Nées en 1829, les siamoises Rita et Cristina Parodi ont donné bien du fil à retordre aux meilleurs médecins de l’époque. Après avoir été montrées dans les lieux de curiosités parisiens, avoir été traitées par les spécialistes de “monstre”, elles sont mortes à 8 mois, l’une emportée par la bronchite de l’autre.
 

 

Rita et Cristina le 3 mars 1829, à Sassari, en Sardaigne. C’est la neuvième grossesse pour leur mère. Mais au moment de l’accouchement la forme du ventre inquiète les sages-femmes. Lorsque les médecins s’aperçoivent qu’il y a deux têtes mais un seul corps, c’est la stupéfaction. Après avoir utilisé des lacets pour retourner le corps et le faire descendre par les jambes, deux fillettes naissent unies par un seul corps naissent, les deux têtes à 3 minutes d’intervalle. Miraculeusement, elles se portent bien.

 

Très différentes

Rita et Cristina partagent une seule paire de jambes, un bassin, un anus, une vulve et un gros intestin. En revanche, elles possèdent deux têtes, deux paires de bras et tout le reste de leurs organes sont en double. Mais ce qui frappe les médecins de l’époque, ce sont leurs différences. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire écrira : “Il est certain que, dès l’âge de trois mois et demi, [elles] présentaient entre [elles] une différence très sensible. D’après des observations dues au docteur Malagodi, le sujet placé au côté gauche de l’axe d’union, Cristina, avait la tête plus ovale et surtout plus grosse que le sujet droit, Rita. La différence était plus marquée encore à six mois, et surtout à huit. Cristina paraissait forte et bien portante ; elle était vive, gaie, avide de prendre le sein : Rita était maigre, sa peau, généralement jaune, offrait une teinte bleuâtre à la figure.”

Leurs réactions aux stimuli étaient aussi très perturbantes pour les observateurs. “Si l’on chatouillait un bras de l’une des deux sœurs, elle seule percevait la sensation. […] Agissait-on sur la jambe droite, Rita seule le sentait et non Cristina ; sur la gauche, Cristina et non Rita.”

On aurait compris, aujourd’hui, que Rita et Cristina sont en réalité deux petites filles différentes qui ont fusionné dans le diaphragme. Mais à l’époque, les proches des fillettes s’interrogent. Ont-elles une âme commune ? Sont-elles un ou deux enfants ?

En septembre 1829, les Parodi décident donc de quitter la Sardaigne pour montrer leurs filles aux plus éminents médecins européens. Ils paient leur périple et les consultations en exposant les siamoises dans les foires et les cirques, quand les autorités les y autorisent. C’est ainsi que toute la famille arrive à Paris.

 

Visites payantes

Geoffroy Saint-Hilaire, professeur de zoologie et éminent anatomiste de l’époque s’occupe personnellement de “l’individu”. C’est lui qui convainc le préfet de police de Paris d’autoriser les visites payantes en garantissant que les filles ne seront visibles que sous son contrôle. Mais elles mourront avant d’avoir permis à leurs parents, et leurs médecins, de faire fortune.

Le 22 novembre Rita refuse, une fois encore, de se nourrir. Mais cette fois, la nourrice s’inquiète : elle respire très mal, et a du mal à rester éveillée. Les parents consultent le docteur Saint-Ange : “Le ventre d’ailleurs n’était ni douloureux ni ballonné, écrit-il, mais bien dans une agitation continuelle : on aurait dit que le paquet intestinal était sans cesse renvoyé d’un enfant à l’autre… Au milieu d’une telle agitation, Cristina, quoique sa respiration fût devenue plus fréquente et gênée, semblait jouir d’une vie pleine et entière, et devait prolonger son existence.”

Le médecin prend le pouls de Rita : 120. Celui de Cristina reste à 102. En général, les deux enfants ont un pouls similaire à 90. Là, les médecins ont la preuve que les siamoises possèdent deux systèmes sanguins, et deux cœurs différents. Puis Rita arrête soudainement de respirer. Cristina est alors en train de téter le sein de sa nourrice, mais elle meurt aussitôt. “Comme si une âme commune eut animé ces deux êtres, si différents cependant par leurs sensations et leur volonté”, écrit Saint-Ange.

 

Second utérus

C’est à Geoffroy Saint-Hilaire, et à l’un de ses élèves, le Dr Serres, que revient alors l’honneur d’autopsier le corps. Il veut prouver que le “monstre” Rita-Cristina est un caprice de la nature, et comprendre le mystère de la formation du corps humain. L’autopsie a lieu en public, au museum d’histoire naturelle de Paris. Tous les scientifiques de l’époque sont présents. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que leurs organes sont disposés parfaitement symétriquement. Le médecin découvre également un second utérus “très imparfait”, mais avec ses trompes et ses ovaires, et même deux embryons de jambes.

Aujourd’hui encore, on peut observer le squelette de Rita-Cristina au musée d’histoire naturelle.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

[D’après un article du Point.fr et Histoire générale et particulière des anomalies de l’organisation chez l’homme et les animaux, de Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire]