Dans son livre, Mummies, Cannibals ans vampires, Richard Sugg, médecin chercheur à l’Université de Durham, enquête sur le cannibalisme médicinal chez les monarques britanniques. D’après lui, cette tradition aurait perduré jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

 

Ils dénonçaient les méthodes sauvages des cannibales barbares du Nouveau Monde. Pourtant, selon le médecin Richard Sugg, auteur d’un article publié dans la revue The Lancet, la reine Mary II d’Angleterre (1662 – 1694) et son oncle Charles II (1630 – 1685) avaient eux aussi des coutumes plutôt extravagantes. Pour prévenir quelques maladies et augmenter leurs capacités physiques, ils n’hésitaient pas à porter sur eux, à s’appliquer ou même à boire des parties de corps humains tels que de la poudre de momie égyptienne, de la graisse, de la chair, des os, du sang, de la cervelle et de la peau humaine. De la mousse prélevée sur le crâne de soldats morts aurait même été utilisée comme remède contre les saignements de nez.

“Le corps humain a été largement utilisé comme agent thérapeutique, les traitements les plus populaires incluant chair, os ou sang, explique le Dr Sugg. Le cannibalisme a été pratiqué non seulement dans le Nouveau Monde, comme on le croit souvent, mais aussi en Europe.”

 

Charles II distillait du crâne humain dans un laboratoire secret

Le roi Charles II, mais aussi François Ier, le chirurgien d’Elizabeth Ier John Banister, Elizabeth Grey, la comtesse de Kent, Robert Boyle, Thomas Willis, William III, et la reine Mary auraient été les plus fervents adeptes de cette “médecine par les corps”.

Charles II, aurait lui-même distillé du crâne humain, acheté une fortune, dans son laboratoire secret. On a alors donné à cet élixir miraculeux le nom de “gouttes de roi”. Un remède prescrit contre l’épilepsie, les convulsions, les maladies de la tête et administré en dernier recours aux mourants. Charles II en bût jusque sur son lit de mort.

Cette croyance qu’ingérer des parties de corps humains avaient de grandes vertus thérapeutiques n’était pas l’apanage des monarques. Elle a aussi trouvé ses adeptes parmi le peuple anglais qui aurait pratiqué le cannibalisme médicinal jusqu’à l’époque de la reine Victoria, c’est-à-dire jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

 

“Les bourreaux demandaient à leurs assistants de recueillir le sang dans des coupes”

“Indépendamment de la question du cannibalisme, l’approvisionnement en parties du corps nous semble désormais très contraire à l’éthique, indique Richard Sugg. À l’apogée du cannibalisme médicinal, des corps ou des os ont été systématiquement extraits de tombeaux égyptiens et de cimetières européens. Et jusqu’au dix-huitième siècle la plus grande part des importations en provenance d’Irlande en Grande-Bretagne étaient constituée des crânes humains.”

Pour étayer sa théorie, le chercheur évoque un tableau de l’exécution du roi Charles 1er en 1649. On y voit les badauds récolter le sang du roi avec des mouchoirs.

“En Europe continentale, où la hache tombait systématiquement sur le cou des criminels, le sang était le traitement de choix pour de nombreux épileptiques. Au Danemark, le jeune Hans Christian Andersen a vu des parents faire boire à leur enfant malade du sang à l’échafaud. Ce traitement était si populaire que les bourreaux demandaient régulièrement à leurs assistants de recueillir le sang dans des coupes alors qu’il jaillissait du cou des criminels mourants. Parfois, un patient pouvait court-circuiter ce système. Lors d’une exécution au XVIe siècle en Allemagne, un vagabond saisit le corps décapité avant qu’il retombe, et en bu le sang.”

Il faudra attendre le milieu du XVIIIe siècle pour que les progrès de la science viennent infirmer fermement les prétendus bienfaits du cannibalisme. Et plus d’un siècle plus tard, c’est Sigmund Freud qui analysera l’anthropophagie, la plaçant comme l’un des interdits fondamentaux, au même titre que l’inceste ou le parricide.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu

 

D’après Mummies, Cannibals and Vampires de Richard Sugg, The Lancet et Alterinfo.net