Le 6 août 1890, William Kemmler devient le premier américain condamné à la chaise électrique. Seulement, la technique n’est pas au point. Il faudra plusieurs tentatives avant que le jeune homme ne rende l’âme, dans des souffrances atroces. Retour sur un fiasco.
A la fin du 19ème siècle, les exécutions capitales sont monnaie courante aux Etats-Unis. Seulement, on cherche encore le “meilleur moyen” de tuer les condamnés en limitant leurs souffrances. La pendaison reste alors la méthode la plus répandue, comme le rappelle Jean-Christophe Plot, sur son blog “Déjà vu”. Mais si la mort peut être instantanée, on n’est pas à l’abri des ratages. Il faut trouver un moyen plus moderne.
Et justement, à cette époque, une découverte relativement récente fait beaucoup parler d’elle : l’électricité ! Mais deux hommes divergent encore sur l’usage de cette innovation : Thomas Edison, qui prône un courant continu et George Westinghouse qui milite pour le courant alternatif. Edison assure à tout va que le courant alternatif de son concurrent est bien plus dangereux que le sien. Il organise plusieurs tests avec des animaux pour démontrer sa théorie. Avec le courant continu, les animaux en réchappent, pas avec l’alternatif.
Edison fait construire la chaise avec du courant alternatif
Alors, bien entendu, lorsque l’Etat de New York annonce qu’il souhaite mettre au point un appareil pour électrocuter un homme, Edison va militer pour que ce soit le courant alternatif qui soit utilisé. Pas question d’associer son invention a la mort d’un être humain. Il obtient gain de cause, mais Westinghouse refuse de concevoir la chaise. Edison, va donc payer un artisan nommé Harold Brown pour qu’il fabrique la fameuse chaise électrique à courant alternatif.
Reste maintenant à trouver le condamné “cobaye” qui passera le premier sur la chaise. Ce sera William Kemmler. Cet illettré alcoolique a tué un beau matin sa compagne à coups de hache, sans vraie raison. Au procès, il ne comprend pas grand-chose. La sentence tombe, il sera condamné à mort par électrocution. Kemmler n’a alors aucune idée de ce que cela signifie.
Le 6 août 1890, à 5h00 du matin, on vient le réveiller, lui fait mettre un costume avec cravate. On lui tond une partie du crâne. Lorsqu’il entre dans la pièce où l’attend une chaise, il s’écrie face aux 17 témoins : “Messieurs, je vous souhaite à tous bonne chance. Je vais dans un bel endroit et je suis prêt à partir.”
“Combien de temps dois-je laisser passer le courant ?”
Kemmler s’installe sans émotion apparente et sans se débattre. On l’attache à la chaise par plusieurs lanières, on lui fixe des électrodes au bas de la colonne vertébrale, par un trou découpé dans son pantalon. D’autres sont placées sur la partie rasée du crâne. Le condamné, toujours aussi docile, resserre sa cravate et demande au bourreau si tout est en ordre.On humecte les éponges placées entre la peau de Kemmler et les électrodes. “Dieu vous bénisse, Kemmler”, lui dit un docteur. “Merci” répond-il sous le masque qui lui cache les yeux.
C’est un certain Charles Durston qui est chargé de l’exécution. “Combien de temps dois-je laisser passer le courant ? Vous devriez me dire si ça doit être quinze secondes ou trois, ou cinq”, demande-t-il aux médecins qui sont à ses côtés. Ces derniers se mettent d’accord pour quinze secondes. “C’est long”, murmure le bourreau. Puis il baisse l’interrupteur : un courant de 1000 volts traverse le corps de William Kemmler.
Aussitôt, le condamné se recroqueville sur sa chaise. Les secondes passent. L’un des médecins observe son chronomètre : “Stop !” crie-t-il. On peut alors prononcer la mort du condamné. Les docteurs observent le défunt, puis ordonnent le transfert à l’hôpital pour l’autopsie. À ce moment, un médecin dans la pièce fait remarquer que du sang jaillit d’une petite blessure au pouce droit. Kemmler est toujours vivant !
Il faut remettre le courant. On change donc les accus, cela dure plusieurs minutes. Pendant ce temps, Kemmler revient à lui. Il crie, il bave. Les médecins se concertent et décident qu’il faut augmenter la dose de courant : on passe à 2000 volts.
Une horrible odeur de chair brûlée se répand dans la pièce
Cette fois, la décharge durera plus d’une minute. Les vaisseaux de l’électrocuté explosent. Une horrible odeur de chair brûlée se répand dans la pièce. Le corps est en train de prendre feu. Horrifiés, les témoins tentent de s’enfuir, mais tout est fermé. Certains vomissent ou tombent dans les pommes.
Le lendemain, toute la presse se fait l’écho de cette barbarie, et parlent d’échec. Les médecins, eux, continuent d’affirmer que Kemmler n’a pas souffert, les convulsions n’étaient que des contractions musculaires, des réflexes… Ils ne convainquent pas grand monde. Tout le monde débat de l’humanité ou pas de la mort par chaise électrique. Elle deviendra finalement le mode d’exécution de 18 Etats américains. Dans l’état de New-York, ils seront 239 à être exécutés jusqu’en 1914.
Westinghouse quant à lui se serait volontiers passé d’une telle publicité. Mais malgré les efforts cyniques de son rival Edison, c’est quand même son courant, l’alternatif, qui s’imposera dans les foyers américains.
Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.
[D’après des articles publiés sur Lepoint.fr et Francetvinfo.fr]