Urgentiste en Savoie, Bernard Fontanille est un passionné de découvertes et d’aventure. L’an dernier, il a fait le tour du monde à la rencontre des chamanes, guérisseurs et médecins d’ailleurs. Un projet qui a donné lieu à une série documentaire, diffusée actuellement sur Arte. Pour Egora, le médecin revient sur cette expérience hors du commun.

 

En général, le docteur Bernard Fontanille passe ses journées à l’hôpital de Chambéry. Son temps, il le partage entre le service des urgences et les opérations de secours en haute montagne. Quand il est en manque d’adrénaline, il médicalise des grands événements sportifs ou des raids extrêmes à l’autre bout du Monde. Et, il y a un an, cet aventurier humaniste et passionné de découvertes s’est lancé dans un nouveau projet démentiel : partir, pendant un an, à la rencontre des soignants du Monde entier. Une sorte de Rendez-vous en terre inconnue à la sauce médicale qui a donné lieu à une série de 20 films documentaires, titrés Médecines d’ailleurs, diffusés actuellement sur Arte, et à un livre rempli de portraits de guérisseurs et de remèdes traditionnels à base de plantes.

C’est ainsi que le baroudeur nous entraine, à la rencontre d’une Sangoma, une “sorcière” Zoulou qui soigne les séropositifs en Afrique du Sud. Il nous fait découvrir l’énigmatique Dr Ho, un herboriste, véritable encyclopédie vivante des vertus des plantes ou encore Puji, et ses très nombreux patients qui n’ont pas hésité à parcourir des kilomètres dans la steppe Mongole pour venir le consulter. Des histoires, des soins qui sont à mille lieues de notre médecine occidentale.

EXTRAIT : En Mongolie, Bernard Fontanille rencontre Puji, médecin et éleveur

D’emblée, Bernard Fontanille met les choses au clair. Il ne s’agit pas d’une carte postale des médecines d’ailleurs, encore moins d’un plaidoyer en faveur des médecines naturelles. Son projet, c’était des rencontres soignants-soignants. Simplement. Car l’urgentiste n’a jamais été un défenseur des médecines traditionnelles ou parallèles. Loin de là. Pourtant, il avoue être revenu de ce voyage un peu plus ouvert. “Là-bas, les gens sont bien plus pragmatiques, bien plus ouverts. Un moine-médecin chinois ne se vexera pas si son patient va à l’hôpital après être venu le voir. Le problème, ici, c’est qu’on pense qu’il y a que nous qui savons faire. C’est très souvent vrai. On ne soigne pas une méningite ou un infarctus en suçant de la réglisse. Maintenant, il y a des pathologies, qui peuvent se soigner avec autre chose que du doliprane. Ce sont deux médecines qui peuvent être complémentaires.”

En Chine, au Népal, en Indonésie, si les méthodes de ces guérisseurs persistent, ce n’est pas juste une histoire de folklore ou de croyances locales. Selon l’OMS 80% de la population mondiale n’a pas d’autre possibilité, pour se soigner, que d’avoir recourt à ces médecines traditionnelles. “On oublie que nous sommes 20% à être privilégiés. Quelle chance on a d’avoir des hôpitaux partout !”, ironise le médecin, qui montre quand même une certaine inquiétude sur le devenir de ces savoirs. “C’est une médecine importante et variée. Mais qui est menacée. Avec l’éducation qui gagne du terrain, les enfants n’ont plus envie de vivre dans les villages, et de devenir guérisseur ou chamane. L’OMS essaie de préserver ces médecines, mais c’est très difficile. Pourtant il y a un patrimoine culturel et un savoir énormes, sur l’art de se soigner autrement que par les médicaments. C’est incroyable.”

Quant à l’efficacité des remèdes, des méthodes de méditation ou des prières qui ont été prodigués sur les patients, Bernard Fontanille refuse de prendre parti. “Je n’étais pas là en tant que prescripteur. J’ai vu des choses étonnantes, c’est vrai. Mais je n’ai pas voulu les analyser. Et si cela fait 50 ans qu’un chamane prodigue le même soin, c’est surement que c’est un peu efficace. En tout cas, je n’ai rien découvert de mystérieux. La plupart des plantes sont utilisées aussi dans la médecine occidentale.”

EXTRAIT : Dans les montagnes reculées du Song Shan en Chine avec les moines Shaolin

Pour l’urgentiste, en réalité, la vraie découverte s’est jouée ailleurs. Dans la relation médecin-patient, et la façon de soigner. “Là-bas, il y a un rapport au temps qu’on n’a pas ici. Nous, on a une demande très importante, du fait qu’on a un accès aux soins très simple. Là-bas, j’ai vu des soignants qui prenaient leur temps, et qui donnaient leur temps. J’ai vu une chamane en Corée du sud passer trois jours avec une patiente déprimée. Moi j’aimerais bien pouvoir le faire, mais c’est impossible. Aujourd’hui on n’écoute pas les patients, on ne prend pas le temps de les écouter. Là, on a un vrai problème.”

L’autre surprise de ces documentaires c’est la rencontre, inattendue, entre des soignants qui pratiquent une médecine basée essentiellement sur la croyance, et un médecin, occidental, purement scientifique. Un choc des cultures qui fait la force du projet. “Certains m’ont vu arriver avec une espèce d’aura un peu exagéré. Je ne vous cache pas le petit guérisseur qui connait cinq plantes en Indonésie, il était très intimidé à l’idée de me rencontrer. Je représente quelque chose qu’il ne connait pas et qu’il a beaucoup fantasmé. Mais à la fin, tous ont réalisé que j’étais comme eux”, raconte le médecin qui va même jusqu’à parler d’une “communauté” de soignants qui n’a pas de frontières.

Après ce voyage initiatique d’un an, le Dr Bernard Fontanille a repris son poste d’urgentiste, en intérim. Et il a retrouvé ses méthodes de soins occidentales, celles qu’il a apprises et dont il connaît l’efficacité. “Par contre ma personnalité a changé, reconnait-il. Je suis plus posé, je suis sorti de la frénésie dans laquelle j’étais avant. Je suis peut-être un peu plus gentil, un peu plus à l’écoute.” Le temps, en revanche lui me manque toujours autant.“Mais je le vis mieux.”

EXTRAIT : En Afrique du sud, avec une zoulou, guérisseuse auprès des malades Sida

 

Remèdes d’ailleurs

A Bali, le guérisseur soigne les eczémas avec une essence d’oiseaux imbibée dans de l’alcool.

En Mongolie, les massages Baria Zasal, base de l’arsenal thérapeutique, améliorent la circulation des fluides, des énergies et de la masse sanguine.

En Inde, les Siddhars Varma Kalai ont une connaissance unique des points vulnérables du corps humain. Ils ont la réputation de pouvoir prolonger la vie ou d’y mettre un terme…

En Chine les pratiques du Dr Ho, dans les montagnes de Yunnan, témoignent de 3000 ans d’histoire de la pharmacopée chinoise, de savoir et de connaissance des propriétés curatives des plantes.

En Bolivie, quelques 900 plantes sont inscrites dans le répertoire Kallawaya, des médecins officiels des Incas, l’un des plus riches au monde.

Au Brésil, les femmes Kaiabis de la région de Xingu n’aiment pas que l’on coupe le cordon ombilical à la naissance d’un enfant. Elles pensent que cela peut nuire à la santé.

En Afrique du Sud, un marché secret nommé Faraday lie la médecine traditionnelle africaine à la sorcellerie. Aujourd’hui encore, elle continue de soigner 80% des sud-africains.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu