Le chantier de la rénovation des contrats responsables (98 % des contrats en circulation) a débuté hier en présence de tous les acteurs concernés. L’enjeu : encadrer les remboursements des dépassements d’honoraires pour améliorer l’accès aux soins. La Mutualité française a avancé son programme : limitation à 50 % du tarif sécu, des remboursements des dépassements en secteur 2, et à 100 % pour les contrats d’accès aux soins. Un peu plus prudent, le gouvernement a mis deux options sur la table.

 

“Si on s’accorde sur un plafond, il serait raisonnable de ne pas aller au-delà de 100 % du tarif de sécurité sociale.” Voilà qui est net et clair. Interrogée mercredi matin sur Radio Classique, sur les contours du décret en préparation prévus par la loi de financement de la sécurité sociale 2014, la ministre a brisé le suspens en dévoilant dans quelle direction irait la rénovation des contrats responsables et solidaires qui représentent 97 % des contrats de complémentaires santé sur le marché.

Avec cette déclaration, en effet, la ministre de la Santé Marisol Touraine a confirmé ce qui semblait se dessiner depuis quelques semaines : une bonne entente politique entre le gouvernement et la Mutualité française, sur la résolution de la problématique des dépassements d’honoraires. Les mutualistes veulent limiter à 100 % les remboursements des actes effectués dans le cadre des contrats d’accès aux soins. Mais descendre la barre à 50 % pour le secteur 2 ! L’outil, pour y parvenir, sera constitué par les nouveaux contrats responsables, en cours de rénovation.

 

Contrats responsables à fiscalité avantageuse

Mis en place en 2004, ces contrats responsables doivent répondre à certains critères pour pouvoir bénéficier d’une fiscalité avantageuse : 7 % de taxes au lieu de 14 % pour les contrats non responsables. Le sujet du jour hier au ministère, a consisté à dire quelles devront être ces conditions, sachant que l’avenant N° 8 à la convention médicale encadre dorénavant sérieusement le secteur 2 (le dépassement peut être jugé excessif au-delà de 150 %), tout en créant un contrat d’accès aux soins où les dépassements doivent se limiter à 100 % du tarif de remboursement. Un taux amené à diminuer au fil des années. Un état des lieux à lire dans la perspective de la généralisation de la protection complémentaire santé pour tous, liée à l’accord ANI, et du tiers-payant généralisé, promis à l’horizon 2017.

Critiqué à gauche comme à droite pour son manque d’efficacité, l’avenant N° 8 commence néanmoins à donner quelques résultats : le taux moyen de dépassement des spécialistes (actes cliniques + actes techniques), est passé de 56,9 % en 2011 à 56,3 % en 2013, selon le dernier pointage présenté en commission paritaire nationale à la CNAM, le 5 mars dernier. Il y est également noté que cette baisse est particulièrement marquée pour les actes cliniques, dont le taux de dépassement est passé de 76,6 % à 75 % en deux ans, alors que le taux s’est simplement stabilisé pour les actes techniques, entre 2012 et 2013. Marisol Touraine s’est empressée de médiatiser ce résultat.

Le gouvernement et la Mutualité comptent maintenant sur la mise en place de nouveaux contrats responsables parallèlement à l’attribution de l’ACS (aide à l’attribution d’une complémentaire santé) sur critères de ressources, pour accélérer ce mouvement de décroissance des dépassements. Les praticiens en honoraires libres ont en effet l’obligation d’effectuer des actes en secteur conventionné strict, auprès de ses détenteurs. Le décret en chantier, annoncé pour la fin du mois, “viendra préciser les règles pour assurer un niveau de couverture minimale, notamment pour certains postes généraux un reste à charge important, et pour éviter de solvabiliser des pratiques tarifaires excessives qui contribuent à la dérive des prix de certains soins”, expliquait le gouvernement à l’automne dernier.

 

Remboursement de 50 % seulement pour les actes en secteur 2

Mais les dispositions envisagées ne sont évidemment pas du goût des syndicats médicaux et dentaires – les prothèses et les frais d’optique sont particulièrement dans le collimateur. Elles ne font pas non plus les affaires des assurances complémentaires privées, où l’on ne s’inscrit évidemment pas dans la même logique concurrentielle que la Mutualité française.

N’ayant pas ménagé ses interventions dans la presse ces derniers temps, Etienne Caniard, le président de la FNMF ne s’embarrasse pas de litotes pour définir la ligne qui sera défendue lors des négociations qui débutent : remboursement à 100 % maximum du tarif de remboursement (soit 56 euros, deux fois 28 euros, pour un acte spécialisé) pour les actes effectués dans le cadre du contrats d’accès aux soins, et remboursement de 50 % seulement pour les actes en secteur 2. “Il est important que ce niveau soit inférieur à la moyenne actuelle des dépassements”, justifie le président de la Mutualité. Mais cette dernière est actuellement de 56,3 %. Par ailleurs, la Mutualité voudrait relever de 95 à 100 %, la prise en charge des médicaments à vignette blanche par les contrats responsables, “dès lors qu’il s’agit de génériques (…) Nous considérons qu’une couverture complémentaire efficace ne doit pas prendre en charge des médicaments inefficaces” rappelle par ailleurs Etienne Caniard.

Mais au gouvernement on veut être plus prudent. A l’issue de cette première réunion, deux dispositifs de plafonnement de la prise en charge de dépassements d’honoraires en médecine de ville ont été présentés et vont être examinés par les services de la direction de la sécurité sociale : 1) plafond unique pour l’ensemble des médecins. Le dispositif monterait en charge de manière pluriannuelle, le plafond étant abaissé chaque année pendant trois ans. 2) des plafonds différenciés selon que l’acte ou la consultation sont réalisés par un médecin ayant ou non signé un contrat d’accès aux soins. S’il s’agit d’un CAS (le plafond étant limité à 100 %), pas de plafond ou plafond supérieur au plafond autorisé hors CAS. Hors CAS, le plafond de prise en charge serait inférieur au plafond autorisé avec CAS, et dégressif dans le temps…

 

“Le nouveau porte-parole de la ministre de la Santé se nommerait-il Etienne Caniard ?”

Inutile de dire que ces déclarations sur le plafonnement des taux de dépassements ont été vécues comme une déclaration de guerre par une partie des médecins libéraux. La CSMF, signataire de l’avenant N° 8, a estimé que “ce que propose la Mutualité est un pas dans la bonne direction, mais ce n’est pas satisfaisant”. Non signataires de l’avenant N° 8, les chirurgiens de l’UCDF en revanche, ont immédiatement fait savoir leur colère. “Le nouveau porte-parole de la ministre de la Santé se nommerait-il Etienne Caniard ? a ironisé le Dr Philippe Cuq, le président de l’UCDF. La Mutualité sauvera-t-elle l’installation du contrat d’accès aux soins en contrepartie de quoi ses contrats pourraient bénéficier d’une fiscalité réduite tout en remboursant moins bien les dépenses de santé des Français”.

Les chirurgiens joignent leurs voix à celle de l’économiste libéral Frédéric Bizard, qui prévoit une aggravation de l’accès aux soins, tant les assurés seront obligés de souscrire une sur-complémentaire (sur taxée), pour être remboursé des frais engagés auprès d’un praticien en secteur 2. “Ce qui ne sera pas accessible aux classes moyennes”, prédit Frédéric Bizard. Les chirurgiens appellent les autres syndicats médicaux à “analyser et à prendre conscience des risques sur l’offre de soins que peut engendrer cette réforme”. L’Union française pour une médecine libre (UFML) du Dr Jérôme Marty a immédiatement répondu présente à cet appel.

“La médecine libérale ne peut en aucun cas être livrée aux désidératas des organismes complémentaires, le tiers-payant généralisé renforcera encore le pouvoir des CPAM et la mainmise totale des financeurs sur le soin”, s’insurge Jérôme Marty qui pressent à travers ces mesures, la fin de la médecine libérale. L’UFML appelle tous les médecins, futurs médecins, retraités, syndiqués ou non syndiqués à se lever pour dire non. Quant à la FMF, elle espère que ”le dernier cadeau gouvernemental aux mutuelles réveillera les professionnels de santé pour refuser énergiquement l’étranglement de la médecine libérale dont les patients seront au bout de la chaine les victimes”.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne