En quatre ans, ce sont près de 226 millions d’euros de franchises médicales qui n’ont pu être récupérés par l’assurance maladie, majoritairement auprès des assurés en tiers-payant. Avec la promesse présidentielle d’étendre le tiers-payant à la médecine de proximité d’ici la fin du quinquennat, l’existence des franchises médicales, nées en 2008, s’impose dans le débat.
 

 

Mises en place par le gouvernement Fillon en 2008 pour réduire le montant du trou de l’assurance maladie tout en responsabilisant les patients, les franchises (plafonnées à 50 euros par an et par patient), sont de 0,50 centime pour chaque boîte de médicament et acte paramédical et de 2 euros pour chaque transport sanitaire. Les mineurs, les femmes enceintes, et les détenteurs de la CMU en sont exonérés, mais pas les patients en ALD ou en invalidité (en dehors des blessés de guerre), situation étrange qui avait généré à l’époque, de violents affrontements entre l’opposition (PS, PC, écologistes notamment) qui avaient promis main sur le cœur, de supprimer les franchises lorsqu’ils arriveraient au pouvoir. Et la majorité (UMP, et centre), campée sur la justification du bien-fondé de cette réforme. En outre, une participation forfaitaire de 1 euro sur les actes médicaux est également prélevée, elle aussi plafonnée à 50 euros par an, depuis 2005.

 

Deux failles majeures

Le bénéfice des franchises avait été chiffré à 220 millions d’euros par an au bénéfice de l’assurance maladie. Bilan : en 2012, l’assurance maladie a passé dans ses comptes une provision de 150 millions d’euros pour créances non récupérables, du fait de l’impossibilité où elle se trouve de récupérer la franchise sur les patients en tiers-payant. Au total, ce sont 226 millions d’euros de franchise qui n’ont pas été recouvrés depuis 2008.

C’est la présidente (PS) de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale elle-même, la pharmacienne Catherine Lemorton, qui a médiatisé l’affaire, en s’enflammant en séance publique tandis que les députés débattaient du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2014, notamment en présence de Marisol Touraine. Elle était énervée, Catherine Lemorton, d’avoir dû tempêter auprès des services du ministère de la Santé pour obtenir le rapport annuel sur l’application des franchises qu’elle aurait dû recevoir début septembre, et qu’elle attendait toujours en plein examen du PLFSS 2014, fin octobre, alors, elle a porté le fer là où ça fait mal. Car le document pointe du doigt deux failles majeures du dispositif.

Il y a d’une part, le cas des patients très faibles consommateurs de soins, auprès de qui l’assurance maladie peut réclamer des remboursements souvent plusieurs années après les soins. Et qui refusent de payer. Et puis, évidemment, il y a le casse-tête du recouvrement de ladite franchise auprès des patients en tiers-payant. Un dispositif que le gouvernement veut pourtant rendre obligatoire pour tous, en commençant par les patients titulaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS), qui seront 350 000 l’an prochain. Mais ces derniers, contrairement aux patients en ALD, ne seront pas redevables de la franchise.

 

Parrains UMP de la franchise

Néanmoins aujourd’hui, au-delà du problème de recettes pour la sécurité sociale, c’est d’un problème social dont il est question, a affirmé Catherine Lemorton. Elle a ainsi raconté avoir vu venir dans sa permanence “une personne qui se voit réclamer au titre des franchises non récupérées en 2012, cumulées sur quatre ans, le paiement d’une somme de 279 euros, qui représente un gros tiers de son revenu disponible mensuel et que cette personne est incapable de régler”. Facture accompagnée d’une injonction à payer sous quinze jours, par chèque ou par virement. Interpellée par l’opposition, Catherine Lemorton a clairement accusé les parrains UMP de la franchise, d’avoir fait exprès de laisser la majorité actuelle se dépatouiller avec une disposition qu’elle avait combattue, mais non supprimée, et qui n’est pas récupérable. Que du malheur pour le PS ! On attend les explications de Marisol Touraine, interpellée par la présidente de la Commission des affaires sociales, sur les solutions qu’elle compte apporter à ce problème.

Cette affaire fait évidemment les choux gras des médecins libéraux qui, très nombreux, refusent la mise en place du tiers-payant obligatoire pour tous. A commencer par le Dr Claude Bronner, le président de la branche généraliste de la Fédération des médecins de France.

 

“Avec sa réactivité habituelle, l’assurance maladie attend plusieurs années pour réclamer son dû”

Il vient de lancer une enquête sur le tiers-payant, révélant que 83 % des praticiens interrogés refusent l’obligation et se réjouit, dans MG Zapping, que le problème des franchises impayées intéresse enfin les medias. “Avec sa réactivité habituelle, l’assurance maladie attend plusieurs années pour réclamer son dû et des patients en difficultés se retrouvent avec des factures de plusieurs centaines d’euros. D’où les impayés, écrit-il. A noter que lorsque le médecin se trompe sur la situation “médecin traitant”, c’est lui qui paye la franchise et les autres conséquences de son erreur en cas de tiers payant !”. Voilà qui complique encore un peu plus le débat sur le tiers-payant.

S’exprimant tout récemment devant les congressistes de MG France réunis à Marseille, Marisol Touraine a critiqué la solution libérale alternative de la CSMF, négociée avec les grandes banques, reposant sur un terminal électronique de carte de paiement couplé au lecteur de carte vitale, déposé chez le praticien, garantissant au patient un débit différé du coût de l’acte, le temps que les remboursements obligatoires et complémentaires soient crédités sur son compte. Pour la ministre, il ne s’agit pas là de la “bonne solution”. Elle a soutenu la sienne : tiers-payant généralisé à l’horizon 2017, basé sur un dispositif qui “devra être simple. Il concernera le régime obligatoire et complémentaire. Et il devra apporter une garantie de paiement au médecin sans délai”. Là-dessus, presque tout le monde est d’accord pour ce qui concerne le tiers-payant social, tout du moins. Mais, à Marseille, la ministre n’a pas dit comment elle comptait parvenir à résoudre tous les problèmes techniques afférents au tiers-payant, d’ici moins de quatre ans.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne