C’est la dernière ligne droite : les ARS ont jusqu’au 28 février pour envoyer au ministère de la Santé les pré listes des maisons et pôles de santé constitués en SISA (société interprofessionnelle de soins ambulatoires), candidats à expérimenter les nouveaux modes de rémunération (NMR). Mais il y aura cette année beaucoup de postulants mais peu d’élus habilités à percevoir la dotation annuelle destinée à financer la coordination des soins primaires. Car cette année, les 26 régions sont concernées alors que les critères d’éligibilité se sont durcis.

Les NMR sont testés depuis 2010 en vertu des lois de financement de la sécurité sociale 2008 puis 2012. Aujourd’hui, 5 % seulement des professionnels de premier recours exercent en SISA. La livraison 2014 des expérimentateurs concernera 150 nouveaux sites, qui viendront renforcer les 147 premières maisons et pôles répartis sur 6 régions, ayant bénéficié de cette rémunération forfaitaire. Rappelons que la Ministre de la santé a annoncé 600 sites en 2014. La somme versée par le Fond d’intervention régional (FIR) abondé par le ministère de la Santé à partir d’une enveloppe nationale fléchée, a été en moyenne de 50 000 euros annuels à répartir entre les différents acteurs de l’équipe pluridisciplinaire. La somme est calculée en fonction du nombre de patients inscrits médecins traitant auprès de la structure, et du nombre de professionnels. Mais il devrait y avoir beaucoup de déçus cette année.

“Tout le monde n’y aura pas droit ! Il y a trop de candidats puisque la répartition des 150 structures sélectionnées par le ministère se fera sur les 26 régions de France, contre 6 régions en 2010 ”, explique le Dr Luc Duquesnel, président de l’UNOF-CSMF et acteur de terrain reconnu dans sa région des Pays-de-Loire. Cette “pénurie” relative s’accompagne donc d’une sévérité accrue dans la sélection des dossiers.

Lors de la première manche de l’expérimentation, les critères d’attribution étaient assez flous. “L’expérimentation des nouveaux modes de rémunération porte en elle trois particularités, peut-on lire sur le site de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS), du Dr. Pierre de Haas. Elle s’adresse à une équipe de soins de proximité dans sa totalité, elle alloue une somme forfaitaire à l’équipe de soins pour la coordination sans imposer de modalités précises dans leur utilisation et enfin, le montant de cette somme est en partie calculé sur le nombre de patients inscrits dans la maison de santé”. Sont inclus dans l’expérimentation : le temps de coordination de la structure, le financement de nouveaux services tels éducation thérapeutique ou soins coordonnés autour de patients fragiles (ESPREC), la coopération entre professionnels dans le cadre du transfert de compétences (expérimentation ASALEE avec les infirmières par exemple). Enfin, des rémunérations particulières type capitation peuvent être proposées pour des pathologies chroniques. Une approche par modules, encouragées par le directeur de la caisse nationale d’assurance maladie, Frédéric Van Roekeghem.

Mais au fil des années, les choses se sont affinées. Les équipes éligibles devaient offrir, au minimum, comme le rapporte « Le Médecin de France », un secrétariat partagé pour l’accès aux soins, un travail en équipe concrétisé par une concertation sur certains dossiers, des protocoles pluriprofessionnels, des stages professionnels, des documents de synthèses transmissibles aux hôpitaux, et des dossiers personnalisés garantissant l’information. Et c’est sur ce dernier point que les positions se radicalisent.

“Lors du dernier comité de pilotage, il a été dit très clairement qu’un système d’information identique entre médecins était obligatoire pour qu’une structure soit éligible à la deuxième vague d’ENMR en 2014, relate le Dr Duquesnel, sans pour autant imposer que cela soit entre TOUS les médecins. Or, si la chose est aisément envisageable en maison de santé pluriprofessionnelle, c’est loin d’être le cas en pôles de santé éclaté avec plusieurs cabinets satellites. Il y a en effet un long chemin à parcourir avant d’avoir un outil unique, souvent d’ailleurs un logiciel pluriprofessionnel, et c’est donc bien plus difficile”, regrette le patron de l’UNOF-CSMF.

Contrairement à ce qui avait été annoncé au comité de pilotage, le Ministère a donné l’ordre aux ARS de ne sélectionner que les regroupements où la totalité des médecins partagent le même logiciel.

Avec des critères aussi stricts, beaucoup de pôles de santé multi sites qui font pourtant beaucoup de coordination pluri professionnelle ne seront pas éligibles car ils n’ont pas de logiciel unique. Dans le cas personnel de mon pôle de santé, notre logiciel pluri professionnel n’est pas encore opérationnel, et je n’aurais donc pas postuler aux NMR 2014 alors que nous en bénéficions depuis 3 ans”, ironise le Dr Duquesnel, expérimentateur de la première vague, qui regrette la prévalence de cette logique par patientèle et par maison mono site, défendue par la Fédération Française des Maisons et Pôles de Santé (FFMPS), alors que la stratégie nationale de santé privilégie une approche territoriale.

Il n’empêche, de nombreuses ARS critiqueraient en off, l’obligation de respecter des critères jugés trop stricts car laissant sur le côté des professionnels très impliqués, mais pas encore suffisamment outillés. Au risque de les décourager.

A l’avenir, les modalités de versement des NMR se feront par le truchement de l’accord conventionnel interprofessionnel négocié entre l’assurance maladie et l’Union nationale de professions de santé (UNPS). La négociation qui débutera en mars, a été rendu possible par la loi de financement de la sécurité sociale 2013 et Marisol Touraine, irritée de ce retard, a déclaré qu’elle n’hésiterait pas à intervenir si les partenaires ne parvenaient pas à conclure.