remboursements de médicaments de ville ont enregistré une baisse de 0,4 %, soit 22,6 milliards d’euros, contre 22,7 milliards en 2012. Ce bilan tient à deux mouvements contraires : d’un côté, des baisses tarifaires “significatives” du prix des médicaments, qui ont contribué à ralentir les dépenses de 3,8 % au total et d’un autre côté, la substitution par des génériques, qui a également contribué à ralentir la dépense de 2,2 %. Soit, une économie imputable aux génériques, de 1,6 milliards en 2013.

Ces résultats ont été contrebalancés par deux dynamiques opposées : une hausse des volumes de prescriptions (+ 1,2 %), liée en partie au contexte épidémiologique, grippe et gastroentérites d’une part ; la prescription à nombre boites égal, de médicaments de plus en plus onéreux (+ 3,1 % d’augmentation de la dépense en 2013) particulièrement au sein des classes comme les traitements du cancer, les antiagrégants-antithrombotiques et les antidiabétiques d’autre part. Ces médicaments très onéreux pris en charge à 100 % induisent au final, un taux de prise en charge plus élevé, représentant 1,3 % d’augmentation de la dépense.

Où trouver les milliards attendus par le gouvernement et par Bruxelles ? Le poste médicament est évidemment regardé avec les yeux de Chimène, puisqu’il a marqué en 2013, sa deuxième année de baisse, après le recul de 0,8 % de 2012. Et qu’au total, l’ONDAM 2013 a été sous-utilisée de près de 1 milliards, essentiellement grâce à la ville.

“La balle est dans le camp des prescripteurs, il faut que l’assurance maladie entretienne avec eux un dialogue positif”, n’a pas tergiversé Frédéric Van Roekeghem. “Plus dur sera l’objectif, plus importante sera la nécessité de prendre conscience du retard de la France en matière de prescription génériques”, a-t-il fait valoir en se dérobant à une interrogation de la salle sur un éventuel retard de mise sur le marché de molécules innovantes et particulièrement couteuses, pour contenir l’enveloppe, dès l’an prochain.

Selon les statistiques de la CNAM portant sur le médicament, “Il subsiste toujours des marges de progression significatives et l’effort doit être poursuivi”. En matière de dépenses, notre pays se situe (sur 8 classes thérapeutiques représentant 38 % des médicaments consommés), au 1er rang des 8 principaux pays européens (Royaume Uni, Espagne, Finlande, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Norvège). En volume, sur ces 8 classes, nous nous trouvons en deuxième position derrière le Royaume-Uni. Mais la France reste en tête sur la totalité des classes thérapeutiques… Le gouvernement a fait savoir qu’il entendait jouer aussi sur les prix des médicaments pour réaliser des économies. A noter que le premier médicament de ville remboursé en 2013 (428,6 millions d’euros), est toujours le Lucentis, malgré deux baisses de prix, intervenues en juillet 2013 et février 2013.

 

Feux sur les génériques

S’agissant des génériques, dont la plus forte prescription assortie d’une baisse de prix est systématiquement citée comme puissant levier d’économies sur l’assurance maladie dès l’an prochain, l’assurance maladie veut aussi pousser les feux, en comptant pour cela sur les accords passés avec les pharmaciens d’officine, et pour les médecins, sur les indicateurs de la Rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). En 2013, la substitution a permis de réaliser 1,6 milliards d’euros d’économies, contre 1,46 milliards en 2012, signale la CNAM qui surveille de près un panel de 4 à 5 % de prescripteurs “non homogènes”, qui font un usage injustifié du NS (non substituable).

Mais comment faire encore mieux, pour trouver les milliards manquants ? Cela passera tout d’abord par l’établissement d’un Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour 2015 et jusqu’en 2017 faible, autour de 2 % (contre 2,4 % cette année), sans recul des remboursements, a promis Marisol Touraine. Cet ONDAM sera probablement contenu à l’aide de recettes de poche, dont les idées ne manquent pas : recours accru à la chirurgie ambulatoire, réduction des tarifs de biologie (malgré un accord de modération négocié), de radiologie, coup de frein sur les transports sanitaires, gel des tarifs médicaux. Sur le moyen terme, proposition évoquée par Manuel Valls, le gouvernement peut vouloir s’attaquer aux frais de gestion de l’assurance maladie et, comme le suggère l’économiste directeur de l’Irdes Yann Bourgueil, profiter de la réforme territoriale annoncée, pour réduire le nombre de caisses primaires ou, comme le propose la Cour des comptes, fusionner certains régimes.

 

ROSP : 5 774 euros en moyenne par MG

L’hôpital, qui représente la moitié de l’ONDAM, sera mis à contribution “mais sans casser notre système de santé, nos hôpitaux et nos services publics, sinon les Français ne le comprendraient pas” avait souligné Manuel Valls à l’Assemblée. Se sentant particulièrement sur le grill, la Fédération des hôpitaux de France (FHF), vient de présenter un plan d’économies de 5 milliards d’euros, basé sur “une réforme profonde de l’organisation du système de soins tout en préservant la qualité des services publics”. Premier poste d’économies pour les hospitaliers : la lutte contre les actes et prescriptions inutiles, tant en ville qu’à l’hôpital. Deuxième : subordonner les autorisations d’activité et d’équipements aux seuls offreurs de soins engagés dans le service public, la cohabitation entre hôpitaux publics et cliniques privées “n’étant plus aujourd’hui soutenable”.

Pour les libéraux de la CSMF ou du SML en revanche, les économies coïncideront avec la fin de l’hospitalocentrisme et la mise en place d’une médecine de parcours faisant la part belle à la ville, dûment financée pour assumer la charge du suivi des malades chroniques.

Malgré ces sombres perspectives, l’assurance maladie a annoncé ce matin qu’elle s’apprêtait à verser, ce mois d’avril, une somme de 5 774 euros en moyenne par médecin généraliste, liée à la ROSP. Pour les 80 000 médecins généralistes et spécialistes concernés, la somme tombe à 4 003 euros en moyenne. Soit un total de 267 millions d’euros à la charge de l’assurance maladie contre 253 millions l’an passé. Qu’en sera-t-il demain lorsque le temps des vaches maigres sera venu ?

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne